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Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition : "Roch et ses camarades sont les bienvenus

Publié le mardi 21 février 2012 à 00h59min

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Un an après sa création, l’institution chef de file de l’opposition n’a-t-elle pas plus contribué à diviser les partis d’opposition qu’à les unir ?

Je ne pense pas du tout. A l’adoption de la loi en 2009, il n’y avait qu’une vingtaine de partis affiliés au chef de file de l’opposition politique. En avril 2011, nous étions 34 et aujourd’hui, nous sommes une cinquantaine. Tous ces partis politiques ont fait leur déclaration et travaillent régulièrement et de façon sereine au siège du chef de file de l’opposition politique. Donc nous ne reculons pas, nous avançons. J’ai l’impression que ceux qui pensent que la loi a divisé les partis d’opposition ne suivent pas l’évolution en cours.

On sait que le pouvoir a refusé par deux fois l’application de la loi sur le statut de l’opposition en ne prenant pas de texte d’application. Le Pr Ki-Zerbo puis Hermann Yaméogo ont attendu un décret d’application. Ce n’est qu’avec Gilbert Ouédraogo que le pouvoir a pris les textes d’application. Certains pensent que votre adoubement à cette fonction n’est pas gratuit. Quel pacte avez-vous passé avec le pouvoir pour qu’il se décide à prendre rapidement les textes d’application de la loi ?
Je pense que cette question ne m’est pas destinée, vous devriez la poser au pouvoir. Il n’y a pas de pacte entre nous. Ce sont des insinuations sans fondement. J’ai simplement réussi là où beaucoup ont échoué. Je le dis avec beaucoup de fierté et dans l’humilité.

C’est un travail de longue haleine que nous avons réalisé avec un certain nombre de partis politiques de l’opposition dans le CPO (cadre de concertation des partis politiques de l’opposition). Nous avons su créer une dynamique pendant les travaux des commissions mises en place par l’Assemblée nationale à la suite de la crise de la vie chère et c’est ce qui nous a permis d’obtenir l’adoption de la loi malgré le fait que l’opposition était ultra minoritaire dans cette institution. On ne peut pas réduire tous les efforts des uns et des autres à un pacte entre un parti ou un individu avec le pouvoir ou quelques uns de ses représentants. Donner un statut à l’opposition politique est un principe devenu universel dans tous les pays du monde et le Burkina Faso ne saurait faire l’exception.

Le modèle actuel est-il réellement adopté à notre contexte politique ?

La loi en elle-même a des insuffisances. Elle n’a pas doté l’institution chef de file d’un règlement intérieur par exemple. C’est une grande lacune. Ce qui fait qu’il n’y a pas de coercition.

Serez-vous prêt demain à vous aligner derrière Hermann ou Zéphirin si leur parti remportait plus de sièges que le vôtre ?

Ce n’est pas un problème d’alignement. Ce sont des mots inventés par ceux qui travaillent à détruire la loi, à salir l’image de l’institution chef de file de l’opposition. C’est une mauvaise querelle qu’on est en train de nous faire. Ce qui est important pour moi, c’est que la loi a permis de clarifier le jeu politique. Aujourd’hui, un parti qui soutient le programme présidentiel ne pourra plus se prévaloir d’une appartenance à l’opposition. Les partis qui s’assument comme étant de l’opposition peuvent travailler sereinement dans un cadre approprié avec un siège fonctionnel couvert par une immunité. Tous ces partis peuvent désormais se retrouver ici pour échanger dans la sécurité. Maintenant, que X ou Y soit devant m’importe peu.

Il faut plutôt voir ce qu’on peut apporter à notre pays en terme de contribution à l’ancrage de la démocratie, à la lutte pour la résolution des problèmes des citoyens, à leur éveil de conscience pour se prendre en charge. Concernant Hermann Yaméogo, il faut relever néanmoins les contradictions de ses positionnements. Après les législatives de mai 2002 qui avaient placé son parti en tête des partis de l’opposition avec 17 députés à l’Assemblée nationale, il avait entrepris des démarches pour l’application de la loi portant statut de l’opposition, surtout les aspects liés au chef de file. Il est allé même jusqu’à rédiger pour le gouvernement et l’Assemblée nationale un projet de décret dans ce sens. Il s’était lui-même auto investi chef de file de l’opposition et toutes ses correspondances portaient ce titre. A l’époque, il avait l’appui de mon parti, celui de notre groupe parlementaire et du regroupement des partis de l’opposition appelé Concertation de l’opposition burkinabè (COB). Sa démarche n’a pas été couronnée de succès jusqu’à ce qu’il soit éjecté de l’ADF/RDA.

Pour avoir soutenu les démarches de Hermann Yaméogo et accepté de travailler avec lui au sein de la COB, mon parti a connu des remous car, pour certains camarades, il était hors de question de s’asseoir avec lui. Mais j’ai estimé que c’est une question de principe qu’il faut savoir défendre malgré ce qui peut nous opposer à l’homme. Je pense qu’il nous faut souvent nous élever au-dessus de certaines considérations pour construire des bases solides pour notre démocratie. Je continuerai de le faire en dépit des incompréhensions et des obstacles qui ne vont pas manquer. Aujourd’hui, je constate que son parti refuse de se conformer à la loi.

A l’inauguration du siège de votre institution, la présence de certaines personnalités du pouvoir a été particulièrement remarquée : Tertius Zongo, Simon Compaoré et surtout Roch Marc Christian Kaboré. Ces personnes appartiendraient à la même sensibilité politique au sein du parti au pouvoir. Certains observateurs politiques considèrent qu’il existerait une connivence entre vous et cette tendance. Votre appel " Blaise dégage " lors de la crise de 2011 a notamment été interprété comme entrant dans une stratégie de conquête du pouvoir par cette tendance dont vous n’êtes qu’un pion. Quels liens entretenez-vous avec Roch et ses amis ?

Il serait bon de mentionner aussi la lettre que le président Blaise Compaoré m’a adressée à l’occasion de cette inauguration. Lui aussi ferait donc partie de leur groupe ? Que dire alors de tous ceux qui ont fait honneur à l’opposition en assistant à cette cérémonie ? Moi je ne sais pas si les autorités dont vous citez les noms appartiennent à un groupe donné. Je constate seulement qu’elles ont reçu une invitation en tant que premier responsable de leur structure et elles sont venues à ce titre. Si maintenant, certains voient autre chose, c’est leur droit le plus absolu.

Il reste que votre proximité avec Roch est un secret de polichinelle. Qu’est-ce qui explique cette proximité ?

Posez la question à Roch Kaboré.

En attendant d’avoir Roch, je vous pose la question.
On ne peut pas empêcher le journaliste que vous êtes d’avoir une sensibilité, une philosophie politique. Cette sensibilité peut se retrouver chez quelqu’un d’autre. C’est tout à fait normal.

Pour vous, en dehors des rapports institutionnels, il n’y a rien entre vous et Roch Kaboré ?

Non, il n’y a rien. Je vois que vous êtes plus un juge d’instruction qu’un journaliste. Vous vous comportez en juge d’instruction avec des méthodes d’inquisition plutôt qu’en journaliste qui pose des questions pour informer l’opinion. Je pensais que vous étiez venu pour comprendre le fonctionnement de l’institution que je dirige, comment il apporte sa contribution dans l’approfondissement de notre démocratie et tout le travail que nous faisons sur le terrain.

Ne vous inquiétez pas, il y a d’autres questions sur l’institution chef de file de l’opposition.

Là vous me rassurez. Sinon, j’ai l’impression d’être en face d’un juge. Heureusement qu’il y a la déontologie.

Vous évoquiez tout à l’heure la lettre que le président Compaoré vous a adressée pour vous féliciter à l’occasion de l’inauguration du siège du chef de file de l’opposition. En dehors de cette lettre, y a-t-il eu d’autres démarches de sa part tendant à vous consulter sur des sujets d’intérêt national comme le prévoit la loi sur le statut de l’opposition ?
Jamais. Nous avons même regretté qu’au summum de la crise en 2011, il ne nous ait pas contactés. Il aurait dû le faire.

"Roch est un Homme d’écoute, courtois, je lui dois beaucoup de respect et il me le rend aussi ; ; ;"

Revenant à l’institution que vous dirigez, on dit que vous avez placé vos camarades de parti à tous les postes. Comment sont pourvus les postes dans votre institution ?

En dehors de deux personnes (mon chef de cabinet et le chargé des affaires juridiques), je ne connais pas un militant de l’UNIR/PS qui travaille dans l’institution. Vous pouvez poser la question aux agents de savoir quelle est leur appartenance politique. Quand ils ont été recrutés, ce n’est pas ce critère qui a été mis en avant mais plutôt la compétence professionnelle. Du reste, même si tous les postes étaient occupés par les cadres et militants de mon parti, quel est le problème ? Si l’institution échoue, c’est d’abord l’échec de l’UNIR/PS puisque c’est le président de ce parti qui est le chef de file de l’opposition. Ce que les gens ne savent pas, c’est que mon parti souffre beaucoup depuis que j’occupe ce poste. Je consacre énormément de temps à cette institution au détriment de mon parti. Les militants se plaignent de cette situation.

Votre parti a connu récemment des remous avec le groupe dit d’Alphonse Ouédraogo. Ils ont dénoncé un certain nombre de problèmes au sein du parti qui, à leurs yeux, est devenu l’affaire de quelques individus, surtout du député Yamba Malick Sawadogo. Vous seriez vous-même sous influence de ce dernier qui impose qui il veut dans les démembrements du parti. Vous les avez exclus du parti et ils ont créé le leur. D’autres avant eux ont subi le même sort et ont fait de même. Ces querelles cycliques ne traduisent-elles pas un grave problème de gestion des ressources humaines de votre part ?

Vous savez, dans un parti, il n’y a pas que du bon. On trouve du tout dedans. Pour qu’il grandisse, s’élargisse, on élabore des textes, notamment les statuts et le règlement intérieur. Il y a également le Manifeste qui indique la ligne du parti, son programme. Le premier responsable a pour mission de défendre cette ligne et c’est ce que je fais. Au congrès, les dirigeants doivent être capables de dire ce qui est bon pour le parti sans complaisance et laisser les militants apprécier. Jusque là, je pense que c’est ce que je m’évertue à faire. Le problème dont vous parlez couvait depuis 2004 à l’orée des élections municipales de 2005 qui ont été reportées en 2006. Avant les législatives de mai 2002, nous avions connu les mêmes remous. Il y en a qui ne sont intéressés que par les postes qu’ils peuvent obtenir dans le parti. Ils oublient qu’il faut inscrire leur combat dans un cadre qui respecte la ligne du parti. J’ai entendu certains exclus du parti dire qu’ils n’ont pas été entendus. C’est archi faux. Je peux vous montrer les rapports d’audition de ces ex-camarades. Et puis, ce n’est pas un individu qui s’est assis pour prendre la décision de les sanctionner, c’est une instance du parti.

Ce qu’ils ne disent pas, c’est que nous avons créé des commissions pour tenter des médiations. C’est après toutes ces voies de conciliation et de recours qu’en dernier ressort, le parti a pris sa décision. Voilà honnêtement ce qui s’est passé. Franchement, ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on se sépare de camarades avec qui vous avez travaillé pendant des années, mais il y a des moments où cela est nécessaire pour tout le monde. C’est bien pour le parti et peut-être que cela peut leur porter bonheur également. Je leur souhaite bon vent dans leur nouveau parti.

Avec cette logique d’exclusion, ne risquez-vous pas d’affaiblir le parti à l’orée des élections couplées de fin d’année ?

Quand vous avalez quelque chose d’indigeste, il faut vomir pour se sentir à l’aise. C’est ce que nous faisons. Le parti se porte mieux aujourd’hui. L’UNIR/PS, c’est la rigueur, la discipline. Le militant doit savoir que le parti a une ligne de conduite. Il a des textes qu’il faut respecter. Il faut se soumettre à cette discipline. Si vous ne vous soumettez pas, le parti a prévu des sanctions contre vous. L’essentiel, c’est que les dirigeants aient le discernement nécessaire pour prendre des décisions qui renforcent le parti.

L’UNIR/PS serait devenu un parti des " gens du Passoré " selon ses détracteurs. Est-ce que le fait que les dirigeants les plus en vue et la majorité des élus du parti viennent de cette province ne renforce pas cette impression ?

(Rires). C’est vraiment méchant. Ce sont des jugements erronés. Vous avez parlé des députés qui sont originaires du Passoré, combien sont-ils ? Au Passoré même, nous avons un élu en la personne de mon chef de cabinet Fidèle Kientéga. Malick Sawadogo est originaire du Passoré, mais il s’est battu avec le parti pour arracher deux sièges dans le Kadiogo. Madame Bessin et Nestor Bassière sont originaires du Sanguié. Est-ce pour autant qu’on va dire que le parti est entre les mains des gens du Sanguié ? Il faut constater d’ailleurs que ni Bessin ni Bassière ne sont des élus de cette province. Celui qui m’a remplacé à l’Assemblée nationale, Athanase Boudo n’est pas non plus du Passoré. Je pense qu’on fait un mauvais procès au parti. L’UNIR/PS est présent1 dans toutes les régions du pays. Il se bat avec les filles et fils de toutes les provinces du Burkina Faso qui adhèrent à sa ligne politique. Nous sommes un parti national qui a des ambitions nationales pour développer le Burkina Faso.

Ce qu’il faut reconnaitre humblement, c’est que dans tout parti, les gens ne sont pas pareils. Il y en a qui sont plus dynamiques que d’autres. C’est la même chose entre les structures du parti. Dans le Passoré, la section locale est mieux organisée que celles d’autres provinces par exemple. Je ne parle pas de celle de Ouagadougou qui a des comités de base dans tous les secteurs et villages de la commune. C’est d’ailleurs pour cela que nous élaborons chaque année un programme de structuration du parti pour le renforcer là où ça flanche un peu.

Pour les élections à venir, l’UNIR/PS compte-t-il faire alliance avec d’autres partis ?

Nous avons lancé un programme dénommé " Dialogue inter sankariste " qui sera élargi à d’autres partis de l’opposition pour que nous ayons une stratégie commune pour aller aux élections. Peut-être que cette fois-ci, nous allons réussir malgré les obstacles évidents sur notre chemin. Mais j’ai espoir. Nos échecs du passé doivent nous instruire. Nous avons tenté en 2005 lors de la présidentielle et au finish, on s’est retrouvé avec 12 candidats. Aux municipales de 2006, les partis de l’opposition n’ont pas non plus su se mettre ensemble pour conquérir des mairies, ce qui était à leur portée. Il en fut de même lors des législatives de 2007. Pourtant, les citoyens burkinabè aspirent au changement dans leur grande majorité. Ils attendent beaucoup des partis de l’opposition, qu’ils transcendent certaines divergences secondaires pour porter les aspirations du peuple qui a tant souffert. En tant que chef de file de l’opposition, je déploie toutes mes forces pour que de par notre travail, notre comportement, le peuple nous accorde sa confiance. Partout en Afrique où il y a eu alternance, c’est parce que les partis de l’opposition ont su se mettre ensemble. Pourquoi chez nous, ce n’est pas possible ? Certes, le camp d’en face travaille à diviser, à affaiblir l’opposition, mais je reste convaincu que s’il n’avait pas le soutien de certains opposants, il n’y parviendrait pas.

Ce constat est partagé par l’ensemble des acteurs de l’opposition. Aujourd’hui, vos militants se demandent pourquoi vous ne passez pas aux actes. Qu’est-ce qui vous oppose réellement au point de vous empêcher de conclure des alliances électorales dans certaines localités ?

J’ai l’impression que vous ignorez la réalité de notre démocratie. Nous sommes dans un pays où les dirigeants ont réussi à instaurer une démocratie de façade. Dans ce type de régime, il est plus facile de faire la rue que d’être un opposant qui évolue dans le cadre légal. Il y a énormément d’obstacles qui se dressent devant cet opposant que parfois, le moral est au talon. Ma fonction actuelle au sein de l’institution chef de file me permet de mesurer toute l’ampleur des difficultés. Après avoir adopté la loi, on travaille aujourd’hui à la détruire, à casser l’institution, à dénigrer Me Sankara tout simplement parce qu’on ne veut pas d’une opposition structurée, capable de se prendre en charge, d’être un vrai contre pouvoir. Nous résistons aux différents assauts, y compris ceux venant des partis qui se disent de l’opposition. Vous comprenez toute la complexité de la tâche. Sans oublier un autre écueil et non des moindres, c’est le niveau de culture politique des citoyens. Aujourd’hui encore, beaucoup votent parce qu’on leur a donné un tee-shirt, un sac de mil ou un moulin. Dans ce contexte, il est très difficile pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’en sortir. Le travail que nous faisons aujourd’hui, c’est pour les générations futures, pour qu’eux au moins, ils aient la liberté de choisir en toute connaissance de cause les dirigeants capables de défendre leurs intérêts et de satisfaire leurs besoins fondamentaux. Je suis convaincu que 2012 est l’année de l’opposition.

Qu’est-ce qui vous permet d’être aussi optimiste ?

La majorité des citoyens souhaitent le changement dans ce pays. Les signes avant coureurs commencent à se poindre avec l’alternance annoncée à la tête du CDP, le parti au pouvoir. Le président de ce parti vous l’a dit : il veut le changement partout. C’est pourquoi il compte donner l’exemple. L’alternance est donc irréversible.

Le changement peut effectivement se produire sans que cela ne soit de l’alternance. Il peut également avoir de l’alternance sans que vous en soyez l’acteur et le bénéficiaire.

Pourvu qu’il y ait l’alternance, peu importe si je ne suis pas le bénéficiaire. C’est le peuple qui doit en être l’acteur et le bénéficiaire. Mais sachez que nous travaillons à l’UNIR/PS à réaliser cette alternance tant souhaitée. Nous sommes en discussions avec d’autres partis pour nous accorder sur les stratégies et les tactiques qui pourront nous conduire à la victoire.

Quels sont les acquis fondamentaux qu’on peut mettre à votre actif dans l’exercice de votre fonction de chef de file de l’opposition ?

C’est d’abord d’avoir doter l’institution d’un siège acceptable et fonctionnel. A ma désignation en 2009, le pouvoir voulait me confiner dans un petit bureau à l’Assemblée nationale. J’ai refusé de me contenter du seul titre de chef de file. Je me rappelle que Gilbert Ouédraogo avait dit à l’époque que c’est une coquille vide. J’ai répondu en disant qu’il fallait remplir la coquille. J’ai bataillé pour que le chef de file devienne une véritable institution. C’est vrai que jusqu’à présent, on n’est pas totalement arrivé parce que imaginez-vous que le budget de l’institution est aligné sur celui du parlement des enfants qui ne se réunit que quatre fois dans l’année. Alors que nous, on travaille tous les jours. Mais c’est surtout l’esprit qui se développe autour de l’institution qui est l’acquis le plus important. Les partis politiques de l’opposition dans leur majorité ont compris maintenant la nécessité de se mettre ensemble, de se concerter, se contredire même pour trouver des voies et moyens d’agir de concert. Nous sommes dans cette dynamique. C’est ce qui explique en partie la virulence des critiques contre l’institution et la personne qui l’incarne.

Là encore, on ne sent pas l’action concrète sur le terrain. Vous aviez par exemple promis à vos militants au meeting du 30 avril " Blaise dégage ", d’autres meetings et marches. Près d’un an après, cette promesse n’a pas été tenue. Il y a pourtant eu entre temps d’autres développements sur le plan national qui nécessitaient des actions fortes de l’opposition, mais on n’a rien vu venir. N’est-ce pas cette inaction là qui démotive aussi les troupes ?

Vous avez raison. L’opposition n’a pas toujours fait preuve d’une bonne réactivité. Vous savez, ce n’est pas toujours facile de décider quand on est très nombreux. En avril 2011, on était 34 partis politiques. Aujourd’hui, nous somme 49 et pour décider d’une action, il faut réunir tout ce monde. Il faut des réunions pour en parler, pour dégager des décisions consensuelles. C’est parfois pénible, mais c’est ça aussi l’exigence d’être ensemble. Nous travaillons à doter l’institution d’un plan d’action discuté et convenu avec l’ensemble des partis politiques membres. Ainsi, nous serons constamment en action, sur le terrain pour ne pas donner l’impression que nous improvisons ou que nous ne faisons rien.

Le gouvernement a créé récemment le comité de suivi de la mise en œuvre des réformes politiques. Quelle appréciation faites-vous du processus en cours ?

Vous pouvez encore dire que c’est parce que Roch est mon ami, mais je suis d’accord avec ses propos quand il dit qu’on ne devrait pas contourner le parlement pour aller légiférer dans un autre cadre. Le CCRP est un cadre manifestement illégal. On s’est retrouvé entre groupuscules pour prendre des décisions dites consensuelles. Ces décisions sont-elles consensuelles pour qui ? Aujourd’hui, l’opposition politique légale ne reconnait pas ces décisions, les organisations de la société civile dans leur majorité ne reconnaissent pas non plus leurs décisions. Les travaux du CCRP ne nous engagent donc en rien. En mettant en place le comité de suivi, le gouvernement va transformer les décisions des Assises en projets de loi pour les envoyer à l’Assemblée nationale. Et vous savez que tous les partis dits de l’opposition du CCRP ou des Assises nationales n’ont aucun député à l’Assemblée. Seuls le CDP et ses alliés de la mouvance en disposent. Ceux qui ont usurpé le titre de l’opposition sont obligés donc de s’entendre avec le CDP. C’est ici qu’on peut parler de deal, de pacte. Ces partis politiques qui ont représenté l’opposition de manière illégale sont donc plus proches du CDP que de la vraie opposition. Ils travaillent à détruire l’opposition.

Sur ce point, il y a encore convergence entre vous et Roch.

Oui, au-delà même de la convergence, je place mon action politique dans un cadre de dialogue et de tolérance. La politique, ce n’est pas de l’animosité. J’ai travaillé à l’Assemblée nationale avec Roch et je l’ai trouvé très courtois, disponible. C’est quelqu’un qui aime la démocratie. Je lui dois beaucoup de respect et il me le rend bien aussi. En politique, même si à un moment donné, vous êtes des adversaires, il faut néanmoins savoir reconnaitre les qualités des uns et des autres. Sinon entre le citoyen Roch et moi, il n’y a pas de rapport particulier.

Vous pensez que c’est un démocrate malgré sa hargne contre l’article 37 qu’il a qualifié d’anti-démocratique ?

Vous savez, quand vous dirigez un parti comme le CDP, ce n’est pas du tout évident. Mais lui-même s’est dédit tout récemment par rapport à l’article 37. Il a prôné l’alternance partout. Aujourd’hui, on ne parle plus de l’article 37, c’est fini. Il ne sera pas touché. Blaise va partir.

Est-ce qu’on pourrait finalement dire que votre proximité avec Roch et ses amis politiques dans le CDP est liée à leur ancienne appartenance à l’Union de luttes communiste (ULC) qui était proche de Sankara dans la crise qui l’opposait à d’autres fractions de la révolution en 1987 ?

Ce qui est vrai, ce n’est pas l’UNIR/PS seulement qui est de la famille sankariste. On en trouve d’autres dans l’opposition et ailleurs. Si d’aventure ceux qui sont au CDP et qui appartiennent à une certaine aile confirment leur appartenance au sankarisme, nous leur souhaitons la bienvenue dans la famille. Nous saluerons leur retour. Ils se sont certainement rendu compte qu’ils se sont trompés durant une vingtaine d’années. Nous disons donc bon retour à Roch dans la grande famille sankariste. Nous allons l’accueillir comme l’enfant prodige de la bible.

Interview réalisée par Idrissa Barry

L’Evénement

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Vos commentaires

  • Le 21 février 2012 à 03:31, par Dabiré En réponse à : Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition : "Roch et ses camarades sont les bienvenus

    Si le Fils prodigue de la Bible avait également été un enfant prodige, il serait peut-être revenu vers son père dans un état moins lamentable ... (pardonnez la digression - la tentation était forte !).

  • Le 21 février 2012 à 06:25, par Tapsoba En réponse à : Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition : "Roch et ses camarades sont les bienvenus

    « Aujourd hui,l opposition politique légale ne reconnait pas ces décisions(...)les travaux du CCRP ne nous engagent en rien »
    Aujourd hui ,on ne parle plus de l article 37,c est fini.Il ne sera pas touché.Blaise va partir

    Pourquoi ne parle -t-on plus de l article 37 ? Parce que les travaux du CCRP n ont pas abouti à un consensus sur la question comme le souhaitaient le CDP et son président Roch kaboré.Preuve que d autres acteurs(Opposants illegaux(?) et membres d’OSC se sont opposés à son dévérouillage.Ce qui vous permet aujourd hui d affirmer fièrementque Blaise va partir.C est cela la vérité Me Sankara.Il ne faut pas être malhonnête .

  • Le 21 février 2012 à 06:59, par Beurk En réponse à : Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition : "Roch et ses camarades sont les bienvenus

    Me Sankara,ce n’est pas ainsi qu’on fait de la politique même si philosophiquement parlant nous pouvons être tous d’accord avec Voltaire lorsqu’il explique qu’il n’y a pas de différence entre un homme et un animal,et qu’en conséquence une énorme partie de nos lois,raisonnements et autres sont bancals.Pour autant,je pense que nous ne devons pas nous comporter comme les moutons en changeant de pâturages selon les saisons car si vraiment l’opposition se bâtit un vrai projet de sociétés pour les Burkinabè avec des principes clairs propres,elle n’aura pas besoin de Mr Roch pour l’effectivité de cette alternance tant souhaitée en 2015 surtout qu’il a toujours fait partie de ce pandémonium tant décrié et vomi.En tout cas,au nom de la morale,je condamne les transhumants politiques car la plupart du temps,ce sont des hommes sans conviction qui s’illustrent plutôt en étant de vrais mange1000 sans dignité

  • Le 21 février 2012 à 08:57, par Filsdupaysan En réponse à : Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition : "Roch et ses camarades sont les bienvenus

    Monsieur BARRY,
    vous avez réalisé un bon travail mais la mise en forme semble rater.
    Il serait bien de toujours relire vos textes et faire une bonne mise en forme avant publication.
    On confond ici certaines de vos questions aux réponses,ce qui ne permet pas de vous suivre.

  • Le 21 février 2012 à 09:17 En réponse à : Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition : "Roch et ses camarades sont les bienvenus

    Voilà quelqu’un dont le discours est en parfait déphasage avec ses actes au quotidien. La politique du "poulika" ne paie plus à ce jour.
    Me Sankara a intérêt à apprendre à être sincère et ne pas prendre ceux qui écoutent ou lisent comme des nez-percés !

    La vérité finit toujours par se savoir et le faible sera blanchi un jour à l’autre du mensonge de celui qui se prétend le plus fort...

  • Le 21 février 2012 à 10:12, par MemoireVive En réponse à : Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition : "Roch et ses camarades sont les bienvenus

    Ne dites pas que vous avez réussi là où d’autres ont échoué. Un peu de modestie et un peu d’honnêteté intellectuel. Ceux que vous dites avoir échoué ont initié, mûri et lutter pour son avènement, d’autres sont morts sans en cueillir les fruits. Ils méritaient plutôt votre hommage.
    Je suis convaincu que le Burkina n’a pas de parti d’opposition et j’ai la prouve que vous bouffez votre part de pouvoir sans vous soucier de ce qu’attend un peuple de son opposition. Espérons qu’un jour le peuple pourra avoir une opposition en dehors de l’AMP et des partis sous la coupe du Chef de file de l’opposition. Déception !

  • Le 21 février 2012 à 10:38, par tomorrrowisneveraday En réponse à : Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition : "Roch et ses camarades sont les bienvenus

    Rock va bientôt créer son parti et rejoindre le chef de file de l’opposition ! wait and see ! si Me Sankara dit que Blaise ne se presentera pas en 2015, il sait de quoi il parle vu sa proximité avec Roch ! le retour de Salif Diallo n’est pas fait pour amuser la galérie ni pour plaire à certains (démission de Rock, démission de Simon Compaoré...tout ceux qui ont tiré sur Salif Diallo s’en vont, et ses proches viennent aux affaires : Achille Tapsoba et compagnie "les intello du CDP" !) adieux la Galaxie de François Compaoré et la FEDAPBC ! echec et mat !

  • Le 21 février 2012 à 15:11, par le riche En réponse à : Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition : "Roch et ses camarades sont les bienvenus

    Blaise c’est Chipolopolo (donc CAN+++ c’est à dire un gagneur) et Me Sankara c’est étalon (donc CAN— c’est à dire un perdant chronique).

  • Le 21 février 2012 à 16:59, par CDR En réponse à : Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition : "Roch et ses camarades sont les bienvenus

    Je constate avec plaisir que Me Benewende est en train de prendre de l’étoffe. Il est en train de gagner en élévation. Je ne le reconnais presque pas. Son langage est nouveau, plus policé, plus politique. Il a fait l’effort louable de prendre ses distances d’avec les discours de va-t-en guerre qui arrangeaient bien des gens de son parti comme du pouvoir même. Avec son nouveau discours plus réalpolitique que "militantiste", il est en train d’aller à maturation, politiquement parlant. Pourvu que ça continue pour le bien de tous (sankaristes et autres courants de l’opposition). Chapeau Maître !

  • Le 21 février 2012 à 19:27, par lyno En réponse à : Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition : "Roch et ses camarades sont les bienvenus

    Je voudrais tirer mon chapeau au journaliste pour cette interview et aussi chapeau à Me.
    Je ne sais pas si c’est une antipathie naturelle ou une absence de culture de tolérance que les uns et les autres eprouvent à l’endroit de Me ?
    les observations faites ici par les uns et les autres tranchent d’avec les idées et les reponses emisent par Me.
    Je ne suis pas de parti de Me. ni d’accord avec lui sur tous les plans, mais je lui tire mon chapeau pour le courage qu’il a a se battre au quotidient pour la démocratie. Nous ferons mieux de nous battre tous, d’avoir les pieds dans l’arreine politique quelque soit le bord mais en ayant sérieusement à coeur le bien etre de nos compatriotes et de cette nation.
    En quoi nous ne sommes pas d’accord avec tel projet ou tel personnage et quelles sont nos idées, telles doivent etre le plan de toute notre démarche et non un travail de sabotage quant il s’agit de telle ou telle personne. Plus il y’a une opposition forte il y’a un équilibre du pouvoir et le jeu peut etre sérieux et reposer sur des idées et non de la gabégie de toute part.
    Je lance un appel à la jeunesse, aux partis politiques quelque soit les bords, à banir la gabegie à travailler pour le bien etre de tous.

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