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UNE AFRICAINE A LA TETE DE LA CPI : Un honneur redoutable

Publié le mercredi 14 décembre 2011 à 00h47min

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Candidate de consensus, la Gambienne Fatou Bensouda a été élue ce lundi procureure de la Cour pénale internationale (CPI). C’est une grande première pour l’Afrique. Sa nomination donne toutefois le sentiment d’un double piège. Celle qui succèdera à l’Argentin Luis Moreno-Ocampo en juin prochain, était son adjointe depuis 2004. Elle est donc appelée à relever des défis aux rapports dialectiques fort bien connus : ceux de la justice pénale internationale qui vacille dans un monde trouble et complexe, et ceux de son continent d’appartenance, en pleine transition et aux prises avec des intérêts divergents, avec parfois des ramifications en Occident même. Serait-ce donc exprès qu’on l’a préparée puis propulsée à la tête d’une institution aussi sollicitée que décriée ? La CPI a la lourde mission de juger des cas internationaux délicats.

Ceux-ci ne cessent de diviser les pays du Sud et ceux du Nord. Les défis à relever étant énormes, la nomination de Fatou Bensouda mettrait ainsi les Africains à l’épreuve. Sauf que celle qui aura bientôt les clés de la CPI en mains, a du mérite. En plus de son parcours professionnel, Fatou Bensouda constitue un véritable symbole. Sa nature de femme, son continent d’appartenance (l’Afrique) et le pays dont elle est originaire (la Gambie) ont certainement contribué à lui forger une personnalité à même de faire face à de nombreuses situations. Cela a certainement beaucoup aidé le tandem composé avec Luis Moreno-Ocampo.

Ce, d’autant que tous deux viennent de continents et de pays dont l’histoire est marquée du sceau de dictatures impitoyables. Comme par le passé en Argentine de Luis Moreno-Ocampo, la Gambie, pays de Fatou Bensouda, vit présentement l’expérience douloureuse de la dictature du sanguinaire Yayah Jammeh. Femme, la future procureure de la CPI s’efforcera sûrement de faire avancer la cause de l’autre moitié du ciel. En effet, la Cour va devoir s’impliquer de plus en plus ouvertement aux côtés des femmes à la fois victimes des guerres, des dictatures politiques et économiques que des statuts qui les infériorisent. Les inégalités qui dominent les rapports sociaux du genre sont d’une telle acuité sur le continent que la bataille pour la reconnaissance des droits de la femme pourrait y prendre des allures de croisade.

Une véritable révolution donc que de voir une Africaine occuper un tel poste dans un contexte politique international controversé. Comment Fatou donnera-t-elle la chasse aux dictatures en Afrique ? Quelle place accordera-t-elle à la société civile dans ce combat ? L’avenir le dira. D’ici là, il faudra promouvoir la CPI auprès de pays non signataires ou réticents à exécuter les directives de La Haye. Des dictatures, il y en a partout. Seules la forme et la nature diffèrent. Il suffit pour s’en convaincre de regarder comment sont traitées les minorités en Occident même. En matière de manquement au respect des droits humains et sans chercher à la dédouaner, l’Afrique n’a donc pas le monopole des abus. Par ailleurs, si les oligarchies militaires, les dictatures politiques et leurs soutiens économiques prolifèrent, et de manière visible sur le continent, c’est bien parce qu’elles bénéficient de grandes complicités en Occident.

Tout en pompant dans les ressources aux dépens de populations marginalisées et affamées, des supposés « amis », continuent malgré les discours, à épauler l’impunité au grand dam des défenseurs des droits humains. Il est temps pour l’Occident, qui n’aime pas trop qu’on regarde dans sa cour, de faire des efforts à ce niveau. Dans les pays du Nord, la CPI devrait chercher à voir en dessous de la partie visible de l’iceberg. En matière de justice internationale, il y a donc du chemin à faire. Si elle tient à éviter de donner le sentiment que la CPI est l’otage des Occidentaux, celle qui va succéder au légendaire et intrépide Luis Moreno-Ocampo doit aussi traquer et poursuivre les délinquants à col blanc qui opèrent sans vergogne au Sud pour ensuite se réfugier au Nord. Fatou Bensouda devra travailler sans faiblesse, sans états d’âme et surtout sans penchants pro-africains.

Elle qui a su attendre son heure, on s’attend à ce qu’elle œuvre au rapprochement de la CPI et de l’UA. L’Afrique devrait en principe se réjouir de la nomination de l’une de ses valeureuses filles à la tête d’une institution aussi prestigieuse qu’est la CPI. Au regard de l’importance de ce poste qui vise à combattre les auteurs de crimes contre l’humanité, exultera-t-on en Afrique comme à la nomination de Kofi Annan et à l’élection de Barak Obama, ou approuvera-t-on avec modération ? Bonne ou mauvaise nouvelle pour les autocrates du continent ? En tout cas, femme noire à la tête de la justice des Blancs, Fatou Bensouda aura à se surpasser. Membre du sérail, on la devine rompue aux dossiers qui assaillent le cabinet. L’honneur qui lui a été fait et, à travers elle, ce continent, est redoutable par l’énormité de la tâche et des défis.

Mais, quel redoutable honneur de continuer le travail entamé par un illustre prédécesseur ! De nouvelles poursuites seront engagées et bien d’autres envisagées. Nouvelle procureure de la CPI, la Gambienne Fatou Bensouda réussira sa mission si les Africains font preuve de discernement et de soutien. Car, autant la dictature n’a pas de frontières, autant la justice internationale ne saurait avoir de couleur.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 14 décembre 2011 à 02:22, par La Djembelogy Bourgi En réponse à : UNE AFRICAINE A LA TETE DE LA CPI : Un honneur redoutable

    Pouvez vous SVP pour la prochaine fois introduire les personality par une biography, ca nous permettera de bien connaitre leur competence et leur position intellectual. Please thanks

  • Le 14 décembre 2011 à 10:14, par Palin En réponse à : UNE AFRICAINE A LA TETE DE LA CPI : Un honneur redoutable

    Bonjour !
    Pendant combien de temps les africains continueront d’agir comme des enfants ?
    A travers cette question je m’adresse à ceux qui passent leur temps à dire que la CPI ne fait que poursuivre les dirigeants africains. Je ne partage pas cette vision pour plusieurs raisons :
    1- Personne ne nous a obligés à ratifier la convention. Si nous l’avons fait c’est en connaissance de cause. Si nous regrettons notre choix nous pouvons alors dénoncer la convention et quitter tout simplement la CPI. Pour information les états unis que l’on considère comme une grande démocratie n’ont pas ratifié la convention sur la CPI.
    2- Ce n’est pas parce que les dirigeants européens ne sont pas poursuivis qu’il faut laisser les dirigeants africains responsables de crimes de guerre en liberté. Franchement entre nous entre les dirigeants occidentaux et les dirigeants africains quels sont ceux qui font le plus de mal à leur peuple ? c’est facile de dire que la CPI ne poursuit que les africains. Mettez vous un instant à la place des parents des victimes de Jean Pierre MBEMBA en RDC, de Charles TAYLOR en Libéria, d’Issen HABRE au Tchad.
    A mon avis il faut qu’en Afrique nous arrêtons les fuites en avant et que nous nous assumions. Il est inutile de toujours se plaindre avec la subjectivité d’un enfant grincheux du genre « les occidents sont contre nous », « la CPI ne fait que poursuivre les dirigeants africains ». De grâce arrêtons d’accuser les autres.
    Si l’Afrique est toujours sous développé s’est d’abord la faute des africains avant d’être celle des autres.

  • Le 14 décembre 2011 à 14:29 En réponse à : UNE AFRICAINE A LA TETE DE LA CPI : CHALEUREUSES FELICITATIONS à BENSOUDA

    C’est un grand honneur pour Fatou BENSOUDA, un honneur pour la Gambie, un honneur pour l’Afique toute entière ; les Africains doivent prouver leurs compétences, leurs expertises, leur sens élevé de responsabilité si l’Afrique veut créer et maintenir sa place dans les grandes instances internationales.
    Certains diront que la CPI est faite pour mater les dirigeants africains ; même si c’était le cas, c’est une bonne chose parce que l’IMPUNITE, L’INJUSTICE, LES CRIMES bref tous les pêchés du monde sont commis en grande partie par nos gouvernants ; c’est une triste réalité. Le pouvoir judiciaire africain est politisé ; les verdicts des procès sont connus d’avance ; les prononciations des non-lieux dans des grands dossiers sont monnaie courante ; comment pouvons-nous avoir confiance ces appareils montés par les Etats africains ; je dis, si la CPI n’était pas créee, il fallait la créer pour limiter les atrocités que vivent les populations africianes
    je profite au passage saluer et féliciter les juges du Niger qui ont dit catégoriquement NIET à l’ex-plaisantin président TANJA qui néanmoins a usé de toutes ses forces pour tripatouiller la constitution ; nous avons besoin de tels juges qui n’ont d’intérêt que l’intérêt du peuple ; que Allah vous bénisse
    NB : l’administrateur SVP laissez passer le message ;sinon je porte plainte contre vous pour non respect de la liberté d’expression

  • Le 14 décembre 2011 à 16:32, par well185 En réponse à : UNE AFRICAINE A LA TETE DE LA CPI : Un honneur redoutable

    Je suis content qu’une Africaine puis être procureur de la CPI au moment où un ex président africain est incarcéré la-bas.je voudrais seulement que la CPI soit un instrument de justice au lieu d’être un instrument à la solde des grandes puissances qui fournissent des armes à nos dirigeants pour déclencher les conflits et après quand ces derniers sont poursuivis les dirigeants occidentaux sont à l’écart.

  • Le 14 décembre 2011 à 17:55 En réponse à : UNE AFRICAINE A LA TETE DE LA CPI : Un honneur redoutable

    Pourquoi passer tout le temps à en vouloir aux occidentaux ? Au lieu de se servir de leurs exemples constructifs afin de pouvoir connaître un bon développement, on se livre à de critiques afin de mieux sombrer dans la médiocrité,qu’allons laisser comme héritage à nos enfants ? C’est un peu comme un père qui éduque mal son enfant et qui rejette la faute sur l’enfant du voisin.Pour la cupidité et l’égoïsme d’une SEULE personne sommes nous prêts à sacrifier PLUSIEURS vies ? Ne pensons pas que cela n’arrive qu’aux autres et n’attendons pas que cela nous arrive avant de trouver des solutions.
    Au nom de la liberté d’expression.......

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