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Crise ivoirienne : La solution par les sanctions ?

Publié le mardi 19 octobre 2004 à 07h46min

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Les autorités ivoiriennes ont décidément l’art de la diversion. Alors que leur responsabilité est entièrement engagée dans le retard du processus de réconciliation, elles trouvent le moyen de détourner l’attention sur le Premier ministre Diarra, l’accusant d’incompétence.

Or il est de notoriété publique que le chef du gouvernement n’y est pour rien dans les blocages actuels.

Bien que légitimé par toute la classe politique ivoirienne, à Marcoussis, Seydou Diarra n’a jamais véritablement possédé les moyens de sa politique. L’essentiel des leviers du pouvoir est fermement tenu par Laurent Gbagbo. Comment alors reprocher à un homme sans réel pouvoir et régulièrement vilipendé, d’être inactif ?

Affi NGuessan, le président du FPI (Front populaire ivoirien), sait bien quels sont les goulots d’étranglement et comment les lever. Il sait que le débat de fond concerne la légifération sur les textes jugés majeurs tels ceux de la nationalité et de l’éligibilité.

Le 30 septembre dernier devait servir de déclic à la décrispation politique. Et il appartenait au pouvoir de remplir son contrat, en faisant adopter les lois non discriminatoires. Mais le président Laurent Gbagbo ne tint pas sa parole donnée à Accra, au bas d’un document qu’il a signé. Cette première date-butoir violée, personne ne s’en est soucié. Comme si Accra III n’avait jamais existé. Ce 30 septembre était pourtant le préalable à la poursuite du reste du processus, notamment le DDR (Désarmement, démobilisation et réinsertion) des ex-rebelles.

A la fin septembre, des réactions très étrangement timides ont accueilli cette enième volte-face des maîtres d’Abidjan. Autant dire que cette légèreté dans le suivi de la mise en oeuvre de l’agenda de sortie de crise fait l’affaire de Laurent Gbagbo, convaincu que personne ne peut lever le petit doigt et le rappeler à l’ordre. On a donc regardé le 30 septembre passer, puis le 15 octobre arriver, comme si de rien n’était.

Et comme la communauté internationale fait profil bas, le FPI a bien profité de l’occasion pour mettre la pression sur les Forces nouvelles. Apparemment, sa manoeuvre paie, si l’on considère l’attitude ambiguë (sinon complaisante) de la France qui parle de désarmement sans préalable. Même l’ONU avait émis cette hypothèse qui, on le sait, est rejetée par les Forces nouvelles. De médiateur neutre, la communauté internationale pourrait, par ses prises de position, créer la suspicion au lieu de susciter la confiance propice à toute négociation. Parlant de communauté internationale, il faut bien nuancer ce concept.

La France, par exemple, se comporte plus comme une actrice intéressée de la crise, qu’un médiateur impartial. La présence de la force Licorne, censée assurer un tampon entre les ex-belligérants, ne peut pas tromper sur les véritables intentions de Paris. En voulant à tout prix préserver la quiétude et les intérêts de ses ressortissants, la France en est arrivée à des compromissions somme toute favorables à Gbagbo. En fins politiques, les dirigeants ivoiriens jouent sur cette vulnérabilité économique de la France et sur les divisions de la classe politique française.

Si l’on peut, pour ainsi dire, comprendre les hésitations de Paris, il est difficile de suivre la logique du silence adoptée par la CEDEAO. Actrice principale des accords d’Accra III, elle avait la responsabilité de leur bonne application. Mais force est de constater que le président Kuffuor n’a pas fait preuve de fermeté. Sa réaction aurait été d’identifier les facteurs de blocages et leurs auteurs et d’appliquer la thérapie idoine. Et en la matière, une sanction s’impose.

Les fossoyeurs d’accords aussi difficilement obtenus doivent payer. On ne peut pas laisser durer indéfiniment cette prise en otage du peuple ivoirien et des nombreux Africains qui ont contribué à l’essor du pays. Kuffuor n’a donc pas d’influence sur les protagonistes de la crise ivoirienne. Son impuissance est à l’image de la sous-région qui manque désespérement d’un leader charismatique, à l’instar d’un Nelson Mandela pour l’Afrique australe.

Au niveau étatique, le Nigéria peine à s’imposer en raison de ses difficultés internes. Alors, qui fera entendre raison à Laurent Gbagbo pour une application diligente des accords d’Accra III ? Pour l’instant, la dispersion des intervenants profite largement à tous ceux qui ne veulent pas d’une Côte d’Ivoire réconciliée avec elle-même. Car il serait étonnant qu’une rigoureuse action concertée entre la CEDEAO, l’Union africaine, la France et l’ONU ne fasse pas ses effets.

Le Pays

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