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Du CSLP à la SCADD : Une belle phraséologie qui ne change rien au fond

Publié le vendredi 10 février 2012 à 00h33min

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Lucky Luc est rentré en fin de semaine dernière à Ouagadougou, de retour de Paris. Triomphalement, est-on tenté de dire. En effet, le Premier ministre est convaincu que son message a été entendu et que le pays des Hommes intègres bénéficiera, dans les années à venir, de mannes financières estimées à plusieurs “guiros”. A la tête d’une délégation forte de plus de soixante personnes, le chef du gouvernement est parti vendre la nouvelle trouvaille du Faso : la SCADD, la Stratégie de croissance accélérée pour le développement durable. C’est désormais le cheval de bataille du gouvernement qui a glissé, sans trop dire pourquoi, du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) à cette nouvelle expression.

Certes, des résultats positifs ont été annoncés après la mission de Paris, mais les populations sont dubitatives quant aux retombées réelles dans le panier de la ménagère. C’est une façon d’afficher leur pessimisme face à la SCADD. Et elles n’ont pas tort car les politiques gouvernementales passent mais la réalité reste la même chez les Burkinabè.

C’est pourquoi ils en sont à se demander s’il ne s’est pas agi pour le gouvernement de faire un simple changement de dénomination, histoire d’être dans le mouvement pour, d’une part, épater les partenaires techniques et financiers et, d’autre part, donner l’impression au peuple que les choses bougent ; et donc effacer la perception d’immobilisme dans les esprits. Si donc le changement d’appellation n’est rien d’autre qu’une stratégie de communication politique, c’est-à-dire une sorte de “blaguer-tuer”, il est à craindre que les choses restent en l’état pour les couches défavorisées. Or, justement, ce risque est grand, car les Burkinabè commencent à être habitués aux évolutions de vocabulaire...

Ainsi parle-t-on de plus en plus de « demandeurs d’emploi » en lieu et place de « chômeurs » -expression maintenant désuète. Dans la même logique, il semble plus positif d’élaborer une « stratégie de développement durable » que de « lutter contre la pauvreté ». Cependant, la réalité est la même et il n’est pas exclu que les améliorations attendues ne soient que des mirages. On ne fait pas émerger un pays seulement avec de belles rhétoriques, mais plutôt en posant les jalons de la bonne gouvernance et avec une redistribution équitable des fruits de la croissance.

Or, dans la majorité des Etats africains, dont le Burkina, ce sont les couches défavorisées qui amassent de jour en jour la pauvreté tandis que les membres de la strate dirigeante se réservent en exclusivité les quelques retombées positives. Ainsi, pendant que le peuple est à la disette avec la crise alimentaire et la réduction du pouvoir d’achat des travailleurs à travers la suppression des per diem lors des séminaires, les membres du gouvernement ont été dotés de véhicules flambant neufs. Simple constat : plus on appartient au “en haut de en haut”, moins on se serre la ceinture, si par moments on ne vous demande pas de desserrer davantage. Comment, dans ces conditions, peut-on convaincre les populations du bien-fondé des sacrifices demandés ? Ces efforts à consentir sont, visiblement, à géométrie variable.

En effet, sacrifice pour sacrifice, les ministres et autres présidents d’institutions auraient pu attendre encore un peu avant d’engager ces types de dépenses. Les cantines de l’ex-directeur général des Douanes n’ont pas été pour aider le gouvernement. Cela donne raison à ceux qui se sont laissé convaincre que la mauvaise posture du Faso tient de la mauvaise gouvernance et du manque de volonté au sommet de l’Etat à aller au-delà des discours pour agir pour le développement. Alors SCADD ou CSLP, le peuple attend du concret.

Adam Igor

Journal du Jeudi

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Vos commentaires

  • Le 10 février 2012 à 08:45 En réponse à : Du CSLP à la SCADD : Une belle phraséologie qui ne change rien au fond

    Très belle analyse mister Igor. pour ma part, le Burkina Faso n’a jamais eu de problème de stratégie de développement mais la mauvaise gouvernance et l’impunité est le SIDA de notre développement. Pendant qu’on nous dit que les fonctionnaires abusent dans les per diem effectivement, les ministres quant à eux s’offrent de nouvelles " caisses" dont l’acquisition franchement est juste triviale et répond seulement à des goûts de luxe et à un dédain pour le peuple. Ceux qui tjr prêts à dire au peuple de serrer la ceinture desserre les leurs pour cause de ventre trop plein. Honnête pays pour se développer doit changer de cap et intégré de vrai valeurs dans la gestion des deniers publics. Quand je vois l’exemple que constitue nos dirigeants actuels, j’ai franchement peur de l’avenir car les jeunes cadres, futurs dirigeants ont très bien appris leurs leçon et prêts a mettre le pays à genou pour vivre dans e luxe. Théoriquement la SCADD est un bon document de même que le CSLP mais c’est les hommes chargés de leurs applications qu’il faudra "relire".

    Je prie pour le Burkina Faso, Je prie pour le riche ait pitié du pauvre, je prie que Blaise parte avec sa horde de loups affamés et jamais rassasiés et enfin, je prie pour que la jeunesse ne suive pas l’exemple de ces loups du Burkina Faso.

    Que le Seigneur exauce nos prière pour un Burkina Faso Meilleur.

  • Le 10 février 2012 à 18:49, par wendlasida En réponse à : Du CSLP à la SCADD : Une belle phraséologie qui ne change rien au fond

    Je ne sais pas mais le CSLP était 1000 fois mieux que la SCADD. C’est un document trop vague et on ne peut aller nulle part avec cette SCADD. Il suffisait de relire simplement le CSLP quitte à lui trouver une nouvelle appélation au lieu de produire une coquille vide.
    Je suis enseignant et je cherche des informations sur la politique de développement du BF,mais je trouvais mon compte mieux dans le CSLP que dans la SCADD.

    • Le 10 février 2012 à 22:06, par Le Sage En réponse à : Du CSLP à la SCADD : Une belle phraséologie qui ne change rien au fond

      Je dois vous dire que si l’argent qui circule actuellement au Burkina Faso était bien géré chaque burkinabè y trouverait son compte depuis le petit planton ou agent de liaison jusqu’au dernier cultivateur du village de falagountou qui n’a besoin que d’une charrue et d’un âne pour améliorer ses épinards en ajoutant simplement du beurre de karité. On ne peut pas créer des banques avec les milliards de l’aide publique au développement et vouloir rester éternellement au pouvoir. Même les Kadhafi, Moubarak et autres Ben Ali ont montré les limites d’une telle cupidité. Le dire est un encouragement aux changements.

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