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LETTRE A KAMADINI LONA SYLVESTRE OUALI : « Qui a dit que la limitation de mandats présidentiels était anti-démocratique ? »

Publié le vendredi 3 février 2012 à 01h14min

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Ceci est un hommage rendu à l’illustre économiste Kamadini Lona Sylvestre Ouali. L’auteur y voit en l’homme un chantre sinon un visionnaire. Lisez !

Dans le numéro 3312 du 30 juillet 1997 de Sidwaya à la page 14, Ibrahim Ouattara, étudiant à la Faculté de Droit a rendu « hommage à Ouali Kamadini Sylvestre, militant de la démocratie, économiste, dévoué à l’enseignement dans sa patrie. » La promotion 2007 de la Faculté de Sciences économiques et de gestion (FASEG) a pris pour nom de baptême « Promotion Kamadini Sylvestre L. Ouali. » Physiquement mort, tu continues de vivre dans l’esprit et l’inconscient collectif des patriotes burkinabè. Tu continues de vivre dans le cœur de tes compatriotes. Kamadini, Loin de moi toute idée de désespérer des intellectuels burkinabè et pour cause, tu es et demeure un modèle achevé de l’intellectuel patriote.

Force est cependant de reconnaître avec le Fou que « les intellectuels burkinabè sont des lanternes qui n’éclairent plus » cf. Le Pays n°4415 du vendredi 24 juillet 2009). Plus généralement, Le Pays s’est interrogé en ces termes : « Intellectuels africains, éclaireurs ou charlatans ? » (In le Pays n°4801 du mardi 08 février 2011). L’article de Amadou Diallo intitulé « L’intellectuel burkinabè et la politique » a retenu mon attention (voir Carrefour Africain n°1140 d’avril 2007). Intellectuel engagé, tu t’es totalement « dévoué à la cause publique ». Ton engagement reposait sur deux éléments essentiels : la démocratie et le rassemblement. Qu’en est-il depuis que tu es parti ?

« Doter notre peuple de ce qu’il y a de mieux en démocratie », a affirmé le parti au pouvoir lors de son congrès extraordinaire, tenu du 6 au 7 août 2010 (Le Pays n°4674 du lundi 09 août 2010). Lui faisant écho, l’éditorial de Sidwaya n°6785 du lundi 25 octobre 2010, affirme : « Le processus démocratique avance… » La question qui se pose alors est de savoir dans quel sens : en avant donc avance, progresse ou recule, régresse (en arrière donc). Assurément, la démocratie burkinabè est atypique ; C’est une démocratie de dupes où un des acteurs use et abuse des ressources humaines, matérielles et financières de l’Etat pour caporaliser le peuple et s’assurer des résultats électoraux plus que confortables. C’est une démocratie qui instrumentalise la Justice pour servir non l’intérêt collectif, mais des intérêts individuels et claniques. C’est une démocratie tronquée, « une démocratie verrouillée » (rapport du Mécanisme africain d’évaluation par les Pairs (MAEP). Je sais que tu aurais combattu de toutes tes forces cette démocratie dévoyée, cette démocratie du silence qu’on veut imposer au peuple burkinabè. Kamadini,

La démocratie dont tu as rêvé et pour laquelle tu t’es battu, corps et âme et jusqu’à ton dernier soupir est prise en otage par les élites de ton pays. Leurs interrogations du type « quel modèle de démocratie pour l’Afrique ? le Burkina Faso ? Etc. » n’ont aucun sens, sinon de leur permettre de mettre du beurre dans leur haricot. Tant pis pour le peuple ! Sinon, le modèle de la démocratie capverdienne est édifiant à plus d’un titre. Depuis un certain vendredi 14 janvier 2011 en Tunisie s’est levé un vent de révolte qui semble irrésistible. Au Burkina Faso, deux ans auparavant, le Forum des citoyennes et des citoyens de l’alternance, tenu du 1er au 3 mai 2009 a dénoncé la « démocratie apparente » burkinabè et esquissé les lignes directrices pour l’avènement d’une « vraie démocratie » (cf. « 50ans de souveraineté du Burkina Faso : quel avenir ?

Message des évêques du Burkina Faso »). « L’Alternance, le mot de l’année. » Ainsi s’intitule un article publié dans l’Observateur Paalga n°7539 du jeudi 31 décembre 2009 au lundi 4 janvier 2010. Et effectivement, le Forum et son initiateur (Zéphirin Diabré) qui ont mis en exergue ce mot en le magnifiant, ont déclenché, comme il fallait s’y attendre, une levée de boucliers des thuriféraires et autres affidés du régime. Ce, d’autant plus que l’interpellation du président du Faso, lue à la fin des travaux, a fini de convaincre les plus sceptiques que ton pays courrait au chaos. On a tout entendu. Les déclarations les unes plus malheureuses que les autres, les unes plus irresponsables que les autres, les unes plus inopportunes que les autres le disputaient aux railleries de mauvais alois des griots du système.

Même le grand sachem a perdu son sang froid en montrant à la télévision, son visage des mauvais jours suite à une question sur l’alternance. Repris par un des hommes les plus puissants du régime (Salif Diallo), le mot alternance et ses autres propositions ont entraîné une levée de boucliers contre l’intéressé. Moins de mille (1000) jours après le Forum, oh ! Miracle, le Président du parti au pouvoir découvre les vertus de l’alternance, s’approprie le concept et annonce que finalement… la limitation des mandats … est une bonne chose. Incroyable mais vrai ! Qui avait dit que l’article 37 sur la limitation des mandats présidentiels était … anti-démocratique ? Un millier de jours dans la vie d’un être humain, c’est beaucoup. C’est peu dans la vie d’un peuple. Mais, plus que tout, les partisans (es) de l’alternance qui ont été vilipendés hier ont finalement eu raison. Leurs adversaires vivront désormais dans l’indignité. Mais comme beaucoup parmi eux sont « nés après la Honte … » Kamadini, Toute ta vie durant, tu n’as eu de cesse d’appeler, de rappeler, de travailler au rassemblement des patriotes. L’opposition se donne-t-elle le moyen d’y parvenir ?

L’acteur le plus constant dans la lutte pour assurer l’union et/ou l’unité d’action de l’opposition, à savoir la presse, a pleinement joué sa partition. Les titres suivants en témoignent : « Classe politique burkinabè : entre décomposition, composition et renouvellement » (in Le pays n°4395 du vendredi 26 juin 2009) ; « Candidature unique de l’opposition : faut pas rêver ! » (Journal du Jeudi n°958 du 28 janvier au 03 février 2010) ; « Et si on parlait regroupement ? » (L’Observateur Paalga n°7520 du mercredi 02 2009), etc. En mai 2010, le cent quarante septième (147e) parti politique légalement reconnu, c’était l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC). Dans son numéro 7027 daté du jeudi 13 octobre 2010, Sidwaya s’interrogeait : « 163 partis politiques, pour quoi faire au Burkina Faso ? ». Toute l’année 2011 de nouveaux partis politiques ont été créés et reconnus.

Les raisons de ce foisonnement sont multiples : créations factices de partis politiques, par le pouvoir notamment et surtout aux fins de pervertir le jeu politique ; manque de démocratie interne dans les partis politiques avec pour conséquences, entre autres, scissiparité assumée ou suscitée ; insuffisances (voulues ? calculées) de la Charte des partis politiques, etc. L’opposition est-elle à même de mettre fin aux combats d’arrière-garde, de taire ses querelles d’égo pour réaliser l’unité de pensée, de réflexion et d’action indispensable pour sauver, hic et nunc, la patrie en danger ? L’opposition républicaine saura-t-elle tisser de solides liens de combats avec toutes les forces de progrès (syndicales, sociales, religieuses, etc.) pour réaliser enfin, l’alternance et donner espoir au peuple burkinabè ? La mission historique de l’opposition en cette année 2012 est claire : vaincre, vaincre, vaincre ou s’effacer pour donner naissance à une nouvelle opposition. « Que l’année 2010 soit l’année de l’opposition ! » avait titré SAN FINNA dans le numéro 547-548 du 28 décembre 2009 au 10 janvier 2010.

Le peuple a été déçu. « 2012 est l’année de l’Opposition » a déclaré son Chef de File. En cas d’échec, c’est-à-dire de trahison des aspirations du peuple, les partis politiques de l’Opposition qui auront obtenu des résultats médiocres, voire ridicules doivent s’autodétruire et/ou fusionner avec les plus représentatifs au sortir des consultations électorales. Pour ne pas « se faire laminer encore aux municipales et législatives de 2012 » (Le Reporter n°64 du 15 au 28 février 2011), c’est maintenant que l’intérêt supérieur des citoyens doit être pris en compte par les regroupements pour aller aux élections. A présent que les ennemis jurés de l’alternance se sont convertis aux vertus… soudainement découvertes de celle-ci, ton peuple espère que le bout du tunnel est proche.

D’autant plus que le ministre en charge des partis politiques se dit « déterminé » à rationaliser le paysage politique en … appliquant au moins les textes existants en attendant d’en combler toutes les insuffisances. Kamadini, Un intellectuel a pour mission d’éclairer les citoyens et les gouvernants. Un intellectuel qui embrouille une question clairement posée, un intellectuel qui ruse avec les faits et la réalité est un … criminel, un vrai criminel. L’engagement constant, courageux et patriotique des intellectuels contribuera, indéniablement, au développement du Burkina Faso. Pour satisfaire leurs intérêts égoïstes, de nombreux intellectuels ont oublié qu’ils se disaient déterminés à être toujours des « cadres compétents, politiquement conscients et intégrés… aux masses ». L’un de nos grands Maîtres est même devenu… Président de son pays sur lequel il s’était interrogé en ces termes : « la G… néo-colonie américaine ou Albanie d’aujourd’hui ? » C’était, il est vrai, il y a longtemps et il vivait alors à…M’ Poutou, le pays de « l’homme blanc ».

Louis Armand Mihyèmba OUALI

Le Pays

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