LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Editorial de Sidwaya : Un coup de tonnerre…

Publié le dimanche 8 janvier 2012 à 23h42min

PARTAGER :                          

Plusieurs regards et lectures sont portés, en ce moment, sur les très médiatiques arrestation et inculpation de l’ex-Directeur Général (DG) de la Douane, M. Ousmane Guiro.  La plupart de ces lectures que les burkinabè font de l’événement, sont moralisatrices.

Il y a également des lectures empreintes de compassion, affirmant par exemple qu’il n’est pas le seul à prendre ce qu’il aurait pris de l’Etat et qu’il serait plutôt honnête de lui coller la paix ; des lectures machiavéliques qui voudraient une sanction sans jugement plus spectaculaire et plus lourde de l’inculpé, de ses proches parents et collaborateurs ; des lectures de la dérision : « ce sont de gros poissons qui se mangent dans les eaux profondes de la mare burkinabè, occupons-nous de nos maigres affaires » ; des lectures d’une injustice patente et infiniment regrettable : « ce sont tous les douaniers qui sont pourris » ; des lectures de l’indifférence : « à quoi bon, on n’avait qu’à le laisser bouffer sa chose ; en tous les cas, ça ne changera rien du tout » ; des lectures pragmatiques et foncièrement sadiques : « ça veut dire que chacun doit mieux cacher ses « cantines », loin de la portée des enfants » ; des lectures semi-tragiques, semi-apocalyptiques, toutes trempées dans la sauce la plus optimiste du monde : « avec l’arrestation d’un Directeur Général, la machine de la purification nationale est en marche ; désormais, corrompus et corrupteurs iront tous cramer dans le feu de la justice du peuple » ; des lectures humoristiques :

« si j’avais pu m’introduire une minute seulement dans cette chambre aux cantines ! » ; des lectures sulfuriques : « on ne peut pas compter sur ce régime, quoi qu’il fasse ; même quand il aura les mains propres, elles seront toujours sales » ; des lectures politiques : « Etait-il plus avantageux de communiquer ou non sur cette affaire ! ». Mais aussi des lectures critiques du genre : « et si c’était un montage ? » ; « tout le monde est coupable » ; ou encore : « ce n’est qu’un règlement de comptes entre clans politiques, le Sieur inculpé n’est qu’une pauvre victime. » Et bien d’autres lectures et regards… Qui croire, et que peut-on en dire ?

Il faut tout d’abord exprimer les vifs encouragements à tous les douaniers, au moment où leur corps est éprouvé. Certains d’entre eux se seraient mis à croire dur comme fer que la société burkinabè est en train de les payer en monnaie de singe, après tant de loyaux et périlleux services. Il n’en est rien du tout ! On pourrait leur dire : « comme tout corps vivant, vous vous découvrirez encore mieux en vous mesurant avec l’obstacle du moment. »
Il faut ensuite saluer la gendarmerie et les corps de contrôle qui ont fait leur travail ... Cela parait de prime abord facile, mais, en d’autres temps ce n’est pas évident.
L’exécutif, le Président du Faso, le Premier ministre qui dès les premières heures ont signé les décrets mettant M. Guiro à la disposition de la Justice.

L’événement est triste, sans doute. Pour l’apprécier, il est nécessaire de se donner un angle de vue, un critère d’appréciation. Or, l’événement en question est allé très vite sous nos yeux, nous laissant à peine le temps d’y réfléchir. L’angle moral nous paraît statique. Dans ce domaine, nous réfléchissons et parlons comme si le malheur qui arrive était toujours et exclusivement la sanction d’une faute ... Est-ce vrai qu’en Israël, à une époque donnée, c’est Jésus qui était l’homme le mieux indiqué pour être cloué au bois de la croix ? Pour ce que nous savons, si les Juifs de l’époque avaient à choisir et devraient être consultés, il crierait « plutôt Barrabas ». Mais cela est arrivé, et le cours de l’Histoire et la face du monde en furent transformés. C’est par l’histoire qui advint après cet événement que nous comprenons mieux ce qu’il en est de son importance, de son sens, ce qu’un jugement uniquement moral était incapable de donner.

L’arrestation de l’ex-DG de la douane s’apprécie selon la vision morale de chacun, mais elle doit l’être surtout dans le sens de la marche de notre nation. Ce qui se passe en ce moment au Burkina est un appel fort à respecter désormais, très scrupuleusement, les biens publics. Dans ce qui est en train de basculer, très heureusement dans le passé, c’est la conjonction de ces trois maux : le détournement, l’impunité, et la complicité de la société. « Z’yeux voient, bouches ne parlent pas. » Il faut enfin que « bouches parlent kè » !
Sous cet angle, ceux qui affirment que tout le monde est coupable ont raison. Qui a jamais demandé de quel arbre tombent « les feuilles » qui inondent et agrémentent funérailles et mariages de façon très justement extravagante ?

Les burkinabè « ripaillent », sont admiratifs devant de tels évènements. Par compassion et par conscience, le « pauvre », par définition, est perçu comme juste, intègre, probe. Quel pauvre a-t-il jamais refusé « des feuilles » que lui tend un coupeur de route ? Que valent vraiment nos leçons de morale devant la corruption ? Le philosophe Aristote disait qu’ « il est injuste de vouloir être juste dans une situation où tout le monde est injuste ». Est-ce qu’à force de parler, de gicler, d’accuser, de condamner, nous sortirons du cycle pervers de la mal gouvernance en transformant l’injustice régnante en justice ?

L’arrestation et l’inculpation de l’ex-DG de la douane, M. Ousmane Guiro, constitue une opportunité – soit dit sans mauvaise foi ni arrière pensée– pour tous les Burkinabè d’être plus justes dans la gestion des affaires publiques, plus courageux devant les pouvoirs de l’argent, plus respectueux de l’Etat et des institutions républicaines, plus intègres enfin.
Pour cela, l’alerte est donnée : que ceux qui ramassaient les biens du peuple sans compter sachent qu’ils n’auront plus de soutien venant des instances supérieures de l’Etat et que le peuple burkinabé est maintenant décidé à dénoncer ceux qui le pillent. Dans ces conditions, nous ne serons plus seulement en train de lutter contre la corruption, nous ferons mieux : nous offrirons à notre nation, le socle le plus sûr pour son développement : l’intégrité, le courage et la liberté d’esprit.

Par Ibrahiman SAKANDE
sakandeibrahiman@yahoo.fr

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 9 janvier 2012 à 16:35 En réponse à : Editorial de Sidwaya : Un coup de tonnerre…

    Monsieur le Directeur Général des éditions Sidwaya, juste vous dire que j’ai apprécié votre éditorial.courage à vous

  • Le 9 janvier 2012 à 17:49, par Gédéon En réponse à : Editorial de Sidwaya : Un coup de tonnerre…

    Si on pouvait consulter Confucius, Socrate et Jesus, je suppose qu’ils diront de façon unanime :« n’attendez rien de grands des autres, n’exigez rien d’eux, exercez vous à la droiture. Ainsi le monde se portera mieux ». Je suis très convaincu qu’ils ne prononceront pas une seule fois le nom d’un coupable. De là, ils auraient fait la meilleure lecture. Celle qui tranche totalement avec nos perceptions d’hommes de peu de vertu

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?
Sénégal / Diomaye Faye président ! : La nouvelle espérance