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Alternance au CDP : Quelles alternatives pour les jeunes ?!

Publié le vendredi 10 février 2012 à 00h33min

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Après un quart de siècle de règne de son champion, le giga-parti au pouvoir a fini par avouer qu’il n’a pas toujours su faire suffisamment de place aux jeunes et aux femmes. Une méprise que le bureau politique national du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) compte corriger lors de ses assises nationales prévues du 2 au 4 mars prochain et placées sous le thème non moins évocateur : « Face aux mutations sociales, économiques et politiques, impulsons dans la cohésion une dynamique nouvelle au CDP ». Mais suffira-t-il de leur ouvrir les instances pour régler le problème qu’est devenue la non-représentation (ou la sous-représentation) des jeunes et des femmes au Burkina ?

Si les femmes semblent subir leur sort, malgré leur supériorité numérique (au moins 52% de la population), les jeunes ont le mérite de réveiller les dirigeants de leur profond sommeil. Et cela à la faveur de la crise sociale et militaire dont les stigmates restent encore vivaces dans plusieurs secteurs de la vie nationale. Qu’ils soient du milieu scolaire, universitaire, commerçant ou militaire, les jeunes ont été au premier plan de l’expression du ras-le-bol général du premier semestre de l’année dernière. Pour ne parler que des bidasses du Régiment de sécurité présidentielle, ceux-ci ont même poussé le bouchon jusqu’à provoquer une certaine « vacance du pouvoir », aussi brève soit-elle.

Au-delà des humeurs, les violentes manifestations qui ont embrasé l’ensemble du pays convergent vers une seule leçon, celle du désenchantement ; à force d’attendre Godot, certains concitoyens ont fini par perdre patience et espoir. Même si les autorités ont usé à la fois de bâton et de carotte pour tenter de calmer la situation, elles n’ont pas moins accusé le coup. Elles ont désormais le dos au mur et sont obligées de trouver des solutions concrètes et rapidement réalisables, au risque de faire les frais de nouvelles résurgences de courroux.

On comprend donc que le parti au pouvoir tente de prendre le devant des choses en cherchant à caresser la jeunesse dans le sens du poil. Et à tendre la perche au passage aux femmes, trop longtemps laissées sur le bas-côté de la route, usées et abusées à des fins électoralistes. Trop longtemps taxée d’Organisation pour la Distribution des Postes/ Mange et Tais-toi (ODT/MT), comme s’y prêtait le sigle du parti qui s’est mué en CDP, le giga-pari au pouvoir n’a pas moins contribué à ternir sa propre image en donnant l’impression de reléguer l’intérêt général au second plan. Quoi de plus normal que cette mauvaise façon de gérer les affaires cristallise des rancœurs au point de conduire aux explosions de colères auxquelles on a assisté.
Lorsque les intérêts particuliers du clan présidentiel et des barons du parti passent avant ceux des jeunes et des femmes qui constituent l’écrasante majorité de la population, il ne faut pas s’étonner que la grogne finisse par gagner les rangs mêmes des militants.

La crise réelle -ou supposée- que connaît le CDP n’est que la résultante de cette conjugaison d’inconséquences.
Mais une chose est de faire des déclarations d’intention sur les préoccupations des jeunes, une autre est de s’engager effectivement à affronter les vrais problèmes que pose cette frange de la population. En la matière, on n’a absolument pas besoin de dessin pour savoir ce qu’il faut faire. La précarité de la situation des jeunes du Burkina est si frappante qu’elle ne souffre pas de débat. Tenez, en 2010, ils étaient environ 350 000 jeunes à postuler aux différents concours de la Fonction publique pour seulement 7 500 postes à pourvoir. L’année d’aprés, ils étaient environ 500 000 pour quelque 10 00 postes.

Comme on peut le voir, il n’y a que 2% de possibilité d’intégration à la Fonction publique contre 15 à 16% du nombre de candidats malheureux qui s’accroît nécessairement chaque année du fait d’une croissance démographique galopante, mais aussi et surtout d’absence d’autres alternatives sûres. On a beau applaudir les 10 milliards que le gouvernement vient de mettre à la disposition de l’emploi des jeunes, force est de constater que ce n’est qu’une goutte d’eau dans la mare des attentes. Ce fonds et ceux qui existaient déjà ne profitent qu’à quelques jeunes et pas toujours au plus grand nombre. Le chemin qui mène à l’auto-emploi est encore loin. Pour y arriver, il faut rompre avec les vieilles méthodes de cooptage pour investir plus conséquemment dans la formation ainsi que dans la création de meilleures conditions de création et de pérennisation d’entreprises.

Qu’ils soient militants du CDP ou d’autres formations politiques, les jeunes du Burkina ont prioritairement besoin d’emplois fiables et viables. C’est la voie royale pour les autonomiser et espérer faire d’eux des acteurs de leur propre développement. On ne reconnaîtra jamais assez, avec feu le Pr Joseph Ki-Zerbo, qu’« On ne développe pas quelqu’un, il se développe ». Par conséquent, les jeunes doivent également savoir mériter la perche qu’on leur tend. Qu’on les responsabilise au sein du bureau politique national, du gouvernement ou qu’ils soient simplement recrutés à la Fonction publique, ils doivent d’abord faire la preuve de leur mérite. Et puis, dans un contexte national où la morale a rendu l’âme au Faso, les jeunes que le CDP se propose de promouvoir doivent montrer une meilleure image que celle de ces môgôs dont la puissance se résume à confisquer la plus grosse part du gâteau pour eux et pour leur clan.

C’est à l’honneur du giga-parti au pouvoir de reconnaître, enfin, qu’il n’a pas fait assez pour l’insertion et la responsabilisation des jeunes dans la vie active publique. Il vaut mieux tard que jamais. A présent que le CDP se décide à faire non seulement sa cure de jouvence, mais également à donner l’exemple de l’alternance, il faut espérer qu’il tienne ses promesses et qu’il aille jusqu’au bout de la logique.

F. Quophy

Journal du Jeudi

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Vos commentaires

  • Le 10 février 2012 à 07:52, par Logique En réponse à : Alternance au CDP : Quelles alternatives pour les jeunes ?!

    Le CDP a déjà bien compris et vu venir le danger avant la crise, mais comme d’habitude il n’y a que les crise qui les réveillent. La nomination de l’actuel ministre de la jeunesse (qui est en réalité le seul vrai homme à penser et logique du méga-parti) a été la solution que les bonze ont trouvée. Et cette solution est fortement limitée et ne produira que les mêmes résultats : calmer le jeu, maitriser la situation, créer une nouvelle dépendance de la jeunesse des "bonnes oeuvres du parti", et attendre une nouvelle crise pourse reveiller et recommencer. C’est vraiment dommage pour notre jeunesse et partant pour le développement de notre pays. C’est dans cette logique du parti que se met encore en place lapetite soeur du CSLP, la SCADD.

  • Le 10 février 2012 à 21:58, par Le Sage En réponse à : Alternance au CDP : Quelles alternatives pour les jeunes ?!

    Je veux, ici tout simplement donner ma contribution au modèle social que je propose aux gouvernants actuels qui restent sourds aux incantations de la jeunesse : Le Président Blaise COMPAORE veut bien promouvoir les jeunes loups pour le développement du Burkina Faso. Mais voilà, des gens de l’ombre font toujours barrage pour empêcher que les jeunes fertiles en intelligence et en force de proposition viennent aux affaires pour faire bouger les lignes. Les conséquences seront dramatiques, mais de grâce, à l’heure de l’assaut final de la jeunesse conquérante, épargnez s’il vous plaît mon frère et bien aimé le Président Blaise COMPAORE car, lui au moins aura aimé la jeunesse burkinabé jusqu’au bout de la nuit. S’il vous plaît, restons unis et concentrés et ne nous laissons pas distraire par nos aînés qui ne sont intéressés que par leur propre intérêts égoïste et individualistes. Vous verrez. Le Sage.

  • Le 11 février 2012 à 17:31, par Le Professeur En réponse à : Alternance au CDP : Quelles alternatives pour les jeunes ?!

    Bonjour,
    L’accession des jeunes aux responsabilités au niveau du grand parti qu’est le CDP ne semble pas être d’actualité. A la faveur de l’extension des arrondissements et des secteurs de la ville de Ouagadougou, des mises en places de structures diverses du parti sont entreprises dans les nouveaux secteurs et arrondissements. A en juger par la forme et le fond de ces organisations en cours, on est véritablement en droit de s’inquiéter sur cet accaparement du parti par des devanciers inamovibles. La stratégie est simple : un bureau de sous-section tombé presque du ciel vous est présenté et la seule explication donnée à ce sujet est que les membres de ce bureau sont choisis par le bureau national. Je pense que la démocratie doit s’exprimer à toutes les étapes des élections au niveau du parti, car, imposer des membres de bureau aux populations est purement antidémocratique. Je pense que le bureau national doit revoir sa copie à ce niveau et amorcer une véritable démocratie en l’exprimant déjà à la mise en place des structures. Le temps est venu pour tous d’aller vers une réelle démocratie participative dans laquelle, les populations pourront réellement choisir leurs représentants.

    • Le 13 février 2012 à 21:43 En réponse à : Alternance au CDP : Quelles alternatives pour les jeunes ?!

      De gré ou de force, cette jeunesse, tout comme les femmes, doit se battre pour arracher sa place aux vétérants du CDP.
      Aucune victoire ne s’est jamais acquise en s’asseyant à l’ombre et à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

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