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Palmarès 2011 : Une année de violence et de machisme

Publié le vendredi 23 décembre 2011 à 00h52min

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Une année qui se déverse dans le fleuve du temps, c’est un concentré de faits, gestes et événements au cœur desquels des hommes et des femmes ont jugé nécessaire d’agir ou de s’abstenir, de parler ou de se taire. Mais aussi d’émerger ou de sombrer. Pour ne pas commettre l’injustice de désigner seulement « l’homme de l’année », le Dromadaire a préféré dresser un palmarès qui allie les hommes, les actes, les lieux... dans ce qu’ils ont de glorieux ou d’hideux.

L’homme de l’année : Simon Compaoré

Lorsque des militaires se sont attaqués à sa personne, en avril dernier, à son domicile, il aurait pu perdre la vie. Après cette douloureuse épreuve qui lui a valu quelques jours d’hospitalisation, le courtmestre de la capitale est resté égal à lui-même. S’il a décidé de passer définitivement la main à l’issue des prochaines élections municipales, ce n’est guère pour s’éclipser. Depuis le mois de février, soit deux mois avant les mutineries, il avait publiquement annoncé qu’il n’avait plus rien à prouver, après plus de 15 ans à la tête du conseil municipal. Il s’agit là d’une bonne promesse d’alternance qui lui vaut -en plus de tout le reste- d’être considéré comme l’homme de cette année mouvementée.

L’événement de l’année : les mutineries

Jamais la Haute-Volta devenue Burkina Faso n’avait connu de mutinerie de la violence de celles qui ont abasourdi l’opinion nationale et internationale au premier semestre de l’année. Jamais les militaires, connus et reconnus pour leur sens de la discipline et de l’honneur, n’avaient bafoué ces valeurs cardinales au point de s’attaquer à des civils en plein jour, en flagrant délit de vol et de viol. Ces faits, jusque-là insoupçonnés, ont été non seulement traumatisants pour les autorités et les populations, mais ils ont causé un préjudice incommensurable à l’économie nationale.

La femme de l’année : Séverine Nébié

C’est dans le domaine du sport, et particulièrement des arts martiaux, qu’il a fallu aller chercher « la femme de l’année ». Et Séverine Nébié s’y prête bien parce qu’elle a été la seule sportive burkinabè, toutes disciplines confondues, à obtenir une médaille au nom du Burkina. C’était aux Jeux africains qui se sont déroulés en avril à Maputo, au Mozambique. La judokate s’était déjà fait remarquer dans sa discipline, depuis 2005, où elle a été vice-championne d’Afrique. Par sa combativité et sa constance, elle a prouvé sa capacité à gravir les échelons et à engranger des honneurs pour son pays. C’est un bon exemple pour les jeunes filles et les femmes en quête d’excellence ici au Faso et dans la diaspora.

La ville de l’année : Koudougou

Considérée à tort ou à raison comme « une ville rebelle », Koudougou devait être à l’honneur à la faveur de la commémoration tournante de l’indépendance. Malheureusement, la mort suspecte de l’élève Justin Zongo en février a plongé la ville dans une escalade de violences. Toutes choses qui ont contraint à renoncer à cette célébration et de la reporter pour 2012 toujours à Koudougou. Malgré tout, cette cité n’a pas manqué d’être au cœur de toutes les séductions des autorités. Ce n’est pas par hasard que la cité du Baobab a été choisie pour abriter le lancement des jeux scolaires et universitaires de l’année. C’est la preuve qu’on aime ou on n’aime pas Koudougou, mais on ne peut pas s’en passer.

Le mouton de sacrifice de l’année : Tertius Zongo

Pris entre les feux des élèves et étudiants qui lui mettaient la pression dans la rue pour réclamer justice et vérité sur le décès de l’élève Justin Zongo de Koudougou, des militaires entrés en mutinerie pour exiger de meilleurs traitements pécuniaires et des syndicats en guerre contre la vie chère, le Blaiso national ne semblait pas avoir d’autre choix que de sauter le seul fusible à sa portée, le Premier ministre. C’est ainsi que le pasteur Testicus Zorro a été le mouton de sacrifice de la profonde crise qui a tout balayé sur son passage. Cela, seulement 4 mois après avoir été reconduit par un président réélu pour « bâtir un Burkina "démerdant" ».

Le Bwaba de l’année : Arsène Bobognessan Yé

Après sa longue traversée du désert, il a été finalement le Bwaba qui a reçu la plus grande promotion en 2011. Seul ministre d’Etat dans le gouvernement, il est devenu un des hommes du président. Ce n’est pas un hasard si c’est à lui qu’a été confié le délicat portefeuille de « ministre à durée déterminée pour mandats illimités ». Cela a eu l’avantage ou le désavantage (c’est selon) de faire de lui une personnalité de premier plan. Probablement l’homme le plus consulté par le président ainsi que par le parti au pouvoir. Même s’il n’a pas réussi -hélas ?- la mission de déverrouiller la clause limitative du mandat président, il aura réussi à conserver son portefeuille sinistériel jusqu’à la fin du jeu.

Le revenant de l’année : Salif Diallo

Expédié à Vienne, en Autriche, après avoir été viré du gouvernement en pleine Pâques 2008, Salif Diallo est désormais de retour au bercail. Peut-être plus tôt que prévu. En tout cas, c’est une des rares fois qu’un ambassadeur du Burkina à l’étranger (hormis Ché Yonli) passe un séjour aussi court, seulement trois ans, à son poste. On ne l’attendait pas de sitôt. Sur sa prochaine destination, radio Koulouba, la FM la plus écoutée de Simonville, fait déjà courir beaucoup de rumeur. Mais une chose est au moins sûre, c’est que Robodépé peut être considéré comme le revenant de l’année.

Le diplomate de l’année : Emmanuel Beth

Ambassadeur de France depuis l’année dernière, cet officier supérieur de l’Armée française reconverti à la diplomatie est, sans doute, l’un des plus actifs et des moins protocolaires que le corps diplomatique connaît. Du coup, il a voulu tout vivre par lui-même. Sur le terrain et dans les médias, il ne se passe pratiquement pas de semaine sans qu’il ne soit à une manifestation. Même au plus fort des mutineries, il était sur le terrain à Bobo-Dioulasso. En tout cas, sa présence offensive lui a donné beaucoup de visibilité au cours de l’année.

Le ressuscité de l’année : Dr Jérôme Bougouma

Taxé, affectueusement, de « repenti » dans le dernier gouvernement du pasteur Testicus Zorro qui l’a recherché pour en faire son ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation, ce juriste discret mais efficace s’est révélé comme une pièce maîtresse de l’actuel gouvernement de sortie de crise. Il faut avoir les épaules solides pour gérer, à la fois, des ministères aussi sensibles comme l’Administration territoriale, la Décentralisation et la Sécurité. C’est véritablement le ressuscité de l’année parce qu’après sa démission volontaire du gouvernement, rien ne présageait cette fulgurante ascension.

Le bosseur de l’année : Apollinaire Soungalo Ouattara

C’est à juste titre que le Premier sinistre Lucky Luc lui a refilé le département du Travail et de la Sécurité sociale en plus de celui de la Fonction publique qu’il avait auparavant. Cet administrateur civil est certainement l’un des plus gros bosseurs du gouvernement, mais aussi du parti au pouvoir qu’il tente discrètement de repositionner dans l’Ouest du pays. Homme de dossiers et surtout de terrain, il s’emploie à redonner ses lettres de noblesse au métier de fonctionnaire tout en se révélant comme un interlocuteur crédible auprès des syndicalistes dans cette période délicate de sortie de crise.

Le fouineur de l’année : adjudant-chef major Boukary Drabo

Que du bon boulot réalisé par ce pandore et son équipe pour débusquer plein de délinquants et de bandits de grands chemins qui écument la capitale. Il s’est même fait un point d’honneur à collaborer avec les médias à chaque fois que ses hommes réalisaient un grand coup. Cela a certainement un effet pédagogique important dans l’appel des populations à collaborer avec les forces de sécurité. Un pandore comme celui-là mérite largement le soutien logistique et matériel de ses supérieurs hiérarchiques.

Le promu de l’année : Général Honoré Nabéré Traoré

Fraîchement nommé colonel-major, il a fallu le bombarder général pour lui permettre de tenir aisément son bâton de commandement de Chef d’état-major général des Armées. Du coup, il est devenu le bidasse qui a reçu les promotions les plus hautes et les plus rapides de l’année au sein de l’Armée.

L’élu de l’année : Me Barthélemy Kéré

Chargé d’organiser des élections maintes fois reportées, il aura été finalement le seul élu de l’année 2011. Mieux, son élection à la présidence de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’a fait l’objet d’aucune contestation, ni du pouvoir, ni de l’opposition, encore moins des organisations de la société civile d’où est issu cet avocat et ancien bâtonnier.

Le disparu de l’année : El Hadj Oumarou Kanazoé

De toutes les personnes qui ont disparu au cours de cette année, paix à leurs âmes respectives, Ladji aura été le plus célèbre. Simplement parce que le patriarche de l’économie burkinabè est unanimement reconnu comme un homme qui savait faire du bien à tous et à chacun, quel que soit son statut social et son bord politique.

La surprise de l’année : Luc Adolphe Tiao

Quand le pasteur Testicus Zorro a été sauté de son fauteuil de Premier sinistre, on s’attendait certainement à tout le monde sauf à l’ancien ambassadeur du Burkina à Paris. Aussi, tout en étant la surprise de l’année, sa nomination est venue confirmer que le journalisme peut aussi mener à tout au Faso. A condition qu’il y ait une crise sociale et militaire aiguë.

La scène de l’année : Le Cito

Pour avoir maintenue vivante et active la flamme de la création théâtrale, le Carrefour international du théâtre de Ouagadougou (Cito) mérite d’être salué comme la scène artistique de l’année. Il était notamment à sa 25e création majeure avec la pièce « La fin de la faim » inspirée du roman « Les dieux délinquants » de l’écrivain burkinabè Augustin Sondè Coulibaly.

Le film de l’année : Bayiri, la patrie

Mieux vaut tard que jamais. Avec ce film qui replonge dans l’enfer du retour des suppliciés de la crise ivoirienne au Faso natal, Saint-Pierre Yaméogo aura réalisé le coup cinématographique de l’année. Au moment où la Côte d’Ivoire panse ses plaies, ce film devient d’autant plus d’actualité qu’il permet de ne pas oublier les Burkinabè dans le processus de Vérité, justice et réconciliation.

Le megd politique de l’année : l’article 37

Les tentatives avouées ou sournoises de modification de l’article 37, limitatif du mandat présidentiel, auront été le megd politique de l’année. Que de perte de temps, d’argent et d’énergie qui ont noyé l’opportunité et la pertinence des fameuses réformes politiques du Blaiso national. A vouloir continuer à entretenir un vrai faux mystère autour de cette histoire, le président et son parti ont fini par apporter de l’eau au moulin de ceux qui croient que la démocratie burkinabè n’est que de la poudre aux yeux.

Comment conclure le palmarès de l’année 2011 qui s’achève sans déplorer la grande chape de violence dont elle a été marquée. Au premier plan des acteurs, encore les hommes, qu’ils soient policiers, militaires ou politiques. Preuve que le mal de la violence demeure une affaire de mâles qui continuent de reléguer les femmes au second plan. De 5 qu’elles étaient dans le précédent gouvernement, elles ont été réduites à seulement 3 dans ce pays où elles représentent pourtant plus de 52% de la population.

F. Quophy

Journal du Jeudi

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Vos commentaires

  • Le 23 décembre 2011 à 08:57, par le bourré En réponse à : Palmarès 2011 : Une année de violence et de machisme

    Mon type croise les doigts car 2011 reste encore une semaine. N’oublie pas que Sankara et Norbert ont été zigouillés en quelques minutes, que la terre a tremblé en Haiti pendant quelques secondes, que Kadafi a été tué en quelques minutes. Donc jusqu’à la dernière minutes des choses peuvent se passer. Moi je ferai le bilan de 2011 en 2012. Nous sommes dans les arrêts de jeux et les arrêts de jeux portent malheur. Resté concentrés et pieux.

  • Le 23 décembre 2011 à 15:37, par Traoré En réponse à : Palmarès 2011 : Une année de violence et de machisme

    Très belles reproches. 2011 est loin d’être terminée en terme d’evènement.

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