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Conseil de l’Entente : Le « vieux machin » peut-il servir autre chose que les intérêts ivoiriens ? (1/2)

Publié le mardi 13 décembre 2011 à 13h00min

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Pour ceux de ma génération, le Conseil de l’Entente africaine (comme on disait alors) n’a jamais été autre chose que l’outil forgé par Félix Houphouët-Boigny - avant même l’indépendance de la Côte d’Ivoire : sa création remonte au 29 mai 1959 - pour s’opposer à la constitution de la Fédération du Mali (une de ces fameuses « fédérations primaires » formée le 17 janvier 1959 entre le Sénégal, le Soudan et, initialement, la Haute-Volta et le Dahomey) et promouvoir cette « fédération franco-africaine » dont il rêvait mais que le général De Gaulle refusera d’entériner, considérant que la France n’avait pas à abdiquer sa propre souveraineté au profit d’un super-Etat de type fédéral intégrant ses ex-colonies d’Afrique.

Houphouët-Boigny était, depuis le 1er juin 1958, membre du gouvernement formé par Charles De Gaulle : tout d’abord ministre d’Etat puis ministre conseiller du gouvernement pour les Affaires étrangères, avant d’être nommé Premier ministre du gouvernement de la République de Côte d’Ivoire le 30 avril 1959. Et, moins d’un mois plus tard (29 mai 1959), fondateur du Conseil de l’Entente. Il avait été le seul Africain ayant participé à la réflexion sur la Constitution de la Vème République et y défendait sa thèse d’une « fédération franco-africaine » face à l’offensive pro-« fédération primaire » menée par Dakar. Houphouët-Boigny savait compenser, quand il y avait nécessité, son manque de moyens diplomatiques et politiques par le transport de valises bien bourrées !

Le 4 avril 1959, Maurice Yaméogo, président du Conseil de la Haute-Volta, signera un protocole d’accord « économique » avec Auguste Denise, président du Conseil de la République de Côte d’Ivoire, faisant éclater, du même coup, la Fédération du Mali. Le Niger de Hamani Diori et le Dahomey de Hubert Maga vont suivre. Commentaire de Modibo Keïta, alors dirigeant du Soudan français (et fervent adepte de la « fédération » d’une Afrique indépendante avec Ahmed Sékou Touré, Kwamé N’Krumah, Léopold Sédar Senghor) : « M. Félix Houphouët-Boigny demeure fidèle à lui-même. Il a toujours été pour la division de l’Afrique. Et s’il mobilise tant de moyens, cela entre dans le cadre de son action anti-africaine ». C’est qu’en fait le Conseil de l’Entente ne visait rien d’autre que « la collaboration entre colonisateurs et colonisés », collaboration prônée par Houphouët-Boigny dès lors « qu’il n’y a plus de problème politique entre la France et les peuples d’outre-mer ».

Le Conseil de l’Entente était ainsi un regroupement qui visait à soutenir auprès de Paris la thèse d’une « fédération franco-africaine » face au projet de « communauté » au sein de laquelle les Etats membres pouvaient aspirer à l’indépendance. Le projet d’Houphouët-Boigny n’aboutira pas : la Fédération du Mali (Sénégal + Soudan) accédait à l’indépendance ; les pays du Conseil de l’Entente, contraints et forcés, devront suivre. Mais Houphouët-Boigny se forgeait, dans la sous-région, une stature « d’homme de la France ». Et Paris lui sera reconnaissant de s’efforcer de rassembler les pays de l’ex-AOF autour de son Conseil de l’Entente.

Celui-ci va connaître bien des tourments. Houphouët-Boigny avait une obsession : que la Côte d’Ivoire ne soit plus « la vache à lait de l’AOF » ! Que pouvait-elle être d’autre ?

Le Conseil de l’Entente va lui servir de « porte-avions » pour ses intérêts propres dès lors que les essais de regroupement africain se multipliaient : UAM, OAMCE, OCAM, OUA, CEAO… Mais Houphouët-Boigny va se heurter aux tensions avec ses « voisins », notamment avec Maurice Yaméogo, le président de la Haute-Volta qui s’opposera au leader ivoirien sur la question de l’Union africaine et malgache de défense (UAMD)*. Le renversement de Yaméogo, le 3 janvier 1966, puis l’accession au pouvoir du sergent-chef Gnassingbé Eyadéma, le 14 avril 1967 (alors que le Togo avait rejoint le Conseil de l’Entente l’année précédente), enfin l’incessante valse des présidents au Dahomey, vont vider l’institution de tout aspect opérationnel. Le projet de prolongation du chemin de fer Abidjan-Ouagadougou jusqu’à Tambao, qui avait fait l’objet d’une note du gouvernement de la Haute-Volta le 9 décembre 1967, restera lettre morte ; tout comme celui de chemin de fer Cotonou-Niamey.

Il faut ajouter aux « désordres » internes au Conseil de l’Entente, les bouleversements externes : la démission puis la mort de De Gaulle (et l’éloignement, un temps, de Jacques Foccart de l’Elysée), « l’affaire biafraise », la politique de « dialogue » avec l’Afrique du Sud de l’apartheid…, autant d’événements qui isoleront Houphouët-Boigny sur la scène diplomatique africaine alors que les gouvernements « marxistes » - la bête noire du leader ivoirien - se multipliaient ici et là.

Cette phobie du communisme expliquait ans doute pourquoi Houphouët-Boigny avait confié le poste de secrétaire général du Conseil de l’Entente à un… Congolais. En l’occurrence Paul Kaya. Cet économiste de formation avait été ministre de l’Economie nationale, du Plan, des Travaux publics et des Transports en 1963 dans le gouvernement provisoire d’Alphonse Massamba-Debat formé à la suite des « Trois glorieuses ». En 1965, à la suite de la montée en puissance des « marxistes » au sein de la classe politique congolaise, Kaya prendra la route de l’exil et s’installera en Côte d’Ivoire. Il trouvera rapidement un job de consultant économique au sein du Conseil de l’Entente avant de s’en voir confier, en 1966, le poste de secrétaire général qu’il va occuper pendant… trente ans, cumulativement avec les fonctions de secrétaire administratif du fonds d’entraide et des emprunts (il n’oubliera pas, non plus, de s’adonner frénétiquement aux activités de business respectant en cela scrupuleusement la « culture » administrativo-politique ivoirienne !). Kaya sera remplacé par Paul Kouamé (dont le frère, Michel, a été le patron du groupe Fraternité-Matin), décédé le 15 octobre 2003. Et c’est Magloire Kéké Teti qui était, jusqu’à ces derniers jours, le « patron » d’un Conseil de l’Entente dont plus personne ne savait à quoi et à qui il pouvait bien servir.

« Notre institution a connu d’énormes difficultés pour lesquelles nous voulons nous battre pour trouver des solutions durables » avait reconnu, Kéké Teki, lors de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Entente, réunie à Yamoussoukro le samedi 11 juillet 2009. On parlera à cette occasion de « renaissance », de « redynamisation de l’institution » qui fêtait alors son cinquantième anniversaire. Restructuration du Conseil de l’Entente, apurement des arriérés de cotisation, proposition de sources alternatives de financement de programmes de développement, exécution des décisions des chefs d’Etat… les ambitions étaient fortes mais le contexte politique ne s’y prêtait pas. A noter que le président malien, Amadou Toumani Touré, avait participé à ce sommet en tant qu’invité spécial, l’intégration du Mali au sein du Conseil de l’Entente étant souhaitée par l’ensemble des participants.

Depuis ce sommet, Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire) et Mamadou Tandja (Niger) ont quitté la scène politique. L’alternance en Côte d’Ivoire a permis d’envisager de relancer une institution qui, depuis la chute de Henri Konan Bédié, avait vécu en « léthargie ». Et dans la sous-région, alors que la donne politique a changé, chacun s’interroge : le Conseil de l’Entente peut-il être, à nouveau, un outil de reconfiguration de la sous-région ? Question subsidiaire : au profit de qui ?

* Maurice Yaméogo refusera « obstinément » de signer avec la France un accord de défense commune auquel ont adhéré les autres Etats du Conseil de l’Entente.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 13 décembre 2011 à 13:17 En réponse à : Conseil de l’Entente : Le « vieux machin » peut-il servir autre chose que les intérêts ivoiriens ? (1/2)

    Vraiment que les dirigeants africains voient mieux que cela. Conseil de l’entente, UEMOA, CEDEAO, SENSAD trop d’institutions sous régionales. Poutant les grands projets ne sont pas portés par toutes ces institutions exples autoroute Ouaga - Abidjan, la BRVM. La langue et les ethnies sont des facteurs de division cf. crise ivoirienne, la longue gestion des affaires d’état sont des crises de stabilités Togo, Burkina Faso. Que voulez vous enfin ? Que les choses changent ou alors que les hommes politiques changent au détriment des peuples ?

    • Le 13 décembre 2011 à 16:07 En réponse à : Conseil de l’Entente : Le « vieux machin » peut-il servir autre chose que les intérêts ivoiriens ? (1/2)

      Tu te plains mais c’est la meme chose qui se passe au sein d’un meme pays comme le Faso parceque j’avoue qu’il y a tellement de structures avec des noms bizarres que souvent je me dis que je ne vis pas dans ce pays.Tout s’enchevêtre,s’empile et le simple usager se sent perdu.Conclusion,on complique tout quand il faut faire simple sinon je ne vois pas l’importance de ce conseil de l’entente sauf a vouloir chercher à parquer des fonctionnaires qui seront grassement payés mais qui seront là à se retourner les pouces parceque rien à faire.N’importe quoi et regardez les sur la photo.Que des guignols en costard comme si s’habiller africain est une honte tchurrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr

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