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Radiation des maires : acharnement, règlement de comptes ou simple logique, …

Publié le vendredi 3 février 2012 à 01h07min

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Naturellement, chacun y va de ses œillères en voyant dans cette affaire la preuve irréfutable et définitive de la guerre de tranchées que se livreraient des hordes au sein du parti au pouvoir, si ce n’est de la culture du vice et de la prédation des biens publics dont ils accusent le pouvoir.

Nous avons voulu jeter les bases d’une réflexion d’ensemble qui ouvrirait d’autres perspectives en élargissant la prise de responsabilité au niveau de tous les intervenants du système de décentralisation. Notre conviction est que moins l’Etat central interviendra dans la conduite des affaires des municipalités, mieux ce serait. N’est-ce pas le but ultime de la communalisation intégrale en cours ?

Après avoir fait grand bruit et alimenté les rubriques des commentaires les plus tordus contre le pouvoir, voilà que l’affaire du maire de Koudougou refait surface occupant la Une des journaux et s’imposant comme sujet principal des conversations. Les raisons de ce retour sous les feux de la rampe ? Un embrouillamini juridico-politico-administratif dans lequel on s’entend difficilement parler chacun étant convaincu de ses faits et les défendant à tue-tête.

Il y a d’abord cette sortie pour le moins tonitruante du désormais ex-édile de la « ville du Cavalier rouge » ; c’était le 20 janvier dernier à la cérémonie de lancement des travaux de construction et de bitumage des voies de la ville dans le cadre de la future célébration de la fête de l’Indépendance. A l’occasion, il avait fait une apparition publique fort remarquée, d’abord en prenant la parole à la surprise générale, alors que d’aucuns le croyaient sous sanction et ensuite par son propos très coloré dans lequel se mélangeaient contrition, humilité mais aussi quelques coups de griffes à l’intention de personnes qui certainement ont reçu le message 5/5. Pour resituer les faits, rappelons qu’à la suite d’une affaire de verger retiré à un citoyen et dont le terrain a été redistribué à d’autres, il avait été suspendu pour faute grave pour une durée de trois (3) mois par son ministre de tutelle. Le 17 janvier marquait le terme de cette période.

Celui-ci est-il automatique ou devrait-il intervenir à la suite d’une décision ; c’est la première polémique de cette affaire ? Toujours est-il que la sortie de Seydou ZAGRE ce jour ne laissa personne indifférent, les tenants du parallélisme des formes ne voulant rien entendre aux arguments de ceux pour lesquels trois (3) mois de suspension c’est trois (3) mois de suspension ; ni plus, ni moins et que soutenir le contraire relevait d’un formalisme suspect.

Naturellement, chacun y va de ses œillères en voyant dans cette affaire la preuve irréfutable et définitive de la guerre de tranchées que se livreraient des hordes au sein du parti au pouvoir, si ce n’est de la culture du vice et de la prédation des biens publics dont ils accusent le pouvoir. Les plus « gentils » y voient rien moins que la conséquence directe de son inconséquence et par conséquent la futilité de son prétendu combat contre la mal gouvernance pour laquelle la suspension puis la radiation du maire sont présentées en témoignage. A la décharge de tout ce beau monde, il faut dire qu’ils ne sont pas allés chercher le sujet ; on le leur a offert sur un plateau d’argent.

En quelque sorte, le sadomasochiste qui s’offre une salle de torture de la Gestapo et qui se voit offrir en prime les serviteurs des lieux ! Horrible spectacle sans nul doute et à ses dépens ! Comment comprendre autrement la gestion de cette affaire dont la forme finit par prendre le pas sur le fond renvoyant un message à tout le moins brouillé dans lequel le gouvernement, le parti de l’ex-maire, le CDP au pouvoir pour ne pas le nommer, le Conseil municipal de Koudougou et même l’AMBF jouent, chacun, un rôle qui est loin d’être exempt de tout reproche ?
Au niveau du gouvernement, les antécédents en la matière indiquent un mode opératoire invariable à quelques nuances près, avec suspension de trois (3) mois puis radiation avec ou sans poursuite judiciaire.

Ce qui d’ailleurs revient au même puisqu’aucune poursuite judiciaire n’a jusque-là donné de résultat. Du moins à notre connaissance et pour le moment. Est-ce simplement un fait du hasard ou est-on en train d’asseoir une jurisprudence sur le sujet ? La question mérite d’être posée et elle mérite tout autant une réponse car il nous semble que tous les cas concernés sont loin d’être identiques et par conséquent ne devraient pas avoir le même traitement, la même sanction. Par ailleurs, il faut peut-être songer à ne pas céder facilement à la tentation du père fouettard redresseur de tous les tors qui manie la trique à tout propos et explorer d’autres types de communication en responsabilisant par exemple davantage les Conseils municipaux, les conseillers, voire les citoyens à travers leurs organisations (société civile, partis politiques, etc.).

En effet, pourquoi, dans tous les cas de sanctions, ni les conseils municipaux, ni les partis politiques, ni l’association des municipalités n’ont eu de réaction ? Faut-il croire que ces sanctions leur sont imposées et qu’ils ne partagent pas l’opinion de l’Etat sur la gravité des fautes incriminées ou ne se sentent-ils pas concernés ? Par ailleurs, pourquoi n’envisage-t-on pas une action pédagogique en direction des fautifs pour les inciter à la démission ou à leur propre mise à l’écart pour permettre la conduite des enquêtes à l’issue desquelles ils aviseraient ? Croit-on que radiation et démission à la suite d’une motion de défiance, d’une décision personnelle ou d’une injonction du parti majoritaire au Conseil municipal sont pareilles ? Ce serait véritable myopie politique que de le croire.

Dit autrement il n’y a pas que les articles 271 et 272 du Code général des Collectivités territoriales au Burkina Faso, qui traitent de la suspension et de la révocation des maires et de leurs adjoints. Tout au contraire, leur utilisation devrait être exceptionnelle, parce que venant après que toutes les autres voies pour corriger les dysfonctionnements ou les fautes graves aient été improductives. Il y a donc un travail d’éducation, d’encadrement et de formation de fond à engager dans ce sens. C’est à ce prix que l’on responsabilisera davantage les acteurs à la base en donnant plus de crédit au processus de décentralisation.
Disons-le tout net et pour ceux qui ne l’auront pas compris, notre propos ne vise ni le fond de l’affaire, ni à spéculer sur les faits reprochés au maire déchu comme il est clairement apparu.

Il ne s’est pas non plus agi de disserter sur les rôles des uns et des autres dans cette triste affaire. Nous avons voulu jeter les bases d’une réflexion d’ensemble qui ouvrirait d’autres perspectives en élargissant la prise de responsabilité au niveau de tous les intervenants du système de décentralisation. Notre conviction est que moins l’Etat central interviendra dans la conduite des affaires des municipalités, mieux ce serait. N’est-ce pas le but ultime de la communalisation intégrale en cours ?

Cheick Ahmed (ilingani2000@yahoo.fr)

L’Opinion

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