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Assises criminelles de Banfora : 30 mois fermes et du sursis pour des instituteurs fautifs

Publié le jeudi 5 janvier 2012 à 00h50min

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Trempés dans une rocambolesque affaire d’escroquerie d’indemnités spécifiques et d’allocations familiales, une soixantaine d’instituteurs de la localité de Banfora, des agents de la Solde et du Trésor de Ouagadougou, inculpés depuis 2009, ont comparu du 27 au 30 décembre 2011 devant la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Bobo ayant siégé à Banfora pour répondre des chefs d’inculpation à eux reprochés. Au terme de trois jours de procès et de jouxtes oratoires, la sentence prononcée par la Cour (des peines de prison ferme, sursis et acquittement) a été jugé plutôt clément, vu la gravité des actes.

Trente mois de prison ferme assortis de deux millions de francs CFA d’amende pour le cerveau de l’affaire, Masseifa Fabarga Soulama et trente mois ferme pour respectivement Adama Traoré de Issa, Fabrice B. Kambiré. Ils étaient tous enseignants du primaire, précédemment en service dans les écoles de ?la localité de Banfora. 28 mois de prison ferme ont été prononcés en outre contre Souleymane Sirima, agent à la mairie de Banfora. Trois agents alors en service au Trésor et à la Solde à Ouagadougou ont écopé tour à tour, de 24 mois fermes pour Djakalidia Soulama, 30 mois fermes contre Jules B. Kinda, 12 mois de prison assortis de sursis et d’une amende de 300 ?000 FCFA pour Grégoire Somda.

Ces peines sont les plus lourdes de cette scabreuse affaire dite des enseignants de Banfora. Car à cette liste, il faudra ajouter Oho Noélie Hien, André Maxime Traoré, Ousmane Traoré et Mme Sagnon née Cessouma Marie Cécile, tous condamnés et aux dépens, à trois mois avec sursis et 41 autres instituteurs qui ont écopé chacun de trois mois de prison avec sursis. Ceux-ci doivent également payer à l’Etat, 300 ?000 F CFA, sous forme d’amende. Deux personnes, Benoît Soma et Dramane Sanogo ont été acquittés. De soixante personnes inculpées au départ, 54 donc ont comparu à ce procès.

Ils avaient tous à répondre, à des degrés divers, des chefs d’inculpation de corruption active, de complicité d’enrichissement illicite, de faux en écriture publique ou authentique, d’usage de faux en écriture publique, de complicité d’escroquerie, d’émission de chèque sans provision, d’acceptation de chèque sans provision, de complicité de corruption passive, de corruption passive. Tout comme lors de l’instruction, la grande majorité des inculpés enseignants ont plaidé coupables et reconnu d’avoir bénéficié du tiers des indemnités spéciales, de sujétion et des allocations familiales indues par le truchement de Masseifa Fabarga Soulama et de ses acolytes.

Une grosse arnaque

Premier à s’expliquer, l’homme sur qui toutes les lèvres étaient accrochées ? : Masseifa Fabarga Soualama, la tête pensante du réseau. Visiblement, aucun enseignant de la ville n’a voulu se faire compter ce procès jusque-là inédit. D’où cette forte affluence dans la salle qui a refusé du monde, qu’aux alentours de la salle d’audiences. Fabarga et son plus proche collaborateur, Adama Traoré de Issa ont été arrêtés a-t-on appris, par la police, suite à une dénonciation d’individus à Banfora pour des faits de faux, usage de faux et extorsion de fonds au détriment du Trésor public burkinabé. L’enquête ouverte à cet effet a révélé ensuite, l’existence d’un vaste réseau de faussaires et d’escrocs allant du milieu enseignant de la localité à la Solde et au Trésor, en passant par la mairie de Banfora et des ministères de la fonction publique et de l’enseignement de base.

Outre donc Masseifa Fabarga Soulama et Adama Traoré de Issa, tous deux enseignants du primaire à Banfora, l’enquête a mis également en cause plus de cinquante autres enseignants ainsi que Djakilidia Soulama, Jules Beyomon Kinda, Dramane Sanogo, Noufou Kiemtoré, Soumaila Romba et Constant Bationo, tous fonctionnaires en service à la Solde, au Trésor public, à la direction des ressources humaines du ministère de la fonction publique et au ministère de l’enseignement de base. Invité par le président de Cour Issiaka Dao à s’expliquer, Fabarga n’a pas tergiversé. Avant qu’il ne prenne la parole, le président a précisé qu’il doit s’exprimer avec décence et modération.

Les faits racontés par le prévenu remontent en 2006. Il était en service à l’école de Tiempagora. Usant d’une relation à la solde à Ouagadougou, Fabarga réussit sans coup férir, à obtenir ses indemnités, alors que plusieurs enseignants avaient déposé leurs dossiers sans suite. La nouvelle de cette prouesse s’est répandue telle une traînée de poudre. Moyennant 5 000 F CFA, il a décidé selon ses dires, de donner ainsi des coups de mains par-ci par là, à des collègues. L’affaire marche pour lui. Lors d’un passage à la solde à Ouagadougou, en 2007, son interlocuteur habituel était absent et il tombe fortuitement sur Jules B. Kinda. Ce dernier lui rend service sans contrepartie, a-t- soutenu à la barre.

La collaboration s’est poursuivie, sans heurts. Fabarga constate des mois plus tard, que certains instituteurs alors en service en milieu rural et affectés ensuite à Banfora continuaient de percevoir 15 ?000 F CFA d’indemnités spécifiques au lieu de 4 000 francs. Il libère son génie créateur pour pouvoir profiter de cette faille du système public. Le voilà encore à Ouagadougou, chez Kinda.

C’est le point de départ d’une grosse arnaque. De retour, Fabarga contacte des enseignants et leur propose un marché, ?à savoir que 2/3 du rappel des indemnités lui reviennent. L’affaire est attractive et les premiers clients se signalent.

Un verdict mitigé

Ils fournissent des anciens certificats de prise de service et des certificats administratifs qu’il va falloir trafiquer. Sur requête du procureur du Faso, il se livre devant les juges à une démonstration orale, sur fond de rires dans la salle. Une fois le faux document en main, il prend attache en ce moment avec Souleymane Sirima, un agent à la mairie de Banfora pour la légalisation. Cela moyennant un pourboire. Tant bien que mal Sirima arrivait à faire signer le document par le deuxième adjoint au maire. Mais au fur et à mesure que les clients de Fabarga affluaient, Sirima a dû se résoudre à cacheter et à signer lui-même les faux documents, en contrepartie d’espèces sonnantes et trébuchantes. Parallèlement, Fabarga et ses complices se remplissaient aussi les poches. Même les clients défaillants vont se transformer en agents de recrutement, à l’image de Adama Traoré de Issa et Fabrice B. Kambiré.

Mais tout le monde n’est pas fidèle. D’autres, au moment du paiement, délivrent des chèques sans provisions. La machine étant bien huilée ? ; des indemnités de sujétion, Fabarga intègre dans ses affaires, le traitement des allocations familiales. Il se paie le luxe d’ouvrir un bureau à l’intérieur du bar « Majestic ? », au secteur 5 de Banfora. A ce que l’on dit, ce bureau ne désemplissait point. Outre les enseignants qui ont pu ainsi bénéficier d’allocations familiales sur la base d’acte de naissance d’enfants fictifs, Fabarga a reconnu à la barre avoir utilisé des numéros matricules d’instituteurs à leur insu et les a mis devant le fait accompli. Dès l’annonce du rappel par son acolyte à la Solde depuis Ouaga, il passait un coup de fil à la personne concernée et lui expose ses conditions, les 2/3 à lui verser.

A titre d’exemple, sur 517 ?000 virées sur le compte de Grégoire Somda, il a réclamé un chèque de 360 ?000F. Le train de vie ostentatoire de Fabarga ne passait plus inaperçu à Banfora. Il changeait constamment de véhicules. Sa dernière acquisition, une Mercedes 250, achetée une semaine seulement avant son arrestation, est toujours stationnée dans l’enceinte du palais de justice. A la suite du principal accusé, témoins, accusés et avocats vont défiler à la barre soit pour des éclairages ou des confrontations. Pour le procureur du Faso, le préjudice subi à l’Etat est énorme ? : 25 ?676 ?000FCFA. Pour cela, il a requis dans un premier temps, 8 ans fermes pour Fabarga Soulama, Adama Traoré de Issa, Fabrice Kambiré, Jules B. kinda, 12 mois fermes pour Souleymane Soma. Pour les autres prévenus, il a demandé de leur infliger des peines allant de 10 à 17 mois de prison, avec sursis.

La Chambre criminelle, plus clémente ne l’a pas suivi dans ce sens, d’où le verdict ci-dessus. Un verdict qui continue de susciter des réactions et des commentaires dans la cité du paysan noir.

Frédéric OUEDRAOGO (Ouedfredo2003@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 5 janvier 2012 à 13:14, par Veritas En réponse à : Assises criminelles de Banfora : 30 mois fermes et du sursis pour des instituteurs fautifs

    N’importe quoi. Le problème c’est l’Etat. Tant qu’ils vont pas régler l’histoire des avancements, y aura toujours des problèmes et des circuits de ce genre. J’ai ma mère qui est partie à la retraite en 2009, mais jusqu’à présent, il y a un avancement qu’elle n’a pas encore perçue. Vous voyez, alors ben, tant que l’Etat ne vas pas prendre ses responsabilités pour résoudre tout ca, il en sera toujours ainsi.

  • Le 5 janvier 2012 à 16:40 En réponse à : Assises criminelles de Banfora : 30 mois fermes et du sursis pour des instituteurs fautifs

    dites moi, a combien d anneee doit on condamner l admisnistration Burkinabe ?
    Si les agents du tresor avait fait leur boulot, on n en serait pas la.

  • Le 5 janvier 2012 à 19:37, par par le visionaire En réponse à : Assises criminelles de Banfora : 30 mois fermes et du sursis pour des instituteurs fautifs

    c’est l’État, le premier responsable de ce qui vient de se passer.je pense que c’est une conséquence de la lourdeur administrative.nombreux sont les fonctionnaires qui éprouvent des difficultés réelles pour faire corriger leur situation salariale.déposer son dossier par la voie hiérarchique, c’est comme si on l’avait jeter à la poubelle. les personnes qui ont comparu sont les victimes du dysfonctionnement de l’appareil administratif burkinabé.

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