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Abdou Latif Coulibaly, Journaliste et Ecrivain Sénégalais : « La charte africaine de la démocratie ne règlera pas les problèmes non résolus par les lois internes »

Publié le vendredi 25 novembre 2011 à 01h19min

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Abdou Latif Coulibaly

La charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance a fait l’objet de débat ce jeudi, à l’occasion de la 4e édition du Festival International de la Liberté d’Expression et de la Presse(FILEP) qui se tient actuellement à Ouagadougou. Cette charte qui comporte 11 chapitres et 53 dispositions fait de la démocratie en Afrique une obligation et non plus un choix. Le journaliste et écrivain Sénégalais Abdou Latif Coulibaly et le professeur Luc Marius Ibriga de l’Université de Ouagadougou se prononcent sur cette charte peu connue du public et dont les différents Etats traînent encore les pieds à la ratifier, bien qu’ayant contribué à son adoption.

Luc Marius Ibriga : La charte n’est qu’un point de départ, une base juridique qui doit être exploitée par les différents acteurs. Et pour que la charte soit réellement effective, il faut des acteurs qui soient convaincus de la nécessité de cette charte. Or, aujourd’hui, au rythme des ratifications on a l’impression que la charte est plus un phénomène de mode qu’un problème qui préoccupe les Etats. Sa ratification traîne et quatre ans après son adoption en 2007, nous n’avons pas atteint le nombre d’Etats requis pour que la charte entre en vigueur. Il y a donc un rôle que la société civile et les médias doivent jouer afin de réveiller les consciences et de faire en sorte que cette garantie normative puisse être effective.

Luc Marius Ibriga

La charte a des limites dans la mesure où elle est écrite beaucoup sous la forme d’exhortations que d’engagements qui soient contraignants à court terme. La charte est plus programmatique que d’application immédiate. Et la seule disposition qui a un caractère immédiat, c’est celle concernant les changements anticonstitutionnels. C’est pourquoi, certains auteurs considèrent que la charte est aussi un instrument pour ceux qui ont déjà le pouvoir, une chose qui les protège contre d’éventuels coups d’Etats. Mais, il aurait fallu aller beaucoup plus loin pour prendre en compte tous les problèmes qui minent la question des transitions pacifiques en Afrique. Pourtant la charte ne pose pas ce problème avec clarté.

Tout comme la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, les pays qui ont ratifié la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ne sont pas tous respectueux de cette charte. L’Ethiopie a ratifié la charte mais dans ce pays la liberté de presse n’est pas respectée. Le Burkina Faso aussi a ratifié la charte mais aujourd’hui on parle de manipulations de la Constitution. Or, tout cela ne devrait plus exister si nous prenions à cœur les dispositions de la charte.

Abdou Latif Coulibaly : Croire que la charte va régler les problèmes qui n’ont pas été réglés par nos lois internes, c’est se faire des illusions. La charte est importante parce qu’il faut se donner des normes de droit. Mais, avant de parler de cette charte, encore faut-il que nos Etats respectent ce qui est prescrit comme droit dans nos pays. Les Constitutions africaines ne sont respectées que quand elles ne dérangent personne. Sinon, personne ne les respecte totalement. Mais, dés l’instant qu’elles dérangent quelqu’un du point de vue de ses ambitions personnelles, quand on est chef d’Etat on viole toujours les Constitutions. Je suis certain que dans quelques mois on apprendra que l’article 37 sera sauté au Burkina. Mais cela n’arrangera ni le président, ni ses amis. La charte africaine n’aura véritablement de portée dans nos sociétés que dans la mesure où les normes internes qui garantissent les libertés et la démocratie seront respectées. Il ne sert à rien de se doter d’une norme internationale si la norme interne elle-même qui doit la recevoir n’est pas respectée.

Les présidents ont adopté cette charte parce que tout simplement ce sont des mots et non des actes. Il y a un homme qui a été à la base de l’adoption de cette charte : c’est Alpha Omar Konaré. Etant un chef d’Etat qui a lui-même respecté la charte de son pays, il était à l’aise pour faire la promotion de cette charte qui est d’ailleurs interaméricaine pour l’amener en Afrique. Mais après son départ personne ne s’en occupe. Il y a seulement 14 Etats sur 54 qui l’ont ratifié. Or il faut 15 Etats pour que la ratification rentre en vigueur. Ratifié une charte ne veut pas dire l’appliquer. On ne parle même pas des 40 autres qui ne l’ont pas encore ratifiée.

Propos recueillis par Jean Pierre SAWADOGO (Stagiaire)

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Vos commentaires

  • Le 25 novembre 2011 à 11:12, par SANKARA En réponse à : Abdou Latif Coulibaly, Journaliste et Ecrivain Sénégalais : « La charte africaine de la démocratie ne règlera pas les problèmes non résolus par les lois internes »

    Merci à Latif Coulibaly d’avoir fait comprendre à nos dirigeants des petites structures telles FILEP, SYNATIC et bien d’autres encore, championnes dans l’organisation de telles rencontres que c’est facile de critiquer les chefs d’Etat pendant qu’eux-mêmes sont calés sans le moindre bon sens de pensée de laisser la place à la relève.
    Quelle honte ! Quelle bassesse d’esprit !
    Combien de structures au BF soufffrent de ce mal ? Le haut est aussi le reflet du bas. Nos dirigeants ne sont pas des extraterrestres ! Ils sont les produits d’une société, notre société.Ne faites pas semblant d’être clean, d’être des gens correctes, des moralisateurs alors que tout le monde voit ce qui se passe à votre sein ! Vous faites honte !
    Le seul exemple au BF c’est BADO qui a bravé cette myopie intellectuelle dans laquelle vous baignez en cédant la présidence de son parti dans le souci de préparer une relève. Soyez au moins logiques avec vous-mêmes !
    Je suis convaincu que ce journaliste sénégalais Latif Coulibaly ne sera plus invité à une autre édition de FILEP. Lui qui ne sait pas que ces gars ne s’attendaient pas à ce qu’il leur crache cette vérité dans cette salle ! Ils étaient tous assis, tout lourds de honte et de mauvaise foi !
    Latif Coulibaly, vous êtes l’homme qu’il faut pour éveiller les consciences et ramener les récalcitrants intellectuels à arrêter leur longue masturbation intellectuelle.

    SANKARA

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