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CNPB : Déclaration sur la situation nationale

Publié le mercredi 8 février 2012 à 01h38min

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En ces premiers mois de 2012, période propice aux présentations de vœux, la direction de la Convention nationale du progrès du Burkina (CNPB) saisit l’opportunité de sa première déclaration de l’année 2012 sur la situation nationale pour présenter ses vœux de bonne et heureuse année 2012 aux militants et sympathisants du parti, à l’ensemble du peuple burkinabè dans toutes ses composantes.

“Au-delà du rituel et de la symbolique, nous vous souhaitons, du fond du cœur, de connaître la paix, la santé et la stabilité. Nous formulons des vœux pour que 2012 voie s’établir un consensus national sur les vraies réformes politiques à opérer et connaisse le démarrage effectif de ces réformes et changements que vous avez toujours appelés de vos vœux.

En ce début d’année 2012, année théorique d’un sursaut national au Burkina avec en perspective les élections couplées des législatives et des municipales et l’utilisation attendue de la biométrie et d’un fichier électoral fiable, nous invitons les uns et les autres à une mobilisation et à une vigilance accrues.
En entamant cette année 2012, nous voudrions faire un point sur la situation nationale et rappeler les positions que nous avons toujours affirmées par rapport aux questions d’importance :

1. Du CCRP et des projets de Réformes politiques

La CNPB a été le premier parti politique à récuser le ministère chargé des Réformes politiques comme organisateur de débats. L’ensemble des partis politiques conséquents de l’opposition, les organisations clairvoyantes de la société civile nous ont rejoints dans cette position et ont refusé de participer aux différentes « grands messes » organisées par le Ministère chargé des réformes. L’histoire nous a donné raison : le CCRP et ses excrétions (les assises régionales et les assises nationales) n’ont été que des occasions de gaspillages des ressources de l’Etat, et ont débouché sur un fiasco total. Il ne pouvait en être autrement. Notre position sur la question est bien connue, à savoir :
- au préalable une définition claire du cadre ;
- une indication du contenu ;
- et enfin une précision sur l’utilisation des résultats des travaux.

On aurait alors abouti à un véritable débat qui met en exergue les vrais problèmes et préoccupations des Burkinabè. A titre d’exemple, après la crise qui a ébranlé notre armée et le peuple tout entier, un véritable débat sur le rôle et la place de l’Armée dans la République ne pouvait être occulté. Il en va de même pour le Conseil constitutionnel dont la composition aussi bien que les missions ont besoin d’être revues pour une meilleure affirmation de la démocratie. Autre exemple, l’hymne national. Un débat sur l’hymne national s’impose parce qu’il est en déphasage, d’une part, avec les impératifs d’une véritable démocratie, et d’autre part, avec les pratiques actuelles au Burkina où c’est plutôt « la patrie ou la fortune, engraissons-nous » en lieu et place de « la patrie ou la mort, nous vaincrons ».

Du reste la déception des initiateurs et des organisateurs était perceptible aussi bien dans le Rapport de synthèse des travaux que dans les discours de clôture des Assises nationales. Dès lors que les débats, au lieu de porter sur les racines et les raisons du mal qui ont secoué le Burkina Faso en 2011, ont été orientés vers des questions subsidiaires, il n’y avait vraiment rien à attendre de ces foires à répétition. Toutes les stratégies pour faire avaler la couleuvre de la modification de l’article 37 ont échoué, de même que la tentative de l’envelopper dans ce « machin » de référendum. Pour la CNPB, nous l’avons dit et le répèterons : l’article 37 est intouchable, sauf pour être plus verrouillé.

Mais, signe des temps, le Président du CDP et le Tout- Puissant maire de Ouagadougou et Vice-Président du CDP se sont largement étalés dans les médias nationaux et internationaux, relativement à leur volonté d’instaurer l’alternance dans les structures et instances du CDP. Nous notons que ceux qui étaient jadis chantres de l’antialternance et défenseurs zélés de la modification de l’article 37 de la Constitution veulent se faire passer aujourd’hui pour prophètes et apôtres de l’alternance. En insistant sur le fait que le CDP doit donner l’exemple d’alternance, à qui ces responsables du CDP veulent-ils donner l’exemple ? Ce n’est certainement pas à nous.

Les décisions prises concernant un Sénat et l’amnistie posent problème et apparaissent inappropriées. Comment comprendre qu’un pays éligible au PPTE se complaise dans la multiplication d’institutions grosses dévoreuses de budget, mais qui n’apportent aucun bonus à la souveraineté du pays ? De toute évidence, le Sénat semble ne devoir être qu’un instrument béni oui-oui de secours. De même, l’amnistie dans sa formulation actuelle apparait fondamentalement aberrante.

A l’évidence, il est plus que temps de se pencher sérieusement sur la question de la gestion communale. Un peu partout, les révoltes des populations se succèdent et peuvent à tout moment déboucher sur des situations difficilement contrôlables. La preuve, un certain nombre de mairies ont été fermées « cadenacées » par la population et les maires chassés. La CNPB formule les propositions suivantes :
- Que la loi sur la communalisation soit revue dans sa partie concernant les limites géographiques des communes rurales.

C’est, en effet, à la suite de la défaillance du ministère en charge de l’Administration du Territoire à procéder à la délimitation géographique des chefs-lieux de département dans les délais, que la loi a été en son temps modifiée pour étendre à tout le département la compétence de la commune. En plus de rendre la gestion plus rationnelle, cela aurait le mérite de justifier la présence des préfets dont le rôle pour l’heure est mal perçu.
- Qu’il soit mis fin aux fonctions de tous les maires qui seraient alors remplacés par des délégations spéciales comme du reste le prévoit la loi.
- Qu’il soit engagé un audit systématique de toutes les mairies pour faire une bonne fois pour toutes le point et permettre ainsi aux prochains élus de partir sur des situations claires et saines.

Il y a des signes qui ne trompent pas. La CNPB l’avait déjà relevé, le système est en panne.
- En panne d’idées novatrices : les trois discours du Chef de l’Etat, à l’occasion de la clôture des assises nationales du CCRP, du 11 décembre 2011 et du 31 décembre 2011 n’ont pas montré la « percutance » qu’on lui reconnaissait, comme si quelque part les ressorts qui permettent de rebondir étaient cassés. Le système de gouvernance est manifestement à bout de souffle.

- En panne de repères : Les gouvernants actuels du Burkina Faso semblent naviguer sans aucun système de valeurs de référence. Il en résulte la mal-gouvernance politique, économique et sociale. Les valeurs d’intégrité, d’honnêteté, de courage, de travail, de rigueur ont de moins en moins droit de cité dans les institutions de la République.

- En panne de projets et de programmes de gouvernement : le gouvernement actuel, mis en place dans la précipitation et l’improvisation dans une ambiance de chaos politico-social généralisé créé par les différentes révoltes sociales, les violences de tout genre, et les mutineries impensables et inimaginables des différentes composantes des forces de défense et de sécurité, s’illustre par le pilotage à vue.

2. De l’impunité et de la corruption

La CNPB a toujours affirmé que l’impunité et la corruption étant systémiques ; seule une vraie refondation/réforme du système de gouvernance politique, économique, et sociale pourrait apporter des solutions à l’éradication de ces fléaux. Tout observateur de la gouvernance du Burkina Faso constate que la lutte contre la corruption et l’impunité est le dernier des soucis du gouvernement et que les discours priment sur les actes.
L’affaire Guiro, ancien directeur général de la Douane, n’est qu’un pâle reflet de la tumeur cancéreuse que constituent la corruption et l’enrichissement illicite au Burkina.

La CNPB ne se fait pas d’illusions. C’est bien l’histoire de la souris voleuse qui donne une gifle à sa fille en l’accusant de vol. L’arrestation spectacle de M. Guiro fait partie de la pratique bien connue de ce système qui procède de temps en temps au sacrifice de certains serviteurs, pour faire diversion, donner l’illusion qu’on veut lutter contre l’impunité et la corruption. Mais l’ensemble de la classe politique n’est pas dupe. Les différentes réactions de responsables politiques et de citoyens de tous bords politiques qu’il nous a été donné de lire dans la presse écrite ou d’entendre dans les medias audiovisuels, surtout les radios FM de proximité, montrent à souhait que le peuple burkinabè reste vigilant et n’est pas prêt de se laisser mener en bateau. Si le gouvernement pensait, par l’arrestation médiatisée de M. Guiro, que le sacrifice de l’ancien DG de la Douane suffirait à dédouaner tout le système et à lui donner une nouvelle virginité, il se trompe lourdement.

La CNPB, à l’instar de toute la classe politique burkinabè déplore et condamne le fait que M. Guiro puisse entreposer chez lui ou chez des parents des cantines contenant des milliards de francs et d’autres biens précieux dont on n’a même pas osé dévoiler la nature. Cependant, nous avons frais en mémoire tous les scandales des fils et filles à papa qui régulièrement se donnaient en spectacle dans les boîtes de nuit et maquis de Ouagadougou, achetant des bouteilles de liqueurs à coups de millions et allant même jusqu’à laver leurs véhicules avec du champagne. Des journaux en avaient fait leurs choux gras. Nous n’avons pas souvenance qu’il y ait eu une suite judiciaire.

Contrairement à ce qu’on a pu observer avec l’affaire Guiro, ni la Gendarmerie, ni la Police, ni la Justice qui ont certainement eu l’information n’ont cru devoir prendre les dispositions idoines pour éclairer les citoyens sur l’origine de l’argent dépensé follement. Pourtant les identités de ces enfants prodigues sont connues et les domiciles de leurs parents identifiables. Mais aucune maison de ces personnalités n’a été fouillée et aucune enquête n’a été menée.

Des cas de malversations avérées présentés par les structures de vérification et de contrôle de l’Etat sont restés encore impunis, nonobstant les déclarations fracassantes du Premier Ministre depuis la Tapoa : « chaque fois que nous allons avoir la preuve qu’un fonctionnaire s’est enrichi de façon illégale, nous serons sans pitié ». Et si M. le Premier ministre commençait par ressortir les vieux dossiers enfouis dans les tiroirs ?
Il est tentant de conclure sur ce point que M. Guiro a peut-être été doublement victime de la malchance et du contexte national actuel. On peut en effet se demander si les fermetures programmées de certaines ambassades de pays amis du Burkina Faso découragés et fatigués de constater que le régime refuse de mener sérieusement une lutte conséquente contre l’impunité et la corruption ne sont pas pour quelque chose dans le traitement précipité du dossier ?

Pour la CNPB, il faut nécessairement aller vers le vrai changement et la refondation de tout le système de gouvernance actuel, car M. Guiro n’est qu’un élément d’un système qui est pourri et corrompu qu’il faudra changer. Le fait de sanctionner un seul individu de façon isolée n’apportera pas les vraies solutions aux vrais problèmes de gouvernance du Burkina Faso. Le délit d’apparence ne mérite-t-il pas enfin d’être pris en compte dans nos législations ?

Mais comme il faut bien un début à tout, la CNPB espère que cette fois-ci, avec l’affaire Guiro, non seulement les procédures en cours nous permettront de savoir davantage sur l’origine des milliards, mais aussi d’aller au-delà de la personne de M. Guiro et de s’attaquer au système de gouvernance qui permet que de tels comportements soient la norme chez certains individus dans un pays pauvre comme le Burkina Faso. Sous d’autres cieux des démissions en cascade auraient déjà été enregistrées. Mais, il est vrai, « la morale agonise au Faso ».

Et alors même que tout le pays ne bruit que de cette affaire Guiro, le Gouvernement jette de l’huile sur le feu en rappelant maladroitement que les responsables des sociétés à caractère stratégique ne sont pas concernés par les procédures d’appel à candidatures. Mais, quelles sont ces sociétés à caractère stratégique ? Ne sont-ce pas celles qui brassent les plus grosses ressources financières ? Comme FASO-BAARA et la LONAB ? Comme la SOFITEX et la SONABHY ? Comme la SONABEL, la CNSS et l’ONEA ? Pourquoi n’y aurait-il pas une procédure claire garante d’intégrité pour la nomination de ces responsables ?

On nous rabâche les oreilles avec des jérémiades concernant le manque de civisme du citoyen moyen. Mais comment veut-on que le motocycliste de Ouagadougou ne soit pas tenté de quitter les pistes cyclables engorgées pour risquer sa vie et braver l’infraction sur les voies réservées aux quatre-roues, quand il voit les « en haut de en haut » croquer à belles dents et en toute impunité les ressources qui auraient pu permettre l’aménagement de pistes cyclables plus larges et le développement conséquent du transport en commun ?

Le gouvernement sollicite la solidarité extérieure et intérieure pour faire face à la crise alimentaire annoncée pour 2012. Et pendant ce temps, il débloque près de trois milliards de francs pour notre participation à la CAN 2012 et saigne les sociétés minières à coups de centaines de millions de francs pour soutenir les Etalons. Le football passe-t-il donc avant la sécurité alimentaire des populations ?
L’année 2011 s’est achevée sur la grosse duperie du peuple maquillée en CCRP. L’année 2012 s’ouvre sur la confirmation de la déliquescence de la morale aux plus hauts sommets de notre Administration.

Notre hymne national parle de la « rapacité venue de loin asservir » les Voltaïques. Ne devrions-nous pas aujourd’hui remplacer cette assertion par « la rapacité installée depuis une époque récente pour paupériser » les Burkinabè ?
Il est plus que temps, pour nous Burkinabè, de ne plus succomber béatement aux chants des sirènes et d’avoir un sursaut pour agir et EMERGER de cette panade dans laquelle les tenants actuels du pouvoir nous ont plongés et nous font mariner pour leur seul profit. Cette émergence éthique est un préalable à toute aspiration à une émergence économique.

Les changements souhaités pour 2012 devraient porter d’abord sur les questions de loyauté, de vraie dignité, de vraie intégrité.
Tout en leur renouvelant ses vœux de bonne et heureuse année, la CNPB invite ses militants et sympathisants et tout le peuple burkinabè à une mobilisation générale pour faire de l’année 2012 l’année du changement, l’année de confirmation par tous les acteurs politiques de leur engagement pour assurer l’alternance politique au Burkina Faso.

Bonne et heureuse année à toutes et à tous.

Liberté, Solidarité, Développement.
Ouagadougou, le 26 janvier 2012
Pour le Bureau exécutif de la CNPB
Le Président
Moussa Boly

L’Observateur Paalga

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