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EPITRE A ISSA TIENDREBEOGO : "Le système politique qui gêne ta patrie est dangereux"

Publié le vendredi 10 février 2012 à 00h36min

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Le professeur et homme politque burkinabè, Issa Tiendrébéogo n’est plus de ce monde . Il a tiré sa révérence des suites d’une maladie, à Tunis. Des messages de compassion fusent de partout. C’est dans ce registre qu’il faut classer cette épitre de Louis Armand Mihyèmba Ouali.
Professeur, Je ne suis doué ni pour la nécrologie, ni pour la nécromancie. Mais, à la quasi-unanimité, l’on a salué ton patriotisme. Je peux, très humblement, en témoigner. Je n’étais pas un élève brillant en mathématiques. Honnêtement, ce n’est pas affirmer que je n’aimais ni les mathématiques que tu m’as enseignées, ni les sciences physiques. Par contre, oui, tantie Alice peut témoigner qu’en histoire-géographie j’étais parmi ses 5 meilleurs élèves du « Grand LOC ».

Plus que tout, nous retenons de vous votre amour pour la Haute Volta/Burkina, votre patriotisme. Tu pars au moment où les lignes de front bougent. Pour celui qui sait lire l’histoire et même pour les thuriféraires les plus obstinés, les plus obtus, assurément, des changements s’annoncent.

Issa,

Il ne faut cependant pas danser plus vite que la musique. Il faut savoir raison garder, car la route est encore longue. Elle est surtout semée d’obstacles et d’embûches. La ruse est encore là et bien là et toute naïveté, tout manque de vigilance coûtera très cher à son auteur. Le système politique qui gère ta patrie, depuis plusieurs décennies, est dangereux pour les élites, les vraies élites. A l’élitisme du mérite, de l’excellence, il a substitué l’élitisme de la nomination. Les recasements des anciens membres du gouvernement dans les ambassades en constituent une preuve. Dans les démocraties qui fonctionnent et qui sont citées en exemple, les anciens ministres mettent leurs expériences (les nôtres en ont-ils vraiment ?) et leurs compétences (les nôtres en ont-ils ?) au service des populations en arrachant de haute lutte des sièges d’élus locaux ou nationaux.

Dans ton pays, siéger à l’Assemblée nationa !e et au sein d’un conseil municipal est perçu par beaucoup d’entre eux comme une déchéance terrible. Au plan international, ces messieurs et dames, dont un aîné brillant a souligné dans un long article les mérites, n’ont apparemment pas la compétence et le leadership indispensables pour compétir. Pour échapper au regard des Burkinabè, leurs compatriotes qu’ils adoraient quand ils étaient « minister », c’est-à-dire serviteurs du peuple, ils se réfugient à l’étranger. Quel monde en l’envers ? Et puis qu’ont-ils fait de mal quand ils étaient ministres au point de chercher, quasiment tous, à fuir leur pays ? L’on-til vraiment loyalement servi, peut-on s’interroger légitimement ?

Maître,

Les ambassades constituent une autre preuve de ce que le mérite ne conduit pas aux fonctions d’ambassadeur. Plus globalement, il faut s’interroger sur les critères réels qui ont prévalu aux dernières nominations aux Affaires étrangères. L’aîné brillant diplomate a présenté certains dans son long article. Plutôt que de me rassurer, il a plutôt suscité beaucoup d’inquiétudes à mon niveau. En le lisant, j’ai cru comprendre qu’il y a quelque confusion entre la loyauté, le patriotisme, le servilisme, la soumission, etc. C’est vrai, il y a « les juges acquis ». Mais où cela a-t-il conduit le pays ? Servir la patrie, oui. Un régime, un homme ? Difficile de répondre oui. Peut-on, parce qu’on a été nommé par qui de droit, nier l’abominable assassinat de Nobert Zongo et de ses compagnons ? Peut-on, par devoir de reconnaissance, affirmer sans sourciller que la patrie des Hommes intègres l’est encore, que la corruption y est inconnue ou est combattue avec une réelle volonté politique et l’arsenal juridique adéquat ? Peut-on nier qu’il y a une crise alimentaire sérieuse consécutivement au médiocre hivernage de 2011 ? Peut-on pour faire plaisir aux princes qui gouvernent et qui vous ont nommés, affirmer qu’il n’y a aucune crise sociale grave au Burkina Faso ?

Doit-on comprendre que si les sankaristes, qui sont des Burkinabè arrivent au pouvoir, il serait juste et légitime qu’ils chassent tous les CDPistes des postes de responsabilité ? Qu’ils les humilient en les mettant sous ordre, comme c’est le cas au ministère des Affaires étrangères ou l’on a fait la promotion (ambassadeurs tant à la centrale que dans les ambassades) de cadres dont certains étaient nuls dans les écoles de formation ? Pire, leurs professeurs, leur maîtres de mémoire dans lesdites écoles sont aujourd’hui sous leurs ordres puisqu’ils n’ont pas été nommés ambassadeurs. Sacré Burkina !

Issa,

La notion de fonctionnaires acquis constitue une véritable poudrière et un lourd danger pour ton pays. Pire encore, l’unanimisme béat et idiot nous conduira, tout droit, au drame. Dans aucune démocratie véritable, la solidarité gouvernementale ne signifie qu’on est d’accord sur tout et que quand on n’est pas d’accord « on la boucle », on se tait. La France tant citée comme modèle a donné de multiples situations où des ministres ont, publiquement, exprimé leurs réserves, leurs doutes, leurs divergences mêmes quand la vérité historique et les intérêts bien compris de la république le leur commandait (décret sur la travail des étudiants, déclaration sur l’inégalité des civilisations, etc.). Même dans les monarchies, il y a une « short liste » de nationaux compétents et expérimentés sur laquelle le monarque choisit. Ainsi, fonctionnent les vraies démocraties : Pas autrement !

« C’est toute la gouvernance nationale qu’il faut repenser. Et cela suppose une ferme volonté politique et une implication de toutes les compétences nationales, sans discrimination politique, dans la gestion des affaires publiques. Face aux menaces de toutes sortes qui guettent la Nation, les réponses, qu’elles soient politiques, économiques ou administratives, ne sauraient être l’apanage du clan des hommes du pouvoir. » (San Finna n°624 du 1er au 29 février 2012). Aucune loi scélérate ne saurait être invoquée car cela conduirait le pays au chaos. Que celui qui le souhaite lève la main !

Tube digestif, quand tu nous tiens !

Louis Armand Mihyèmba OUALI

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 10 février 2012 à 10:41, par BANGOSS En réponse à : EPITRE A ISSA TIENDREBEOGO : "Le système politique qui gêne ta patrie est dangereux"

    BIEN PARLE MR OUALI.ON NE PEUT PAS COMPRENDRE DES GENS QUI ONT MAL TRAVAILLE ET PROVOQUE UNE CRISE ET APRES ETRE SORTI DU GOUVERNEMENT ON LES ENVOI POUR TERNIR L’IMAGE DU PAYS.
    PIRE LES VRAIS GARS DU METIERS(DIPLOMATE) SONT LA ET ON LES OUBLIE ; ;C’EST TOUJOURS LE COPINAGE ET RIEN NE PEUT AVANCER.DITES CES ANCIENS MINISTRES PROMUS AMBASSADEUR EST CE SUR MERITE OU COMPETENCE.(KOUTABA,PARE,BOUDA,Mme BONGOUNGOU,YERO BOLI,)etc).SEULE MME SAMATE MINATA/CESSOUMA EST DU METIER CAR ETANT DE LA MAISON DE LA DIPLOMATIE MERITE SON POSTE.LES AUTRES DES AMIS QU’IL FAUT CASER POUR CONTINUER DE GERE LE SYSTEME.
    DOMAGE
    BANGOSS

    • Le 13 février 2012 à 21:32 En réponse à : EPITRE A ISSA TIENDREBEOGO : "Le système politique qui gêne ta patrie est dangereux"

      Je dis simplement qu’il est totalement inadmissible qu’un simple conseiller occulte du Président puisse influer sur les décisions du Président du Faso en imposant un tel ou un tel. Ce système à la Ben Ali va nécessairement prendre fin un jour. Qui l’aurait cru que des gugus comme Kadhafi, Moubarak, Ben Ali seraient débarqués bonnement comme de vulgaires voyous. Le Président Blaise COMPAORE doit nécessairement éviter cette catastrophe. Et j’espère qu’il saura le faire. Tous les conseils de ses conseillers ne sont pas forcément bons à prendre !!!

  • Le 13 février 2012 à 21:41 En réponse à : EPITRE A ISSA TIENDREBEOGO : "Le système politique qui gêne ta patrie est dangereux"

    Franchement, Louis Armand Mihyèmba OUALI, tu resteras gravé dans mon coeur en estime, en frère, en ami et en allié pour le triomphe du peuple burkinabé. Même dans les monarchies, il y a au moins un noyau dur de femmes et d’hommes compétents au service de la monarchie. Et ce principe-là, si le Président Blaise COMPAORE ne le met pas en pratique, nous serons perpétuellement sur une braise. Et celui qui veut de cette braise-là lève le petit doigt, car ceux qui ont suffisamment amassé depuis plusieurs décennies veulent au mojns conserver le bénéfice de cet enrichissement illicite. Epargnez-nous d’une seconde révolution et organisez s’il vous plaît une alternance bien dosée alliant compétence, monarchie, nomination, élus, le tout, dans l’intérêt bien compris du peuple burkinabé. C’est clair comme de l’eau de roche.

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