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Désintérêt des Burkinabè pour la politique : hypocrisie ?

Publié le jeudi 24 novembre 2011 à 01h08min

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Le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), dirigé par le professeur Augustin Loada, a présenté, il y a quelques semaines, les résultats du sondage sur l’ancrage des valeurs démocratiques au Burkina Faso. En résumé, il ressort que « l’analyse des résultats des enquêtes 2007 et 2010 montre que la politique intéresse de moins en moins les Burkinabè. En 2007, ils étaient 60% à s’intéresser à la politique. Trois ans plus tard, ils sont seulement 47% à s’y intéresser. On constate donc que l’intérêt pour la politique a diminué entre 2007 et 2010.

La proportion des personnes qui ont exprimé un désintérêt envers la politique s’est donc accrue en trois ans, passant de 36% à 51% ». Au regard de ces résultats, il y a lieu de reconnaître que la situation est préoccupante. Et il y a de quoi se poser des questions en parcourant les détails de l’enquête qui dévoile que « la grande majorité des hommes s’intéressent à la politique à la différence de la grande majorité des femmes ; la majorité des jeunes est intéressée par la politique, à la différence des plus âgés. Les personnes lettrées s’intéressent à la politique, contrairement aux personnes non lettrées qui, majoritairement, s’en désintéressent.

Quant aux personnes résidant en milieu urbain, elles sont relativement plus hostiles ou indifférentes à la politique que celle résidant en milieu rural ». Qu’est-ce qui pourrait expliquer ces situations ? L’on peut penser que si les Burkinabè ne s’intéressent pas à la question politique, c’est que les hommes et les partis politiques ne font pas grand chose pour "se vendre" auprès des Burkinabè. Combien de partis politiques organisent, de façon officielle, des rencontres pour expliquer leur projet de société ou leur ligne politique aux citoyens de tous bords, militants, sympathisants ou citoyens lambda ? L’impression qui se dégage, le plus souvent, est que les militants des premières heures font tout pour que de nouveaux militants n’adhèrent pas à leur parti, soit disant que leur venue diminuera « le gombo ».

Et pour cela, même s’il faut décourager les nouveaux venus, tous les moyens sont bons et utilisables pour l’occasion. En outre, combien de partis politiques au Burkina Faso ont des plans de recrutement et de renouvellement ? Sans répondre péremptoirement par la négative, il faut reconnaître que c’est rare. Alors, comment un parti qui ne recrute pas, qui ne va pas vers les citoyens, sauf pour solliciter leurs voix, peut s’attendre à ce que les Burkinabè s’intéressent à lui, voire l’écoutent ? Il y a donc lieu de changer d’attitude. En outre, comment peut-on vouloir que les Burkinabè s’intéressent à la chose politique quand des politiciens ne donnent pas souvent des exemples à même d’appâter ? Il faut reconnaître qu’il y a plein de leaders politiques au Burkina Faso qui ne sont pas des exemples.

Certains sont inconnus de leur voisinage immédiat, quartiers ou secteurs, encore moins dans leur village ou province. Que dire quand on ajoute à cela leur comportement « d’hommes évolués », aimant à se mettre au-dessus des autres concitoyens, allant au village avec leurs bidons d’eau et refusant, parfois, gentiment de partager en commun des plats. Il faut admettre que ces genres de comportements ne sont pas faits pour encourager un citoyen à s’approcher d’un homme politique, encore moins adhérer à son parti, sauf s’il n’y a pas d’alternatives (…). Cependant, il y a lieu de relativiser la question du désintérêt des Burkinabè pour la politique.

Car, à voir de près certains louvoiements, l’on peut conjecturer qu’il y a de l’hypocrisie ou un refus de s’assumer de la part de certains Burkinabè. Cela, parce qu’on remarque qu’il y a nombre de militants cagoulés ou de salon, qui avancent dans l’obscurité et qui ne veulent pas que l’on sache qu’ils adhèrent aux idéaux d’un parti politique. Ces types de militants sont à démasquer car dangereux pour les autres citoyens et même pour les partis au compte desquels ils jouent au sous-marin. Sinon, pourquoi refuser de s’assumer et de défendre publiquement ses opinions et sa ligne de conduite si l’on est convaincu de ses idées ? Qu’il est admirable de voir, par exemple, en Côte d’Ivoire, des militants, encore convaincus des idéaux du Front populaire ivoirien (FPI) ! Des militants qui s’affichent, malgré la traversée du désert de leur parti et qui le défendent bec et ongle.

Combien sont-ils, ce genre de militants d’un parti politique ou des proches d’un leader politique en difficulté au Burkina Faso ? Dès que les difficultés s’annoncent, les retournements de vestes commencent et vous vous retrouvez seul ! En tous les cas, l’on peut dire que les partis politiques sont grandement responsables, si les Burkinabè s’intéressent de moins en moins à la politique. Mais tout n’est pas perdu. Le CGD ayant diagnostiqué le mal, il est temps de mettre en œuvre des actions pour redresser la barre. Il ne reste qu’une question de volonté ! Et la situation urge, car il s’agit d’une affaire de gouvernance. Le CGD aura fait œuvre utile en indiquant la voie et en soulignant dans son enquête que « l’intérêt pour la politique est inégalement distribué dans la société. Or, sans cet intérêt, il y a peu de chance que les individus s’impliquent dans la gestion des affaires de la cité, ou même accomplissent leur devoir citoyen comme s’inscrire sur les listes électorales ou voter ».

Ali TRAORE (traore_ali2005@yahoo.fr)

Sidwaya

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