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BAD : Casimir Oyé-Mba, candidat de la zone francophone ?

Publié le mercredi 13 octobre 2004 à 07h58min

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Rien n’est encore officiel. Pas même officieux. Ce ne sont que des rumeurs. Insistantes. Mais il apparaît possible que le président Omar Bongo Ondimba présente la candidature de Casimir Oyé Mba au poste de gouverneur de la Banque africaine de développement (Bad). C’est dans le courant du mois de janvier 2005 que les candidatures devront être impérativement déposées auprès du secrétaire général.

Mais d’ores et déjà, au lendemain du 40ème anniversaire de l’entrée en vigueur (20 pays membres avaient souscrit 65 % du capital autorisé alors de 250 millions $) de l’accord signé à Khartoum, le 4 août 1963, entre 33 gouvernements africains, les spécialistes spéculent d’ores et déjà sur le nom du successeur du président Omar Kabbaj qui, bouclant son deuxième mandat de cinq ans, n’est pas rééligible.

La Bad est mal connue. Il est vrai que ses actions de communication se limitent, pour l’essentiel, à la presse magazine panafricaine. A ma connaissance, après 40 ans d’existence, il n’existe aucun ouvrage consacré à cette institution financière. Quelques thèses de doctorat et des mémoires de troisième cycle sans doute. Rien de plus. 40 ans, pour une institution panafricaine, ce n’est pourtant pas négligeable.

Et la Bad, malgré quelques aléas (dont le dernier en date avait trait, notamment, au transfert de son siège social d’Abidjan à Tunis, conséquence de la crise qui pertube la vie politique, économique et sociale de la Côte d’Ivoire, opération onéreuse mais mal nécessaire) assure sa contribution au développement économique et financier de l’ensemble du continent africain.

Jusqu’à présent, deux présidents seulement ont assumé deux mandats successifs à sa présidence. Le sénégalais Babacar Ndiaye (1985-1995) et le marocain Omar Kabbaj (1995-2005). Leurs prédécesseurs ont été moins chanceux qu’il s’agisse du soudanais Maamoun Beheiry (1964-1970), du tunisien Abdelwahad Labidi (1970-1976), du ghanéen Kwame Fordwor (1976-1979) ou du zambien Wila Mungomba (1980-1985).

A ce jour, parmi les candidats francophones officieusement "nominés" figure essentiellement le gabonais Casimir Oyé Mba. Qui présente l’avantage majeur d’être un banquier de formation et de profession (il a été gouverneur de la Beac) et d’avoir une expérience politique significative (ancien Premier ministre et plusieurs fois ministre) sans être, pour autant, un politique.

L’élégance sans austérité, la cordialité sans ostentation et le parler juste sans préciosité, Casimir Oyé Mba est né le 20 avril 1942 à Libreville. Licencié en droit (faculté de Rennes), diplômé du Centre d’études financières et bancaires de la Caisse centrale de coopération économique (CCCE) de Paris (devenue l’Agence française de développement), il est docteur en droit de la faculté de droit et des sciences économiques de Paris (1969).

Entré à la Banque centrale des Etats de l’Afrique équatoriale et du Cameroun (Bceaec) le 2 janvier 1968, il sera nommé, le 1er avril 1970, directeur de l’agence de Libreville. En juin 1973, à la suite de la réforme de la banque, il deviendra directeur national de la Beac (qui a été créée le 26 juin 1973) au Gabon. Directeur général adjoint au siège central, à Yaoundé, au Cameroun, en janvier 1977, il accèdera au poste de gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) l’année suivante, le 1er avril 1978, après un parcours sans faute. Il a alors 36 ans !

Casimir Oyé Mba sera le premier africain nommé au gouvernorat de la Banque centrale de l’Afrique centrale. Il va occuper ce poste pendant douze ans. Il sera le premier gouverneur de la Beac a s’installer dans les nouveaux (et luxueux) locaux du siège social, à Yaoundé, inaugurés dans la capitale camerounaise le 7 décembre 1998. Il Y avait là les six chefs d’Etat de la sous-région (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad).

Quelques
jours plus tard, à Dakar, le 22 décembre 1988, l’ivoirien Alassane Dramane Ouattara prêtait serment en tant que nouveau gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Le parallèle mérite d’être dressé.

Dans une conjoncture difficile, au lendemain de la Conférence nationale gabonaise concédée par le chef de l’Etat aux opposants gabonais, Casimir Oyé Mba va être nommé au poste de premier ministre le 27 avril 1990. Deux jours plus tard, il forme le premier gouvernement d’ouverture. Cette nomination intervient quelques jours après celle de Ouattara à la présidence d’une commission interministérielle chargée de redresser l’économie ivoirienne (quelques mois plus tard, Ouattara sera nommé Premier ministre).

C’est dire que les "banquiers centraux", novices en politique, sont jugés par deux des chefs d’Etat les plus qualifiés d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest, les seuls capables de remettre de l’ordre dans l’économie (et, du même coup, dans la vie politique) de deux pays majeurs de la zone francophone.

Oyé Mba va être premier ministre pendant les années de feu. 1990-1994. Il aura été le directeur de campagne de Omar Bongo pour la présidentielle du 5 décembre 1993. Ce n’est la tâche à laquelle il était le mieux préparé. Mais Bongo va l’emporter. La situation politique du Gabon est normalisée. La situation économique va l’être également avec la dévaluation du franc CF A.

Le 28 juin 1994, c’est Michel Roussin, alors ministre de la Coopération, qui a fait, au nom du chef de l’Etat français, Casimir Oyé Mba commandeur de la Légion d’honneur. Roussin affirmait alors : "Votre compétence vous a valu d’être reconduit trois fois à la tête du gouvernement et vous avez jeté les bases du Gabon moderne. Vous possédez la franchise et la lucidité qui sont des qualités rares pour aborder des sujets sensibles. Nous, Français, apprécions mieux que quiconque vos efforts pour établir des relations de vrai partenariat entre nos deux
pays et tendre vers l’intégration économique de l’Afrique".

Mission accomplie (les Accords de Paris ont été signés, en octobre 1994, avec l’opposition gabonaise), Casimir Oyé Mba quittera la primature du Gabon pour être nommé, le 3 novembre 1994, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération. Sous la tutelle directe de Bongo, il n’est pas l’homme le mieux placé pour cette fonction. Trop peu politique. Il porte de l’intérêt aux relations internationales mais n’est pas avec Bongo dans une "proximité" lui permettant de se satisfaire de cet "accompagnement" permanent du chef de l’Etat.

Le 7 avril 1997, il sera fait grand officier de l’ordre du Mérite par Michel Lunven, ambassadeur de France. Le 25 janvier 1999, il est nommé ministre d’Etat. ministre de la Planification, de la Programmation du développement et de l’Aménagement du territoire dans le gouvernement de Jean-François Ntoutoume Emane qui, en 1994, avait refusé de faire partie du sien. C’est sans doute pourquoi on ne l’a pas vu lors de la cérémonie officielle de mise en place des ministres qui est, il est vrai, au Gabon, particulièrement pesante.

Là encore, ce n’est pas un poste à sa mesure. Il lui faut de l’espace pour manoeuvrer ; une équipe de professionnels aptes à la manoeuvre. De nos longs entretiens au cours des quinze dernières années, j’ai retenu de lui un message politique. Il aime à répéter ce "mot" de De Gaulle : "Le pouvoir, c’est l’impuissance". Et une confidence : "C’était le bon temps" quand nous évoquions son gouvernorat de la Beac.

Depuis son départ de la primature, il y a près de dix ans, Casimir Oyé Mba est, en quelque sorte, au sein du gouvernement, en réserve de la République gabonaise et de l’Afrique. Il n’y perd pas son temps mais n’y exprime pas toutes ses potentialités humaines et professipnnelles. La présidence de la Bad serait pour lui l’opportunité de retrouver un poste à la mesure de ses compétences. Pour l’Afrique en général et l’Afrique francophone en particulier.

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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