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Pétrole tchadien : Le diktat de l’Occident

Publié le jeudi 14 octobre 2004 à 07h50min

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Idriss Déby

Le prix du baril de pétrole se négocie en ce moment à la baisse au Tchad. Une situation qui paraît bien en deçà des attentes du président tchadien Idriss Deby, et qui, visiblement, le fâche. De vive voix, il a signifié récemment sur les ondes d’une radio étrangère, qu’il ne supportait pas une telle injustice.

Entré dans le cercle très fermé des pays producteurs de pétrole, son pays, ravagé par 30 ans de guerre civile et dont le PIB annuel par habitant est estimé à seulement 250 dollars US, attend, sur une période de 25 ans, des retombées du pétrole d’environ 2 milliards et une production qui devrait avoisiner 225 000 barils/jour les premières années. A condition bien sûr, que les recettes pétrolières soient calculées sur la base d’un baril à 15 dollars. Seulement, il y a une ombre au tableau, qui risque de perturber les prévisions de l’Etat tchadien.

Le baril se négocie sous la barre des 10 dollars et le pétrole de Doba, là même où a été trouvé le gisement pétrolier, à 8 dollars le baril. Si cette tendance se confirmait, selon les estimations, les revenus du Tchad se réduiraient comme peau de chagrin. Mais que peuvent les autorités tchadiennes face au bradage du pétrole tchadien, quand l’exploitation de l’or noir est contrôlée par un consortium d’exploitation américain composé d’Exxon-Mobil, USA (40 %), Petronas, Malaisie (35 %) et Chevron Texaco, USA (25 %) et que, à lui seul, il financerait 70 % de l’exploitation ? Sans doute pas grand-chose.

Au regard des nombreux investissements pour pomper le pétrole tchadien, le consortium voudrait logiquement en tirer le maximum de profits. A tout le moins, il apparaît évident qu’il voudra amortir ses investissements. Cela dit, le Tchad ne doit pas s’étonner que les compagnies pétrolières étrangères sur place, fixent leurs prix. Presque tout l’investissement financier et matériel provient de fonds autres que les siens propres.

Dans ces conditions, comment pouvoir négocier pied à pied avec elles ? Il est presque certain que tant que les sociétés pétrolières africaines ne sont pas suffisamment ou pas du tout outillées, tant que les moyens de production proviendront de l’extérieur, elles seront difficilement à l’abri du chantage des sociétés d’exploitation pétrolières étrangères. Et ce sera le continuel rapport de force dans lequel les sociétés africaines sortiront toujours perdantes.

Au-delà, on remarquera que la dépendance de la majorité des sociétés africaines vis-à-vis de certains interlocuteurs occidentaux ne se limite pas seulement aux négociations sur le pétrole. Dans le secteur secondaire, tout comme dans celui du primaire, la détérioration des termes de l’échange est l’expression grossière de l’injustice à laquelle sont soumis de nombreux producteurs africains. Et nul doute que cette injustice aura la peau dure si les Etats ne trouvent pas les moyens adéquats pour se départir de la tutelle occidentale.

Assurément, les Africains doivent se réveiller. On comprend mal par exemple qu’un pays comme le Nigeria, reconnu grand producteur de pétrole (le 6ème du monde), ait du mal à satisfaire la demande en pétrole de son peuple ; donnant quelquefois l’impression que ce qui prime avant tout, c’est la satisfaction des clients occidentaux.

Les gages de transparence de Idriss Déby du genre "tant que je serai à la tête de l’Etat, la transparence va jouer pleinement dans la gestion des revenus du pétrole ; nous veillerons à ce que chaque centime du pétrole puisse produire un effet dans la vie de chaque famille tchadienne ", resteront toujours de vains mots si certaines compagnies africaines sont soumises à la rapacité de sociétés occidentales.

Pour traiter d’égal à égal, le Tchad devrait penser à mettre en place une raffinerie, comme a eu le flair de le faire le père de l’indépendance ivoirienne, Houphouët Boigny, à travers la Société ivoirienne de raffinerie (SIR). Et pourtant, la Côte d’Ivoire ne produit pas de pétrole. Autrement, on se demandera toujours où va exactement le pactole de "l’or noir".

Au lieu d’être un facteur de développement, l’irruption de "l’or noir" est passée dans bien des Etats africains pour une malédiction. Du fait même de ces richesses, ces Etats ont cédé aux démons de l’instabilité. Et c’est d’ailleurs là tout le drame des pays qualifiés de scandales géologiques. A peine le gisement de Doba a-t-il été découvert que de nombreux observateurs ont pensé que la manne pétrolière servira à Déby à asseoir ses ambitions de leader de l’Afrique centrale. Le gouvernement aurait déjà utilisé 4 millions de dollars d’avance sur les recettes pour acheter des armes.

L’opposition a vu là, un "encouragement à la dictature". En définitive, l’Afrique a tout intérêt à gérer elle-même ses propres ressources pétrolières. Elle ne doit pas attendre que les prédateurs des revenus du pétrole finissent de siphonner le sous-sol. Encore faut-il que les Africains parlent d’une seule et même voix. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Le Pays

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