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Université de Ouagadougou : Un impétrant pas comme les autres

Publié le jeudi 19 janvier 2012 à 01h02min

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Université de Ouaga 2. A plus de 5 000 kilomètres de son lieu de résidence. Un Rwandais, arrivé la veille dans notre capitale, a soutenu hier, mercredi 18 janvier 2012, sa thèse de doctorat. Juste avant de reprendre l’avion pour Kigali. Fait rarissime dans ce qui paraît déjà insolite : le doctorant n’est autre que le Premier ministre du Rwanda, Pierre Damien Habumuremyi.

La voix est calme et posée, le regard impassible, l’allure lente et majestueuse. Un fauteuil très confortable installé sur l’estrade et à lui destiné, une nuée d’hommes aux petits soins pour lui et des anges gardiens discrètement postés dans la salle et devant les portes. Sans compter les véhicules "fonds rouges" stationnés au parking.

Ici, on reconnaît l’épouse du Premier ministre burkinabè, Luc Adolph Tiao, là, le ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation, Koumba Boly. Sous des arbres, un groupe de Rwandais, résidant à Ouaga, devisent, à voix basse. Alors que leur Premier ministre, Pierre Damien Habumuremyi, arrivé quelques minutes plus tôt, est conduit dans une salle.

Surtout ne vous méprenez pas sur ce qui est en préparation. Nous ne sommes ni à une audience ni à un colloque international. L’événement se déroule à l’unité de formation et de recherche en sciences juridiques et politiques de l’université de Ouaga 2. A l’occasion d’une soutenance de thèse dont le candidat est… le chef du gouvernement du Rwanda lui-même.

Premier à soutenir une thèse de doctorat à l’UFR/SJP, le futur impétrant, dans la présentation de son œuvre, justifie le choix de Ouagadougou par une volonté de désacralisation : « C’est pour démystifier les diplômes obtenus dans les universités occidentales ». Une démarche que partage fort bien son maître de thèse, le professeur Augustin Loada : « Ce n’est pas le lieu de la soutenance qui fait la qualité du travail. Beaucoup de gens croient que soutenir dans une université européenne est gage de prestige ».
[L’impétrant en train de présenter au travail]

Preuve que « l’habit ne fait pas toujours le moine » : c’est avec la mention « très honorable » que le président du jury, Alou Mahamane Tidjani, agrégé de Science Po. de l’université de Niamey, a déclaré l’aspirant venu de Kigali « docteur en science politique ». Sous le regard admiratif de son épouse.
La thèse : « Pouvoir politique et ethnicité au Rwanda : analyse du conflit rwandais et de l’offre politique de l’après-1994 pour la reconstruction d’un Etat-nation », traite des conflits identitaires et sociopolitiques qui ont marqué le Rwanda.

De l’exploitation par le pouvoir colonial du mythe de supériorité de l’ethnie tutsi sur les deux autres (hutu et twa) à l’instrumentalisation de cette perception par les régimes qui se sont succédé jusqu’en 1994, Pierre Damien Habumuremyi, revient par le menu sur les péripéties communautaires qui ont mis à mal le sentiment d’appartenance nationale. Et chaque acteur de cette histoire mouvementée en aura pour sa responsabilité : « La Belgique, l’ONU, l’Eglise catholique, la France ont tous exploité cet état de marginalisation ». Même si l’auteur reconnaît que la faute revient surtout aux élites hutu et tutsi qui « ont manqué d’idéologie inclusive, d’intégration et de tolérance ».

Une démarche rétrospective qui vise, entre autres, à mieux comprendre la « conflictualité rwandaise » et à « mesurer l’efficacité de l’offre politique postgénocide de 1994 mise en œuvre pour le reconstruction du Rwanda ».

Au terme de sa recherche, le doctorant, nommé Premier ministre en octobre 2011, et dont les travaux ont commencé il y a de cela cinq ans, estime que ses compatriotes approuvent l’efficacité de cette offre politique postgénocide de 1994. L’efficience de celle-ci, a-t-il conclu, « est appréciée par les citoyens à travers trois indicateurs : le niveau de représentativité, le niveau d’accès aux opportunités nationales, et celui de la cohésion sociale nationale ».

Alain Saint Robespierre

Lobservateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 19 janvier 2012 à 08:10 En réponse à : Université de Ouagadougou : Un impétrant pas comme les autres

    C’est un bon exemple ; il faut effectivement montré qu’avec un peu de sérieux, on peut faire de bonnes choses en Afrique ; on a des cervaux ; je connais même pas mal de profs africains qui viennent en Europe participer comme membres à des soutenance. On peut ne pas aimer Kagamé, mais lui sait exactement ce qu’il veut et où il va

  • Le 19 janvier 2012 à 08:25, par Tafala En réponse à : Université de Ouagadougou : Un impétrant pas comme les autres

    “Premier” à soutenir une thèse de doctorat à l’UFR/SJP, le futur impétrant, dans la présentation de son œuvre, justifie le choix de Ouagadougou par une volonté de désacralisation : « C’est pour démystifier les diplômes obtenus dans les universités occidentales » wowwwwwwwwww !!!!!!!!!!!
    FELICITATION à l’etudiant et à l’université de Ouagadougou. Suis etudiant en ce moment dans un pays du Nord pour un 3 eme cycle mais j’aurais préféré bénéficier de cette formation à l’université de Ouagadougou, bref. En lisant cet article ,j’avoue que je suis fier de savoir que notre pays se réveille tout doucement dans la formation de 3 e cycle universitaire. Mon domaine de formation est la sante publique mais je reste convaincu que beaucoup de cerveaux et diplômés existent déjà dans ces domaines et se cachent au Burkina Faso. Si seulement ils s’affichaient comme ceux de l’UFR/SJP , plus d’un etudiant seraient restés au Burkina Faso pour terminer les études. En matière d’étude en sante publique il faut noter que les étudiants sont des fonctionnaires qui sont amenés a cesser le service pour se rendre dans les pays du Nord pour 2 , 3 ou 5 ans d’études. Et malheureusement le plus souvent ces étudiants sont tentés de rester dans les pays du Nord. Qui perd ? Notre cher pays. Que cette experience du Premier ministre rwandais nous ouvre les yeux et l’esprit. Nous avons assez de potentialités au pays ..profitons en et construisons le Burkina Faso de demain.

    • Le 19 janvier 2012 à 17:06, par Levent En réponse à : Université de Ouagadougou : Un impétrant pas comme les autres

      Resté hors de son pays signifie-t-il qu’on a rompu des relations constructives et productives avec ce dernier mon Tafala ? Les étudiants ne doivent-ils pas partir étudier lorsqu’ils en ont l’opportunité ?
      Ce n’est pas la première fois que des africains soutiennent des thèses dans leur pays. Dans la faculté de médecine, des sciences de la vie et de la terre, c’est toujours le cas. le rappel de monsieur le ministre n’apporte rien ? Pourquoi il est le seul à pouvoir soutenir une thèse, est-ce à dire les autres sont nuls ?
      Toutes mes félicitations monsieur le ministre ? parler de « C’est pour démystifier les diplômes obtenus dans les universités occidentales » relève plutôt du complexe, car il n y a pas de demystification de diplôme occidental. Les gens partent parce qu’ils ont eu l’opportunité de partir.

  • Le 19 janvier 2012 à 09:09, par lepeuple En réponse à : Université de Ouagadougou : Un impétrant pas comme les autres

    Bravo monsieur le premier ministre pour votre thèse soutenue avec brio. le thème de votre thèse est d’une importance capitale pour le Rwanda. L’afrique compte sur des hommes bien et ambitieux comme vous pour son développement.

  • Le 19 janvier 2012 à 09:10, par Malick En réponse à : Université de Ouagadougou : Un impétrant pas comme les autres

    Quelle est la sanction du jury ?

  • Le 19 janvier 2012 à 20:20, par Levent En réponse à : Université de Ouagadougou : Un impétrant pas comme les autres

    Des thèses ont toujours été soutenues dans les universités africaines : au cameroun, à dakar, en Afrique du Sud, en Côte d’ Ivoire, au Togo, au Bénin. Donc je pense que ce n’est une question de démystification des diplômes occidentaux. La preuve il y a des enseignant de nos universités qui ont soutenus dans les universités occidentales mais leurs niveaux intellectuels sont souvent remis en cause. La question que le ministre devraient poser devrait être plutôt : Pourquoi dans les facultés de sciences humaines et sociales ou de droits et de sciences politiques les étudiants n’arrivent pas à soutenir ? Par exemple pourquoi monsieur le ministres ne s’est pas inscrite au Rwanda son pays pour faire sa thèse ? si c’est l’absence de cycle doctoral en science politique qui l’a conduit à s’inscrire à Ouaga, qu’il sache c’est souvent cette même absence qui conduit des étudiants à aller en occidental surtout lorsqu’ils ont la possibilité de d’avoir une bourse. C’est parce que monsieur a les moyens financier et matériel vu son statut qu’il s’est inscrit à Ouaga. Donc si des étudiants ont la possibilité d’avoir des moyens à travers des moyens ils partiront en occidents. Pourquoi ne dites vous aux occidentaux d’arrêter de financer les programmes de recherche. Poser autrement le problème du pourquoi les étudiants parte en Occident pour étudier. Toutes mes felicitation pour cette thèse

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