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Pr. Marie Soleil Frère, Enseignante de journalisme : « Les médias sont des acteurs fondamentaux pour garantir la transparence des processus électoraux »

Publié le vendredi 25 novembre 2011 à 01h19min

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Pr. Marie Soleil Frère a longtemps été enseignante au Département Communication et Journalisme de l’Université de Ouagadougou. Elle est actuellement professeur de journalisme à l’université libre de Bruxelles. Présente à Ouagadougou dans le cadre du 4è Festival international de la liberté d’expressions et de la presse(FILEP), elle a donné une communication sur l’expérience des médias dans la transparence des élections en Afrique centrale. Dans les lignes qui suivent, elle s’exprime sur les défis des journalistes dans l’accompagnement des processus électoraux des pays en situation post-conflit et du FILEP.

Vous venez de présenter une communication sur le rôle des médias dans la transparence des élections en Afrique centrale. Que retenir ?

Le rôle des médias pour garantir la transparence des élections est une nécessité. Les médias d’Afrique centrale se heurtent à une série de difficultés. Il y a donc des défis à relever si ces médias veulent remplir les missions qui sont les leurs.

Ya-t-il une exception des médias d’Afrique centrale par rapport au reste du continent ?

Les pays sur lesquels j’ai travaillé sont tous des pays en situation de post-conflit (NDRL : Congo Brazzaville, Burundi, etc.) Des pays qui ont connu des conflits armés, des guerres civiles ou des périodes d’instabilité à la fin des années 90, début 2000. Ces pays ont cette particularité mais je pense qu’il y a des pays en Afrique de l’ouest comme la Cote d’ivoire qui peuvent rentrer dans cette catégorie. En Afrique centrale, les pays comme le Cameroun, la guinée équatoriale n’entrent pas dans le cadre de cette recherche, parce qu’ils n’ont pas connu de conflit armé.

Quels sont les défis auxquels les médias de ces pays post-conflits sont confrontés ?

Ils sont confrontés à de nombreux défis. Il y a d’abord les défis liés aux conditions matérielles dans lesquelles les journalistes travaillent. Sauf les médias qui ont été créés dans le cadre des processus de paix ou par les missions d’intervention de l’ONU, les autres médias rencontrent des problèmes de matériels, de ressources humaines, de logistiques parce que ce sont des pays où l’électricité est très instable, où il est difficile de se déplacer parce que les routes, les moyens de déplacement ont été endommagés par le conflit. Ce sont des pays ou la liberté de la presse n’est pas garantie. Les journalistes sont souvent victimes de violences, d’intimidations, d’interpellations et les situations de conflits donnent lieu à des cas d’impunité, de violations des droits des journalistes et plus généralement, les violations des droits de l’homme ne donnent pas toujours lieu à des procès. Souvent quand ces procès ont lieu, ce sont des parodies de justice qui ne font pas la lumière ou n’identifient pas les responsables.

Il y a aussi le contexte particulier des campagnes électorales dans les pays qui sortent de conflits. Il y a souvent des partis politiques qui ont joué une partition dans le conflit armé. Il peut y avoir des anciens mouvements rebelles qui se sont transformés en partis politique. Cela pose des problèmes en terme de couverture électorale pour les journalistes parce qu’ils ont en en face des militants politiques souvent membres de milices armées qui peuvent être des facteurs de menaces pour les journalistes.

Quelle appréciation faites-vous de l’organisation du présent FILEP 2011 ?

C’est la première fois que je participe au FILEP, je vois que c’est bien organisé. Je suis impressionnée par la qualité et le nombre des participants. Les questions en débat sont importantes. Les questions de la gouvernance électorale, de la qualité et de la transparence des élections sont préoccupantes sur le continent et les médias sont reconnus comme acteurs fondamentaux pour aider à garantir la transparence des processus électoraux. Mais il ne faut pas attendre des médias plus que ce qu’ils peuvent faire. Ils ne sont pas entièrement responsables de la transparence du processus électoral. Il y a des institutions chargées d’organiser ces élections et de mettre en place des dispositifs matériels, techniques et logistiques pour que les scrutins se déroulent dans de bonnes conditions. Mais il est aussi important de rappeler que les médias peuvent devenir aussi des facteurs qui exacerbent les crises, des acteurs qui vont générer de l’instabilité avant, pendant et après le processus électoral.

Cette rencontre permettra à la fois aux journalistes de réfléchir sur leur pratique professionnelle, mais aussi d’interpeller les acteurs de la société civile, institutionnels et politiques sur leur propre responsabilité pour que les élections soient transparentes.

Pensez-vous que les conclusions de ce festival contribueront à garantir la transparence dans l’organisation des élections et la bonne gouvernance en Afrique ?

Il y a beaucoup de déclaration, d’idées, d’enthousiasmes et de recommandations dans ces genres de rencontre. Le problème après, c’est le suivi. Les mécanismes de suivi débouchent souvent sur les problèmes de prise en charge. Il faut voir dans quelle mesure les recommandations peuvent être entendues. Une rencontre comme celle-ci peut faire changer les choses au niveau de la réflexion individuelle. En rentrant dans leurs organes de presses ou leurs associations, les participants pourraient transmettre les choses qu’ils ont apprises ou des réflexions qu’ils ont développées à ce festival.

Maintenant pour une mise en œuvre complète des recommandations à l’endroit des acteurs politiques et institutionnels, cela nécessiterait beaucoup de travail. Les participants viennent de pays diversifiés, ils sont peu nombreux pour représenter leur pays. Ce qui est important, c’est que chaque participant en rentrant chez lui puisse assurer la dissémination au niveau local de ce qu’il aura tiré de ce festival. Le problème de ces rencontres internationales, c’est que les journalistes participants en rentrant chez eux, n’ont pas le réflexe de transmettre les connaissances à leurs confrères, donc les conclusions ne vont pas loin. Si nous voulons améliorer la transparence électorale au Burundi, au Cameroun ou au Congo, ce n’est pas un ou deux journalistes isolés de ces pays qui ont participé au FILEP qui pourront changer les choses.

Propos recueillis par Tiga Cheick SAWADOGO (Stagiaire)

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