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Travail des enfants sur les sites aurifères  : Dans les labyrinthes des exploitations minière artisanales du Centre-Est

Publié le jeudi 22 décembre 2011 à 00h59min

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Une mission d’inspection effectuée par des inspecteurs issus du Ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Sécurité sociale (MFPTSS), aux niveaux central et régional, s’est rendue sur les sites d’orpaillage des villages de Mongrnooré et de Mogandé, dans la commune de Bittou, le 22 novembre 2011. L’objectif de cette visite était d’échanger avec les concessionnaires et orpailleurs sur la législation en matière de travail des enfants sur les sites d’exploitation artisanale.

La sortie de terrain des spécialistes du travail et de la sécurité sociale sur les sites d’orpaillage (à exploitation artisanale) des villages de Mongrnooré et de Mogandé, dans la commune de Bittou, a permis aux inspecteurs du travail d’avoir des échanges directs avec les orpailleurs en matière de législation sur le travail des enfants, et de discuter des conditions de leur accompagnement.
A Mongrnooré tout comme à Mogandé, le protocole d’acueil a été le même ? : installation des membres de la mission, écoute du message principal de la délégation et discussions à bâtons rompus avec les représentants des exploitants des sites.

D’entrée de jeu, et après avoir présenté les membres de sa délégation, le chef de mission, Nicaise Badolo, inspecteur du travail à la Direction régionale du travail et de la sécurité sociale du Centre-Est (DRTSS-CES), a expliqué les raisons de cette visite. « Nous sommes venus pour mieux comprendre le phénomène qu’est le travail des enfants et ses pires formes, en quoi il consiste, comment il se manifeste, les tenants et aboutissants de ce phénomène, afin de pouvoir réfléchir sur les activités de sensibilisation et autres actions qu’il faille mener », a-t-il indiqué.

Les entretiens avec les différents concessionnaires des sites d’orpaillage, les orpailleurs eux-mêmes et les acheteurs ? ont consisté à une séance de questions-réponses élaborées et contenues dans une fiche de contrôle du travail des enfants dans la région du Centre-Est. Pour M. Badolo, ces fiches permettent de recueillir des informations relatives à l’identification des concessionnaires et l’organisation technique du travail. Il s’agit de savoir si les travailleurs sur ces sites sont affiliés à une mutuelle ou à la sécurité sociale, de mesurer la santé et la sécurité au travail ?(équipement de protection individuel ou collectif, identification des enfants travailleurs, etc).
Pour ce qui est du mode d’emploi de ces enfants, la fiche renseigne sur le type de travail quotidien, ? si l’enfant est assisté lors de l’exécution des tâches ou pas, et informe sur le montant de sa rémunération. Enfin, en ce qui concerne les alternatives, les questions auxquelles l’enfant doit répondre sont de savoir s’il est prêt à repartir à l’école, à apprendre un métier si des propositions lui sont faites…

A toutes ces préoccupations, les réactions ont divergé. Si certains ont affirmé être nés dans ces villages où travaillent leurs aînés, d’autres ont confié être venus d’autres villages pour chercher de l’argent. « Le travail est dur par rapport à ce que nous gagnons comme salaire », ont fait remarquer ces enfants orpailleurs. Sont de ceux-là, Malgoubri Mouni. Son activité principale est le lavage des résidus et de la terre sortis des trous.?«  ?Je suis prêt à abandonner ce travail si je trouve un métier plus porteur et d’avenir ? », nous a-t-il lancé, les yeux rivés dans son plat afin que la moindre pépite d’or n’échappe de la boue qu’il est en train de laver.

Madina Sione, 15 ans, Gamboné Safia, 13 ans et Zèba Awa, 13 ans, venues pour chercher de l’argent, exercent dans le métier de pileuse de pierres par contrat. Le matériel utilisé pour concasser ces pierres se compose d’un mortier ?en fer qu’elles enfoncent dans le sol et d’un pilon, également en fer, pour broyer les pierres. Yabré Moussa et Maré Allan pensent qu’ils trouvent leur compte en travaillant sur le site. Ils sont employés par un propriétaire de moulin qui écrase les cailloux cassés en petits morceaux. Nous les avons trouvés sur le site de Mongrnooré s’apprêtant à mettre en marche leur moulin. Ils ont affirmé écraser par jour, au minimum, 10 sacs de 100 kg de cailloux, en raison de 10 ?000F CFA par sac. Un orpailleur venu pour faire écraser ses cailloux nous informe que pour un sac de 100kg, il peut avoir 10g d’or. L’or qui est vendu aux acheteurs sur place à raison de 25 ?000F CFA le gramme.

MaÏga Idrissa, 32 ans, est un spécialiste en explosifs. Depuis 6 ans qu’il exerce ce travail, il n’a jamais bénéficié d’une formation sur l’utilisation de ce matériel pourtant délicat et dangereux. Son travail consiste à faire exploser les parties dures des trous afin de permettre au propriétaire de poursuivre sa fouille en profondeur. Le temps de mettre le feu au fil électrique et la détonation suit 10 à 15 mn après, juste le temps qu’il sorte du trou avant le « boom ».

Maîga Idrissa est conscient du risque qu’il court dans ce métier. Mais pour autant, est-il prêt à abandonner ce boulot ? Sa réponse ?est sans équivoque :« si je ne gagne pas 30 millions de F CFA, il n’est pas question que j’abandonne ce travail. Je suis venu pour chercher l’or et l’argent de l’or ». Maïga Idrissa est payé à 200 ?000F CFA par intervention.
Des deux sites que nous avons visités, le matériel et les matières utilisés pour l’exploitation de l’or sont partout les mêmes ? : des pioches, des marteaux, des cordes, des pics, des pelles, des burins, des bidons de 20 litres, de l’eau et souvent du cyanure pour laver l’or. Le lavage se fait ?à la main. Le temps de travail va de 6h à 14h le jour et de 19h jusqu’à 5h du matin la nuit. Les délégués désignés par les travailleurs veillent à la sécurité des sites et du matériel de travail.

Mieux organisé, le site de Mogandé connaît beaucoup plus d’affluence, avec environ 5 ?000 orpailleurs et cinq acheteurs principaux d’or, eux-aussi propriétaires de « trous ». Ils ?emploient des travailleurs sur le site à leur compte. Selon les responsables du site, « les enfants de moins de 18 ans qui viennent sur le site pour chercher du travail sont employés à la surface. C’est-à-dire qu’ils apportent de l’eau dans des fûts transportés dans des charrettes ». Cette eau est vendue aux orpailleurs pour laver les résidus ou la boue sortie des trous.

Depuis, les sites d’orpaillage des villages de Mongrnooré et de Mongandé sont devenus des lieux de convergence des populations à la recherche de l’or et l’argent de l’or… et les enfants ne sont pas en reste.
Les délégués des différents sites ont souhaité que ce genre de rencontres et d’échanges se poursuive. Ils ont également salué l’initiative du MFPTSS et la création d’une Direction ? de la lutte contre le travail des enfants et ses pires formes (DLTE).
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Bougnan NAON (pbougnan@yahoo.com)

Sidwaya

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