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Professeur Abdou Bontianti : ‘’Les riverains du Niger sont exposés à des risques sanitaires de tous ordres’’

Publié le mercredi 15 février 2012 à 02h37min

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Abdou Bontianti est directeur de l’Institut de recherches en sciences humaines (IRSH) de l’Université Abdou Moumouni de Niamey. Il s’intéresse à la question de l’eau et de l’assainissement depuis le début des années 1990. En ce moment même, le professeur Bontianti travaille avec des collègues français et Burkinabè sur un projet de recherche qui porte sur la pauvreté et l’accès à l’eau et à l’assainissement dans les quartiers précaires de Niamey. Rencontré au Forum national de l’eau et de l’assainissement du Niger, il aborde, dans l’interview qu’il nous a accordée, ses travaux de recherche et les grandes préoccupations de son pays en matière d’hygiène et d’assainissement.

Comment justifiez-vous votre participation au présent forum national de l’eau et de l’assainissement ?

Je suis vraiment venu par un fait du hasard. C’est un doctorant que j’encadre qui m’a informé de ce forum national organisé sur l’eau. J’ai appelé pour savoir si je pouvais aussi participer. Vu que je suis dans le domaine depuis les années 90, à un moment où les gens n’avaient pas encore commencé à s’interroger sur la question. Et vu aussi que je dois participer au forum mondial de l’eau à Marseille. C’est pour toutes ces raisons, j’ai jugé nécessaire d’être là pour m’enquérir de ce que les uns et les autres vont dire.

Quelles sont vos attentes à ce forum ?

Mes attentes, c’est qu’on soit véritablement conscient du lien entre l’eau et l’assainissement. Il ne peut pas y avoir de l’eau potable dans un environnement insalubre. Il y a l’impérieuse nécessité de traiter la question de l’eau et de l’assainissement en amont, c’est-à-dire, assainir nos villes, épurer proprement les effluents domestiques et industriels avant de les remettre à leur milieu naturel. Il faut aussi organiser un bon système de gestion des déchets solides pour que cela ne contamine pas les rivières, les eaux de surface d’une manière générale parce qu’une fois que ces eaux sont polluées, pour les traiter et les rendre potables, ça devient plus difficile.

Vous faites depuis des années des recherches sur la question de l’eau et de l’assainissement. Quel est l’état de la situation au Niger ?

La situation est critique dans la mesure où plus de 80% de l’eau de boisson des nigériens provient du fleuve Niger qui est aujourd’hui menacé. Menacé par les rejets hospitaliers, domestiques. Nous avons recensé 48 points de rejets quand nous faisions nos travaux d’inventaire sur les points de rejets. Les points de rejets sont des points à partir desquels les eaux sont déversées directement dans les fleuves soit de manière permanente, soit par intermittence au moment des pluies. Ces eaux arrivent dans un fleuve où le débit en étiage est déjà très faible. La capacité d’auto- épuration des eaux du fleuve amoindrit au moment de l’étiage, et il y a une pollution de ces eaux.

Les populations riveraines qui boivent ces eaux sont exposées à des risques sanitaires de tous ordres.
Deuxième chose, l’eau de boisson de Niamey provient essentiellement du fleuve. Quand l’eau est polluée, il va s’en dire que le coût du traitement pour la rendre potable sera plus important. Si on n’y prend garde, la tarification de l’eau aussi va subir un coût. C’est pourquoi il faut traiter la question en amont. C’est là, le lien important. Traiter la question de l’assainissement en amont signifie bien gérer les déchets urbains liquides et solides avant que ceux-ci ne finissent dans le fleuve.

Il faut une sensibilisation des populations…

Quand vous prenez par exemple les pêcheurs, dans la plus part des cas, ils n’ont pas de forage, ni de robinet. Ils partent prendre l’eau directement au fleuve. Ils sont en contact avec les eaux du fleuve. Les populations non pêcheurs qui sont dans les quartiers riverains du fleuve, partent se baigner, laver leurs ustensiles de cuisine dans le fleuve. Des risques réels de contaminations existent. La seule sensibilisation à faire, c’est de décanter un peu le chlore. Mais cela ne résout pas tous les problèmes. Certains contaminants ne peuvent pas être éliminés par le chlore. La seule solution est technique. Il faut que les municipalités prennent conscience de leur responsabilité, que les services qui ont la charge de contrôler les rejets des effluents jouent pleinement leur rôle. Une division des établissements classés insalubres et dangereux devrait normalement contrôler la qualité des eaux rejetées dans le fleuve. Malheureusement, cette division ne fait pas son travail, faute de moyens. Alors que des textes existent. Il faut faire appliquer ces textes et doter les services compétents de moyens pour le faire.

Avez-vous l’impression que toutes ces questions seront prises en compte dans ce forum ?

J’ai bon espoir. Ce que j’ai entendu hier me rassure. Certaines de mes préoccupations ont été abordées par les communicants. Et j’espère que les autres préoccupations qui n’ont pas encore été prises en compte le seront au cours des prochaines présentations.

Que peuvent attendre les organisateurs du présent forum peuvent de vous, surtout en tant qu’acteur de la question ?

A mon avis, nous pouvons les aider à mieux identifier les problèmes, à mieux identifier les relations eau et assainissement et à trouver les solutions idoines qui peuvent satisfaire tous les acteurs du sous-secteur eau et assainissement. Malheureusement, ce que j’ai constaté et que je déplore, c’est qu’il n’y a pas une véritable synergie entre les acteurs. Ceux qui ont pris cette initiative auraient pu étendre l’information au niveau d’autres acteurs. Je me dis que c’est une première fois, c’est excusable. Je n’ai pas été invité personnellement mais dès que j’ai appelé, ils m’ont dit de venir. Donc, je peux mettre cela sur le compte de l’oubli.

Quels sont les actions prioritaires à envisager pour le Niger ?

C’est prendre le problème en amont, asseoir un bon système de gestion des déchets solides et liquides. Aujourd’hui, il y a des forages et des puits dans les quartiers périphériques, la population s’alimente autour des bornes fontaines. Le taux de branchement privés est faible. Alors que, qui dit puits dans un système d’auto-assainissement où on a beaucoup de latrines dit risques de contaminations bactériologiques de l’eau de la nappe phréatique quand celle-ci est proche de la surface. Quand la population s’alimente dans ces puits, il ya risques de contaminations réelles. C’est pourquoi je dis que la priorité des priorités, c’est d’asseoir un bon système d’assainissement. Une seconde raison de la priorité qui doit être accordée à l’assainissement, quand les ménages prennent l’eau avec les bornes fontaines ils la stockent deux ou trois jours avant de vider la jarre. Durant ce temps, si l’environnement est insalubre, il y a également des risques de contamination de l’eau. C’est pourquoi je dis qu’il faut d’abord assainir et faire respecter les règles par les unités industrielles.

Comment se passent vos travaux de recherche ?

Ça avance. Au début de l’année 2010, quand je commençais mes travaux, il y a avait très peu de chercheurs qui s’intéressaient à la question. Mais, aujourd’hui, Dieu merci, parce que de plus en plus de chercheurs qui s’y intéressent également. En outre, nous avons des étudiants qui s’y intéressent et font des thèses, des mémoires. Dans le milieu de la recherche, il y a une prise de conscience. La seule chose que je peux critiquer, c’est que dans le décret 2010 qui crée la commission nationale de l’eau de l’assainissement du Niger, il n’y a ni l’éducation nationale encore moins l’enseignement supérieur. C’est un peu dommageable et je vais voir comment faire pour écrire, attirer l’attention, sur le fait que l’éducation nationale et l’enseignement supérieur devaient faire partie de cette structure.

Serez-vous au forum mondial de l’eau de Marseille ?

Oui. C’est par l’intermédiaire de mes deux collègues de l’université de Toulouse et de leurs partenaires que j’y serai. C’est justement la raison pour laquelle j’ai tenu à participer à ce forum national de l’eau.

Interview réalisée à Niamey par Bauguima BADO

Le Soir

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