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Editorial de Sidwaya : De la bonne gouvernance des organisations politiques

Publié le lundi 16 janvier 2012 à 00h55min

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L’Etat du Burkina Faso, à travers le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité (MATDS), appelle, plus que jamais, les partis politiques à être en règle avec leurs propres textes constitutifs. En effet, plus de cent partis ou organisations politiques ne respectent pas les conditions d’existence et de fonctionnement légales, selon la liste publiée dans les organes de presse. En décidant de cette mesure, le gouvernement et le MATDS font preuve de salubrité publique. Ils font du même coup un pas de géant vers la bonne gouvernance. Et ce, à l’image du relèvement de ses fonctions de l’ex-directeur général des douanes, la semaine dernière, qui n’est pas un élément isolé, un hasard heureux ou malheureux.

Il traduit une volonté, une politique de gérer autrement les affaires de ce pays. Mais comment continuer sur un si bon chemin si les citoyens dans leur ensemble ne s’investissent pas ? Le couple Citoyen/Etat ne doit-il pas être plus harmonieux au Burkina Faso, pour que les deux mettent davantage en avant leurs devoirs ? Ne serait-ce pas parce que chacun sera en mesure de respecter ses devoirs que les droits de chacun seront également respectés ?

Les responsables de partis politiques avaient-ils besoin qu’on leur « force la main » ? Ils ont, en effet, décidé démocratiquement, on suppose, de l’organisation et de la vie de leur structure. Ces organisations qui, dans le principe, visent la conquête et la gestion du pouvoir d’Etat par la voie légale, ne devraient-elles pas être les premières à donner l’exemple ? Si tel n’est pas le cas et si à un moment donné, leurs dirigeants accédaient au pouvoir d’Etat, ne seront-ils pas tentés de pérenniser les mêmes pratiques ?
Outre les partis politiques, d’autres entités animent l’espace public : la presse, les associations, les arts et le sport. Mais elles n’ont pas les mêmes objectifs. Ces caisses de résonance de la vie en cité, des besoins et désirs, sont importantes.

Il ne se passe pas un seul jour sans que le citoyen n’ait recours, au moins, à l’une d’elles. Sans doute, elles ne sont pas le fer de lance de notre développement à proprement parler, mais elles indiquent très justement la qualité de notre manière de voir et de vivre, individuellement ou collectivement. Quand les Etalons cadets ont remporté la coupe africaine de leur catégorie, les Burkinabè se sont tous mis à vibrer avec eux, à se sentir bien dans leur peau, dans leur cité. Ils ont revu à la hausse l’image qu’ils se faisaient d’eux-mêmes. Cela ne se vend ni ne s’achète nulle part.

Les partis politiques, les organisations de la société civile, les artistes et les organes de presse devraient pouvoir faire rêver comme les Etalons cadets, par leur sérieux, leur rage de vaincre, leur discipline et leur esprit d’équipe. Mais ô Dieu seul sait combien cela n’est pas encore le cas.

Face à cela, que devrait faire l’Etat ? Il existe deux manières d’étouffer ces initiatives qui créent la vie du citoyen : les laisser se développer à l’infini et en désordre comme la mauvaise herbe en saison des pluies, ou les écraser au cri de : « la loi est dure, mais c’est la loi (Dura lex, sed lex) », faisant ainsi passer sournoisement sa propre loi, celle de l’incompréhension et de la peur de ce qui n’est pas soi ou de soi. Jusqu’à la récente réaction du MATDS, c’était la première manière qui prévalait : personne ne s’est crue et ne se croit habilitée à dire à l’un : « tu chantes mal, préserve-nous de ta musique » ; ou à l’autre : « comme tu es un citoyen médiocre, voleur, violeur, menteur, délinquant à tes heures, parfois inculte et même incultivable,… tu devrais renoncer à créer un parti politique et à rêver d’occuper de très hautes fonctions dans ce pays » ; ou encore : « comme tu ne sais pas pousser le ballon, inutile de rêver d’être le Samuel Eto’o burkinabè. »

C’est par ce refus, cette peur de s’immiscer dans les affaires d’autrui que les citoyens et l’Etat laissent pousser dans la République des partis politiques à foison.
Le MATDS a pris les devants pour que les partis politiques s’auto-disciplinent et travaillent à fond pour répondre aux exigences de la loi fondamentale qui leur demande d’être des animateurs de qualité de la vie citoyenne. Ainsi, ils devraient être performants dans l’ancrage de la démocratie, obtenir les mêmes progrès et les mêmes résultats probants que les artistes émérites, certaines organisations crédibles de la société civile, les sportifs de haut niveau,… nous ont montrés.
Leur pérennité dépend d’abord de leur qualité. C’est celle-ci, et non le soutien financier versé par l’Etat, qui provoque l’adhésion de la population à leur programme et à leur vision, pour ceux qui en ont une...

Un journal, par exemple, survit et gagne de l’importance, avant tout, grâce à la sueur et aux frayeurs des femmes et des hommes qui l’ont un jour conçu, et qui passe toute leur vie à le mettre chaque jour au monde. Il en est de même pour les artistes confirmés, les associations conquérantes, les clubs sportifs dynamiques. Il n’y a pas de raison que l’homme politique soit en quelque sorte un homme-rat qui vit entre les fissures et les coins obscurs de l’Etat, attendant que quelque chose tombe dans ses mains ou dans ses poches. Entre un « deal » et un autre, il passe tout le temps à pourfendre, démocratiquement, pense-t-il, ceux qui ne sont pas comme lui et qui se trouvent logés à meilleure enseigne.

Il n’empêche ! Suivre toutes ces unités d’animation de l’espace public avec respect et souplesse, accompagner de façon conséquente celles d’entre elles qui ont fait leurs preuves, les soutenir financièrement comme cela se fait déjà pour la presse, seraient un acte hautement républicain.

Par Ibrahiman SAKANDE (Email : sakandeibrahiman@yahoo.fr )

Sidwaya

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