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Une braise ardente entre les dents…

Publié le lundi 28 novembre 2011 à 01h59min

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La communauté nationale s’apprête à mettre un point final aux débats organisés dans le cadre du Conseil consultatif sur les réformes politiques. Ce sera au cours d’assises nationales qui auront lieu à Ouagadougou du 7 au 9 décembre 2011 au palais des sports de OUAGA 2000, en présence de 1 500 délégués des « forces vives » de la nation. On va donc vers les conclusions d’un débat national dont la mise en œuvre devrait donner du sang neuf et une nouvelle visibilité à notre démocratie. A écouter les uns et les autres, à prêter attention aux rumeurs et aux vagues qu’on remue, il semble en tout cas, qu’il est toujours ingrat de travailler pour l’intérêt de tous : on court le risque de n’obtenir la reconnaissance de personne.

La sagesse populaire rappelle que pour soigner l’impuissance de son meilleur ami, il faut mettre sa propre femme en lieu sûr. De ce qui est classé « bon » dans le parcours du CCRP, on ne parle pas. Quand on évoque les points reconnus non consensuels, c’est pour plutôt approfondir les attitudes de discorde. Ainsi, les débats tous azimuts ont fini par imposer aux esprits, les moins avertis, que le Conseil consultatif sur les réformes politiques est un Conseil impératif sur l’article 37. Pourquoi cristalliser la réflexion autour d’une idée que l’on voudrait aussi fixe, aussi raide qu’une barre de fer ?

Et voici le pouvoir au rouet : faut-il ne rien dire de ce qui nous divise pour laisser penser finalement que la division est souhaitable, ou, malgré quelques scrupules, le pouvoir doit-il prendre ses responsabilités et dire son mot sur les questions non consensuelles ? « Laisser en l’état » est un non sens si l’expression est le synonyme d’une « léthargie » qu’on approuve, impuissant. Revenir sur la non consensuelle révision de article 37, par exemple, c’est inviter certains citoyens ou certaines citoyennes à déterrer la hache de guerre de là où ils l’ont enterrée. Mais, ne plus en dire un traître mot, c’est laisser les populations sur leur faim : elles se sont intéressées à la question, elles se sont investies pour y répondre, elles méritent une réponse qui corresponde à l´intérêt général (qui reste à définir, quoi que l´on dise).

Cette réponse viendra-t-elle des assises nationales ? En tous les cas, le pouvoir en place a comme une braise ardente entre les dents : faut-il qu’il la crache pour qu’elle tombe en plein milieu du support sur lequel il est assis ? Doit-il la rejeter en direction du voisin ? L’avaler, il n’est pas question... Comme l’a dit le Cercle des politistes burkinabè, face aux enjeux essentiels du tournant historique dans lequel nous nous trouvons, il est important effectivement de réaffirmer que l’article 37 n’est probablement pas le problème n°1 de notre pays. Comment le dire ? Comment le poser, devient une redoutable équation devant la polarisation manichéenne des opinions et des positions. Comment éviter l’impasse et la guerre des tranchées et faire des Assises nationales un moment de sursaut national vers l’écriture de nouvelles pages de notre jeune démocratie ?

Posons-nous simplement un certain nombre de questions sur ce malaise.
Que penser de l’éternelle démocratie après le débat de la base, avec, en contrepoint, le déverrouillage ou non de l’article 37 ? Puisque tout le monde semble braqué sur cet aspect des réflexions du CCRP, pourquoi ne pas y revenir ? Aux débats organisés du sommet à la base, la contribution des populations est sans ambiguïté : bien qu’amoureuses d’interminables causeries, les populations ont clairement affirmé que les bavardages qui ont cours à Ouagadougou ne les intéressaient pas : elles veulent travailler et vivre dans la paix et la sécurité, manger le pain qu’elles auront, elles mêmes, gagner, éduquer les enfants dans la sérénité, se déplacer sur des routes recommandables, se loger décemment, régler leurs problèmes sans rien casser. Autant dire à certains caïds habitants de Simonville et autres Goamaville : l’article 37, c’est votre affaire.

A tête reposée, il faut se laisser convaincre qu’il y a, devant nous et parfois contre nos vies, trois sortes de démocratie : celle, premièrement, du village : elle est exigeante, concrète, elle veut des résultats. Elle est synonyme de travail et de paix. Au village, tout mal a un remède et le meilleur démocrate serait, en droite ligne de cette mentalité, celui qui serait capable d’apporter le maximum de bonnes solutions au plus grand nombre de mauvaises situations. Nul n’est assez analphabète au point de ne pas savoir lire la liste de ses intérêts. Il y a, deuxièmement, la démocratie des capitales et des villes : c’est elle qui fait et défait les trônes, qui marche et qui piaffe contre ses tyrans… Mais, en même temps, c’est elle qui sait affirmer, paradoxalement, que « la démocratie, c’est le gouvernement du peuple par le peuple. »

Autrement dit : nous, habitants de Ouagadougou, nous sommes le peuple burkinabé. Les millions de paysans, bon gré mal gré, doivent nous suivre. La troisième démocratie est celle des méga métropoles. Elle se vit et se montre comme un universel abstrait. Elle roule de Rome à Washington en passant par où l’on voudra ; elle est riche de ses principes et pauvre de ce qu’il faut aux villageois ; elle est belle parce que parfois immense et nulle. Sa nourriture préférée, c’est la liberté ; le tô et le riz peuvent venir ou ne pas venir ! On voit bien que la démocratie qui fait bouger Paris, celle pour laquelle on court à Ouagadougou et celle attendue à Kokologho-les-deux-champs ne sont pas les mêmes. Elles peuvent se prêter main forte, mais elles ne devraient, en aucun cas, être assimilées les unes aux autres.

Le dire, c’est inviter tout citoyen de bonne foi à s’attacher à l’esprit et pas seulement à la lettre en matière de gouvernance ; à rechercher la réalisation intégrale des droits fondamentaux du citoyen et pas seulement à satisfaire des rituels politiques parfois surannés ; à s’inscrire dans la dynamique des faits qui s’imposent à nous, afin de tirer notre épingle du jeu, pour le meilleur et contre le pire. Si tous les démocrates de Ouagadougou étaient vraiment sincères, comment ont-ils pu ne pas faire des préoccupations fondamentales de leur base, leurs propres préoccupations lors des débats à Ouagadougou ?

Les communautés nationale et internationale doivent, en réfléchissant à ces questions, prendre conscience de la nécessité d’une vision plurielle de la démocratie. Plus que le multipartisme, c’est cette vision multi démocratique de la démocratie qui sauvera les pays pauvres. Dans notre Res-publica où, la nuit venue, le karité ressemble au néré, il y en a qui cherchent l’article 37 sans le trouver. Il y en a aussi que l’article 37 trouve sans qu’ils l’aient vraiment cherché

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 28 novembre 2011 à 07:45 En réponse à : Une braise ardente entre les dents…

    Monsieur Sakande, impressionant votre gymnastic intellectuel. Mais nous restons vigilents. Tout le monde le sait, sans le poiNt portant sur l’article 37, le CCRP n’a pas son sens. Malgré cela, vous essayez de l’ignorer. En tout cas NE TOUCHEZ PAS A L’ARTICLE 37.NE TOUCHEZ PAS A L’ARTICLE 37, NE TOUCHEZ PAS A L’ARTICLE 37....................................

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