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Gestion des finances publiques au Burkina Faso : Les mérites d’un grand brin de courage

Publié le lundi 16 janvier 2012 à 00h54min

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La mauvaise passe de fin d’année de l’ex-Directeur Général des Douanes, Ousmane Guiro a vraisemblablement éclaboussé les finances publiques burkinabè. Mais qu’à cela ne tienne, l’arrestation du patron des gabelous ouvre de nouvelles perspectives dans la volonté d’assainir les deniers publics. Il sied de croire sans naïveté et de veiller unanimement à la tenue effective de ce nouveau pari afin que ce grand coup de filet ne soit pas celui d’éclat ou d’une épée dans l’eau. Mais qu’il soit le reflet d’une ténacité jamais vue sous le Burkina Faso de la IVème République et produise l’effet salvateur qui contribuerait à dénicher tous les arsenaux pécuniaires illégalement et illicitement constitués et camouflés à domicile sur le dos des caisses de l’Etat.

Pour peu que l’on se souvienne, des enfants de gourous ont été épinglés avec de fortes sommes d’argent que « papa » et « maman » ont entreposé dans des cartons ou dans des coffres-forts à la maison, faute de pouvoir disposer de justifications nécessaires pour les consigner en banque. En somme, « ce sont des sous d’origine douteuse ». Ces découvertes insultantes dans un pays de paupérisation a certes créé un grand bruit et de l’indignation. Mais le tolet général n’a engendré l’effet escompté si bien que cela a intelligemment amené l’élu national, Laurent Bado, à à proposer à juste titre « une loi sur le délit d’apparence ».

Le gros lièvre soulevé à travers les cantines d’environ deux (2) milliards F CFA de Ousmane Guiro pourrait sonner une ère nouvelle dans le rétablissement de la morale d’Etat si toutefois cette arrestation n’est pas une farce mais relève d’un élan conscient de renouer avec la confiance du peuple et susciter encore de l’espoir autour des ambitions du gouvernement. Les coups de canons du premier trimestre de 2011 ont certainement rappelé que rien n’est comme avant dans ce Burkina Faso-là. Et depuis, l’équipe de Béyon Luc Adolphe Tiao est poussée à la parole, à l’acte et à l’action. L’erreur n’est surtout pas permise et tous les ministres en sont presque conscients. Car il y a péril en la demeure avec la découverte effarante à Pissy, le jour du nouvel an.

Sans tomber dans des considérations juridico-politiciennes ou dans des amalgames propres à des conflits d’intérêt, autant l’affaire Ousmane Guiro interpelle le ministère de l’Economie et des Finances à travers ses deux premiers responsables, autant elle requiert une reconnaissance à leur égard pour avoir, cette fois-ci, su jouer la meilleure partition attendue d’eux en pareille circonstance depuis si longtemps par la population burkinabè. En d’autres temps, ces faits, bien qu’avérés, se seraient évanouis dans les méandres de la rumeur sans la moindre réaction de la part du gouvernement. Pour ce faire, il faut louer la promptitude, la diligence et la célérité avec laquelle cette affaire a été au moins appréhendée.

Même si la forme et le fond pourraient encore cacher des zones d’ombre. Fusible sauté d’un régime en panne, bouc émissaire d’une situation non maîtrisée, maillon faible sacrifié à l’autel de la gouvernance économique, …, quelque chose de si important et de si inimaginable s’est néanmoins enfin produit dans un univers national jadis empreint de suspicion orchestrée, d’amenuisement de la sérénité et de culpabilité partagé. L’audace dont on fait preuve les ministres Lucien Marie Noël Bembamba et Didier Marie Zoundi nécessite un regard salutaire, ne serait-ce que pour l’histoire, le présent et l’avenir du pays.

En aval et en amont, la Présidence du Faso, le Premier ministère, le Parlement et l’appareil judiciaire sont aujourd’hui mis en branle. D’autant plus que le Premier des Burkinabè a le devoir et l’intérêt de s’assumer ; son chef de gouvernement se voit dans l’obligation d’accentuer les gages de bonne foi dans l’assainissement de la gouvernance publique ; l’Assemblé nationale qui vient de lancer coup sur coup ses commissions d’enquête sur les marchés publiques et les subventions accordées au secteur de la santé confirme cet élan de contrôler et d’assainir ; la justice qui attendait cette occasion rêvée pourrait redorer son blason en disant « le bon et vrai » droit de dernier rempart. Pour que l’horizon national qui s’est si brusquement et brutalement assombri par les turpitudes des uns et des autres commence à s’éclaircir pour l’intérêt de tous.

L’arrestation de Ousmane Guiro peut et doit être considéré comme un tremplin dans ces temps d’incertitudes.
Le déclenchement intervenu le 1er janvier 2012 dans l’amélioration des services de finances publiques résulterait ainsi d’un travail de longue haleine qui a consisté à mettre de l’ordre au sein du ministère de l’Economie et des Finances. Sans fanfare ni tambour, sous la houlette du ministre Lucien Marie Noël Bembamba, « fut-il beau frère du Président du Faso mais par-dessus tout reconnu comme brillant gestionnaire et manager averti », des rongeurs de la Solde, des taupes du Trésor, des racoleurs des Impôts, des douaniers suceurs d’économie et des fossoyeurs des marchés publics ont été appréhendés et mis hors d’état de nuire.

Le changement de ton dans un ordre traditionnellement établi et pourrissant est passé par l’organisation du travail (sécurité et circulation au sein du ministère, ponctualité et assiduité), la répartition réelle des tâches entre les agents et la culture du sens de la responsabilité dans la conduite des finances publiques. Contre vents et marées, le cadre d’expression des Finances publiques, le ministère, a été dépoussiéré dans un contexte où muter un agent du Trésor, de la Solde, des Impôts ou des Douanes suffisait pour soulever une hystérie d’insubordination et mettre en branle un bataclan de « protégés » ou de « bras longs ». Cette audace a certainement permis d’être plus regardant sur certaines pratiques peu orthodoxes de l’ex-DG Ousmane Guiro.

L’assainissement des ressources nationales a été un souffle nouveau pour l’administration financière. Des valeurs de transparence, d’équité et d’égalité sont âprement promues.
C’est donc un effort couvant de longue haleine qui a débouché sur l’usage de la force publique contre l’un des plus puissants collecteurs en chef des recettes publiques. L’on peut certes tergiverser sur les tenants et les aboutissants d’une telle décision ainsi que les fondements propres d’un tel acte maintenant. Raisonnablement, il est possible d’entretenir l’espérance devant une probable issue favorable à l’émergence d’une société de transparence assortie d’une garantie au plus haut niveau.

Pour que cette fois-ci, la révélation d’un tel « mouton noir » dans les finances publiques en la personne de l’ex-DG des Douanes débouche résolument sur une « opération mains propres » visant à dénicher d’autres cantines pleines de devises, encore de cartons bourrés de fric, bien de coffres-forts avec des espèces sonnantes et trébuchantes que des brebis galeuses ont impunément volés à l’Etat. Et Dieu seul sait combien de « Guiro » tiennent encore les rennes des ressources nationales et se terrent sur toute l’étendue du territoire national. La suite à donner à cette affaire et ses répercussions sur la conduite de l’Etat requiert de l’attention, de la patience et de la détermination pour prendre le gouvernement et ses membres aux mots.

Au lieu de réclamer la démission du ministre de tutelle de Ousmane Guiro, il convient à présent d’éprouver son sens de l’honneur et de la perspicacité afin qu’il multiplie et accentue les initiatives d’épuration de son département si vital pour l’avenir du pays. Il semble plus constructif d’appeler le grand argentier à persévérer dans sa dynamique. Pour qu’il termine bien ce qu’il a brillamment commencé. Malgré les soubresauts intervenus dans les finances publiques du pays à cause des inondations du 1er septembre 2009 et de la crise sans précédent de 2011 avec leurs lots de réparations diverses consenties par des réajustements budgétaires risqués, le ministre Lucien Marie Noël Bembamba a affiché une certaine sérénité qui a permis au pays de sortir, un tant soit peu, de l’ornière. Des mesures ont été savamment réfléchies pour juguler les effets pervers de ces tournants économiques cruciaux.

L’ordonnateur national a su simplement renouer le fil du dialogue avec les partenaires techniques et financiers (PTF). Tout en continuant d’œuvrer à l’apaisement du front social avec les financements alloués aux services sociaux de base.
La non-maîtrise des ressources de l’Etat en ce moment précis aurait été plus fatale que jamais. Sans sombrer dans des guerres de positionnement ou des relents de chasse aux sorcières, pour avoir maintenus les indicateurs macroéconomiques au beau fixe et épargner au pays une abîme financière plus profonde, le ministre Lucien Marie Noël Bembamba et son collègue délégué au Budget, Didier Marie Zoundi ont droit à un sursis nonobstant l’affaire Ousmane Guiro pour laquelle il serait trop hâtif et très difficile de les tenir actuellement pour « responsables, coupables ou complices ».

A moins que le contraire ne soit démontré plus tard dans le déroulement du feuilleton judiciaire. Un « devoir » de leur département ministériel a certes présenté une « mauvaise copie » mais la « leçon générale » en cours mérite « d’être dispensée » pour l’essentiel de la cause.
A tout Burkinabè, un apport du soutien nécessaire au chef du gouvernement ainsi qu’aux ministres Bembamba et Zoundi pour aller jusqu’au bout de leur démarche actuelle. D’autant plus que de sources bien introduites auprès des institutions internationales de financement du développement et des chancelleries étrangères, les deux premiers responsables des caisses de l’Etat burkinabé sont auréolés d’une grande crédibilité. La bonne continuation dans leurs engagements actuels pourrait aider à rétablir les coopérations danoise et néerlandaise en souffrance actuellement.

Il faut savoir raison gardée et accepter que le seul fait d’avoir eu l’extrême courage de démettre de façon si abrupte un DG des Douanes de ses fonctions revêt au moins un caractère exceptionnel et méritant dans un pays où tout a été longtemps minimisé, exploité comme tabou, opposé à des fuites en avant et observé aux fins de suite de non recevoir. Si tant est-il que ce qui est advenu à Pissy s’apparente à la lueur d’un soleil nouveau indispensable.
Le « dossier Ousmane Guiro » met la nation burkinabè toute entière sous le feu de la rampe et interpelle, une fois de plus, le ministère en charge des Finances, là où s’effectue en réalité et officiellement le dispatching de toutes les cantines de l’Etat.

Les activités de renforcement et de consolidation des mesures afférentes à l’assainissement des finances publiques doivent se poursuivre impérativement. Puisse alors la trouvaille lumineuse de cette grosse faille cachée au sein des douanes entraîne le déclenchement d’un choix délibéré pour leur donner, au plus sommet du régime, au grand argentier et ordonnateur national, les coudées franches pour organiser et conduire de façon efficace et efficiente la gestion performée des finances publiques.

Dorcas Céleste KOIDIMA, (dorcas.koidima@yahoo.fr)

Pour lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 16 janvier 2012 à 05:16 En réponse à : Gestion des finances publiques au Burkina Faso : Les mérites d’un grand brin de courage

    Ainsi vous vouler me dire que c’est le MEF qui a travailler à l’arrestation de Ousmane GUIRO ????????????
    La gendarmerie relève t-il de son ministère ?
    Pourquoi n’a-il pas été à mesure de demettre Ousmane Guiro de son poste ?
    Pourquoi a t-il fallu la main du PF pour que GUIRO s’en aille en ce jour non ouvrable ?
    La reponse à ces questions vous permettra de cerner la réalité en ce qui concerne le role du MEF dans l’affaire GUIRO.
    Sans mettre en cause ses compétences, je vous demande un peu de respect pour nos braves gendarmes et partant, la population du Burkina Faso.
    Arreter d’amadouer les gens !

  • Le 16 janvier 2012 à 08:03, par narise En réponse à : Gestion des finances publiques au Burkina Faso : Les mérites d’un grand brin de courage

    Bel article.
    Il faut que toutes les failles dans les finances soient dénoncées et corrigeés.
    C’est plus constructif que de chercher à faire sombrer davantage le pays

    • Le 16 janvier 2012 à 16:30 En réponse à : Gestion des finances publiques au Burkina Faso : Les mérites d’un grand brin de courage

      s’il est vrai qu’avec Lucien Marie Noel BEMBAMBA IL Y’a eu une amélioration dans beaucoup de domaines des finances publiques du Burkina (solde marchés publiques....) il faut reconnaitre qu’il a comme peur de s’attaquer a la douane. LORS D’une visite a la direction de la douane en mars 2010 le directeur régionale nous assurait avoir déjà atteint les prévisions de toute l’année 2010.A mon avis,la douane mérite de vraies reformes car ce que les douaniers empochent et gardent dans des cantines dépasse largement les 274 milliards qu’ils ont reverser dans les caisses du trésor en 2011.

  • Le 16 janvier 2012 à 19:35, par Hors polémique En réponse à : Gestion des finances publiques au Burkina Faso : Les mérites d’un grand brin de courage

    Il faut les usagers de lefaso.net apprennent à bien cerner le sens profond de certains articles avant de se livrer à des réactions hâtives. Contrairement à ce que soutient le premier intervenant, il n’est pas question d’amadouer le MEF ici. Il s’est agi seulement de relever des mécanismes qui ont ébloui les dérapages criants des uns et des autres. Et surtout de leur gravité sur les finances publiques et l’avenir du pays.La demarche de l’article a consisté à énumérer des efforts pour stopper une hémorragie tueuse. C’est là qu’il aura fallu intervenir pour dire oui ou non le ministre Bembamba et son délégué ont effectivement apporté une touche ou non pour plus de transparence. Quant à de qui dépend la gendarmerie ou qui a mis fin aux fonction du dg des douanes ? Ce sont des questions infantiles. Tout comme les flics, les pandores sont une force publique au service de la République que tout individu peut appeler pour prévenir un danger. Quant à la démission aux hautes fonctions, il y a toute une procédure qui implique la tutelle avec l’aval du chef de l’Etat. Alors Burkinabè, arrêtez pour une fois les amalgames et cessez d’opposer les filles et fils du pays les uns contre les autres en faisant croire que tel DG ou un tel est plus fort que tel ministre. On ne construit pas une nation ainsi.Tirons les leçons de ce qui est arrivé en debut d’année et le pays se portera mieux pour le reste de 2012.

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