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LA LETTRE DE L’EDITEUR : Bien ensemencer l’avenir

Publié le mercredi 4 janvier 2012 à 00h31min

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Cheick Beldh’or SIGUE, Directeur général, directeur de publication des Editions "Le Pays"

Enveloppée dans son grand linceul blanc, 2011 s’est à jamais endormie dans le caveau du Temps. Adieu 2011, vive 2012 ! Les humains sont ainsi faits qu’ils célèbrent toujours dans la joie et l’allégresse universelles, les obsèques de l’année disparue, dans l’espoir sans cesse renouvelé que la suivante sera meilleure. Avec juste raison, car que serait une vie sans espoir, tout entière jonchée d’épines et de ronces, dont la longue nuit ne cède jamais place au jour ? Comment, dans ce cas, ne pas partager l’apophtegme de Machiavel, selon lequel : "Rien n’est aussi désespérant que de ne pas trouver une nouvelle raison d’espérer" ? 2011 s’en est donc allée, sans, pour autant, hélas, avoir enfoui dans son cénotaphe son lot nauséeux de tragédies, misères, plaies et autres calamités qu’elle laisse en héritage à 2012.

A l’aube de l’année nouvelle, que dire de la marche du monde ? Du haut de l’Olympe, les dieux seraient bien forcés de porter, la larme à l’œil et une bulle de rage à la gorge, leur regard sur la Syrie où, sous la férule d’un froid dictateur sanguinaire, le peuple poursuit, meurtri, sa rude marche vers son Golgotha, mais résolu à fendre la solide coque de la tyrannie. La délivrance finira-t-elle par éclore ? En tous les cas, la souffrance du peuple syrien n’a que trop duré. Qu’enfin sonne le glas du Cerbère de Damas ! Des entrailles des terreaux de la Syrie, de la Libye, de l’Egypte, du Yémen et de la Tunisie, longtemps sevrés de démocratie et de liberté, a jailli la lave incandescente d’une vaste contestation populaire estampillée "printemps arabe".

Assurément, cette lame de fond révolutionnaire qui déferle sur une partie du monde arabo-musulman, est un tournant historique, l’événement géopolitique majeur de ce début du 21e siècle. Quelle leçon en tirer ? Aussi profondes soient les ténèbres de l’asservissement, elles finissent toujours par être dévastées par le feu de la révolte portée par la soif intense de liberté. Aussi serait-il illusoire de penser que le gîte et le couvert suffisent à contenter ad vitam aeternam le peuple. L’heureux cataclysme intervenu dans cette partie du monde ne doit cependant pas faire oublier l’Afrique, qui continue à tutoyer le bas-fond du classement des continents les plus à plaindre. De fait, si ces pays arabes en plein bouleversement entament leurs premiers pas démocratiques avec plus ou moins de fortune, ceux de l’Afrique noire, pour leur grande part, ne se gênent même plus d’afficher un sérieux retard de croissance démocratique entretenu par leur refus obstiné de grandir : Gambie, République démocratique du Congo, Guinée Bissau, etc.

Seules quelques rares exceptions sur le continent ont une bonne tenue démocratique. Sont de ceux-là : le Cap vert, le Ghana, le Mozambique, le Botswana, la Zambie, etc. La démocratie a-t-elle été piégée en Afrique ? A bien des égards, oui. Scrutins à haut risque, élections aux gourdins et à la mitraillette avec leur corollaire funeste de sang et de larmes, opérations de chirurgies constitutionnelles, etc., le tout sur fond d’entêtement des princes à s’accrocher au pouvoir comme des arapèdes à leur rocher ; ainsi va la chronique électorale sous les tropiques africains. Ici l’argument de la souveraineté est souvent brandi à des fins de brigandage politique. On se met dans la peau de l’éternel incompris en avançant sa "spécificité" afin de couvrir ses turpitudes. Normal donc que le continent n’en finisse pas d’allonger sa liste de timoniers et de "curiosités".

Des doyens auxquels il faut, hélas, ajouter une nouvelle génération de dirigeants souffrant tout autant de prurit "pouvoiriste". Ils n’offrent aucune garantie réelle quant à leur volonté d’enfouir chez eux les semis d’une démocratie florissante. Une situation bien malheureuse, parfois encouragée par le complot du silence de l’Occident, plus à raison qu’à tort accusé d’être guidé par ses intérêts. Le vol au secours de peuples en danger se fait à la tête du client, selon que, à dire vrai, l’oppresseur menace les intérêts de quelques puissants Etats occidentaux, ou qu’il en est le fidèle serviteur. Mais, ce deux poids deux mesures aura, à la faveur du printemps arabe, au moins réussi à débarrasser le continent de quelques illustres bourreaux. Par leur position, ils croyaient avoir droit de vie et de mort sur le peuple. Laurent Gbabgo, aujourd’hui reclus à la Cour pénale internationale (CPI), quitte les loges des honneurs avec autant de fracas qu’il s’y est propulsé. Il passe ainsi du Capitole à la roche tarpéienne.

Quant à Moammar Khadafi, il laisse, quelque part, l’image ad nauseam d’un tyran mégalomane qui aura renié jusque dans l’âme, la démocratie. Des fins de règne déshonorantes, qui auront mis à nu, hélas, l’incapacité de l’Afrique à se prendre résolument en main et à faire donc valoir ses choix. Littéralement groggy d’avoir été évincée par un Occident conquérant et plus pragmatique face aux brasiers ivoirien et libyen, l’Union africaine, tâtonnante, indolente et indigente, aura fait figure de pompier dévasté par son propre incendie de fonctionnement ! L’année 2011 aura aussi été marquée par l’éradication du fléau Ben Laden et par la décapitation d’un rêve présidentiel, celui de Dominique Strauss-Kahn. Le spécialiste mondial de la macro-économie aura été mis à mort par la guillotine de ses pulsions libidinales indomptées. Le retrait des troupes américaines d’Irak, la crise financière internationale, la disparition du dictateur nord coréen sont aussi à mettre à l’actif ou au passif de l’année qui vient de tirer sa révérence. Cela dit, revenons sur la terre sahélienne et ensoleillée de nos ancêtres, le Burkina Faso, où la météo politico-sociale est, à présent, à l’accalmie.

Les orages sont, en effet, passés avec leurs terrifiants roulements de tonnerre de mars et avril. Un traumatisme national s’il en est, qui plonge profondément ses racines dans le sordide terreau du laxisme et de l’incurie sur lequel ont proliféré les herbes folles de l’injustice, de l’impunité et de la corruption. Ces trois contre-valeurs font inévitablement le lit de la mal gouvernance. Non réprimées régulièrement et à temps, elles sont perçues par le citoyen d’en bas et d’en haut comme des incitations à commettre les délits même les plus osés. Sur ce point, l’acte à la fois le plus récent et le plus gravissime a été posé par le désormais ex-directeur de la Douane. C’est incontestablement une honte pour la République des Hommes intègres.

Cette forfaiture, par son ampleur et sa témérité, est la fille aînée de l’impunité qui se révèle aujourd’hui dans toute sa laideur. Plaise au Ciel que nos gouvernants tirent tous les enseignements du passé, se dressent en bâtisseurs clairvoyants et précautionneux de l’avenir et se projettent au-delà de leurs intérêts personnels. Il y va de la stabilité et de la paix sociale dans notre pays qui, du reste, est sur la voie de négocier un tournant décisif de son Histoire. De fait, au détour de la voie menant à la désacralisation de l’article 37 de la Loi fondamentale, s’ouvre une profonde échancrure des périls. Les conclusions des assisses nationales du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP), à ce propos, ont pourtant été claires : l’article 37 doit rester en l’état. Sera-t-il sanctifié ?

Ou finira-t-il, à la suite de l’appel présidentiel à la poursuite de la réflexion sur les propositions non consensuelles, dans l’estomac des caciques du régime, qui gardent toujours par-devers eux, leur coutelas ? Pour ce qui est des Editions "Le Pays", sa position n’a pas varié d’un iota : pas touche à l’article 37. En 2015, Blaise Compaoré aura totalisé vingt-huit ans à la tête de l’Etat. Il doit penser à se retirer sur l’Aventin. Une cure de jouvence ne serait pas mauvaise pour ce pays qui n’aura connu depuis plus de deux décennies, qu’un seul chef d’Etat. Le Burkina Faso doit lui survivre. Il y a une vie après la présidence. En tout état de cause, mieux vaut toujours faire le choix du départ qui grandit, que de celui qui abaisse et avilit. S’il est notoire que les longs règnes débouchent toujours sur le chaos et la désolation (et les exemples sont légion), en quoi le Burkina Faso devrait-il être une exception ?

Le président burkinabè serait donc bien inspiré de ne pas faire le grand saut dans l’inconnu, qui pourrait se révéler nuisible à son aura, à sa personne, à sa famille et à tous ceux qui lui portent de l’estime. Pour tout fardeau en 2012, que ce nouvel an soit, pour tous, aussi léger qu’une herbe sèche de la savane. Paisible et florissante année à tous les Burkinabè du Faso et de la diaspora. Plaise aux cieux nous aider à bien ensemencer l’avenir.

Cheick Beldh’or SIGUE, Directeur général, directeur de publication des Editions "Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 4 janvier 2012 à 06:44 En réponse à : LA LETTRE DE L’EDITEUR : Bien ensemencer l’avenir

    chapeau bas monsieur sigué car j’ai vraiment pris mon pied en lisant ta contribution et surtout tes vérités assénée à blaiso. vraiment,il est temps qu’il s’en aille en 2015 parceque personnellement,je ne veux plus de lui car il a plus été un problème que la solution pour notre pays et preuve à l’appui,c’est à cause de lui que la corruption est devenue le sport national des burkinabè,toutes couches confondues.
    encore merci mr sigué pour ce bel article et à mon tour,je te souhaite une bonne et heureuse année 2012 ainsi qu’a tous les burkinabè honnêtes

  • Le 5 janvier 2012 à 14:58 En réponse à : LA LETTRE DE L’EDITEUR : Bien ensemencer l’avenir

    Continue comme ça... tu as de l’avenir !!

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