LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Incendie au ministère de la Justice à Niamey : Une enquête aux conclusions commandées ?

Publié le jeudi 5 janvier 2012 à 00h51min

PARTAGER :                          

Les locaux du ministère nigérien de la Justice ont littéralement cramé dans un incendie le mardi 3 janvier 2012 à Niamey. Le feu s’est déclaré peu après 04h 00 (03h 00 GMT). Les pompiers n’y ont rien pu, les flammes ont léché l’intérieur du bâtiment et y ont tout réduit en cendres : « Les archives et les dossiers judiciaires en instance, tout a brûlé » ; un malheureux événement qu’il convient de déplorer comme il se doit, car quand un incendie de ce genre survient, c’est une catastrophe administrative. Le Burkina est bien payé pour le savoir avec les nombreuses manifestations violentes depuis le drame de Sapouy (l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en décembre 1998) jusqu’aux récentes irruptions sociales (au premier semestre de 2011).

En effet, des mairies, des commissariats de police, des hauts-commissariats et des gouvernorats ont été incendiés par les manifestants sans même oublier qu’un palais de justice comme celui de Koudougou a été mis à sac et incendié.

Avec ces autodafés, c’est la mémoire de l’administration qui est partie en fumée et pis encore puisqu’il s’agit d’un ministère régalien comme celui de la Justice.

Ces incendies, il faut l’avouer, ont lieu le plus souvent au grand dam de leurs auteurs car ils en ont payé le prix. Ainsi, on se souvient que les habitants de Koudougou étaient bien obligés de voyager pour se faire établir qui un cahier judiciaire, qui un certificat de nationalité ou tout autre document délivré par la justice. Même pour se faire rendre justice, il fallait avoir le prix de son transport pour assister à l’audience…

A Niamey, ce sinistre est intervenu à un moment où les autorités ont clairement fait montre de leur détermination à lutter contre la corruption, notamment parmi les magistrats mais aussi parmi les élus du peuple. D’ailleurs il y a quelques jours, les autorités avaient demandé la levée de l’immunité de 8 députés pour leur implication présumée dans des affaires de corruption ou de détournements de deniers publics.

Le plus naturellement du monde, on a annoncé l’ouverture d’une enquête visant à déterminer les causes de l’incendie. Et preuve que l’affaire est prise très au sérieux, Niamey n’a pas hésité à requérir le soutien de la France dans la conduite de cette enquête. Paris aurait marqué son accord et les experts français devraient incessamment débarquer dans la capitale nigérienne pour des investigations plus poussées.

Cependant, difficile de ne pas être interloqué par l’attitude des autorités nigériennes qui, alors même que l’enquête est à peine lancée, ont commencé à éliminer certaines pistes ou hypothèses qui pourraient expliquer l’incendie. On a le sentiment que l’enquête est déjà bouclée sans avoir même commencé : ainsi écartent-elles les pannes techniques comme le court-circuit ; en clair, Niamey a déjà sa petite idée sur ce sinistre, et cela n’est qu’un euphémisme pour ne pas dire que les autorités ont déjà leurs coupables.

C’est normal que, lorsqu’un crime est commis, la question traditionnelle que tout enquêteur se pose soit celle-ci : à qui il profite ? C’est donc naturellement que les personnes susceptibles d’être inquiétées par l’opération mains propres menée sur les bords du fleuve Niger sont suspectées. Et sur ce point ils sont quelques élus à se sentir concernés sinon visés.

A supposé que cet incendie soit criminel, et que l’objectif ait été de faire disparaître les dossiers compromettants, il faut avouer que ce ne serait pas suffisant pour effacer toutes les traces, car quand un dossier arrive au ministère, c’est qu’il a déjà des copies. Dans cette hypothèse, il faut croire que les pyromanes ne savent pas grand-chose du fonctionnement de l’institution judiciaire. En réalité, tout au plus, l’incendie peut retarder les choses quelque peu, mais il ne peut pas enrayer la procédure judiciaire.

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique