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Editorial de Sidwaya :Entre paix et justice…

Publié le lundi 14 novembre 2011 à 02h10min

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La communauté des nations peut-elle toujours et partout obtenir à la fois toute la paix et toute la justice ? A cette grave interrogation, le président Blaise Compaoré a proposé ses vues à La Haye, aux Pays-Bas, le 9 novembre 2011, devant les instances d’une institution non moins grave : la Cour pénale internationale (CPI). Il se dégage du propos du Président Compaoré qu’il existe une approche burkinabè en matière de règlement des conflits, même si elle ne fait pas l’objet de tapages du fait de la modestie traditionnelle des Burkinabè. C’est donc le lieu de nous réjouir que cette approche ait fait l’objet de communication publique devant des personnalités du monde politique et judiciaire international. Une telle donne est sans conteste, selon des politistes, une bonne participation « made in Burkina », dans l’universel des quêtes de paix…

La paix et la justice ne sont pas toujours filles du même lit. Il arrive que la première s’approfondisse dans l’oubli de la seconde, et il n’est pas rare que l’exigence de la seconde envoie la première au gouffre. Pour un pragmatique devant l’Eternel comme feu Félix Houphouët- Boigny, les choses sont très claires : « Je préfère, dit-il, l’injustice au désordre. » Le choix opéré par le père de la Nation ivoirienne aurait été bienfaisant pour toute l’humanité, s’il n’avait pas ses revers. C’est pourquoi, sans doute, la CPI pourrait affirmer préférer la justice, quel qu’en soit le prix, à un ordre fallacieux. Entre la position de feu Félix Houphouët-Boigny et celle présumée de la CPI, il est comme un « sauve qui peut » son âme des mille périls qui jonchent notre chemin d’hommes et de femmes. La difficile conciliation entre les aspirations fondamentales à la paix, la quiétude et les exigences cruciales de justice et d’équité.

Dans le discours du président du Faso devant les hautes autorités de La Haye, point de mise en exergue personnelle. Les « je » sont très rares. L’Invité du jour s’efface et propulse au-devant de la scène, le Burkina Faso. C’est le « Pays des hommes intègres » qui s’exprime devant ces éminentes autorités pour « partager avec les autres pays ses vues sur le bien fondé de cette option pour la sauvegarde de la paix ».

Contre une certaine précipitation de la communauté internationale à organiser une justice punitive, le président du Faso fait plutôt valoir l’importance d’une « justice transitionnelle » ; celle qui œuvre, non pas à sauver la loi du talion – œil pour œil, dent pour dent – mais à préserver les liens sociaux que les guerres distendent ou brisent. Une telle justice demande d’avoir à l’esprit que les solutions des conflits sont à la fois politiques et judiciaires, elles ne sont ni politiques seulement, ni judiciaires seulement. Dans le cas du Darfour que le président cite pour illustrer cette idée fondamentale ou cette règle d’or des règlements des conflits, on remarque qu’avec la menace de la solution judiciaire contre le président Omar El-Bechir, la communauté internationale a perdu le bénéfice du gain politique. Ici comme ailleurs, l’excès nuit, et la précipitation demande l’impossible.

Formé sur le terrain des médiations que l’on ne cite plus, le Burkina, par la voix de son président propose, en les termes qui suivent, de mettre nos communs efforts de conciliation sur les rails d’une dynamique nouvelle : « Face aux difficultés réelles à concilier parfois avec harmonie les objectifs judiciaires à l’enracinement de la paix, il convient, en Afrique, de promouvoir des alternatives d’une justice reposant sur les valeurs traditionnelles de dialogue, de tolérance, de pardon et respectueuses des repentances et des volontés affichées de réconciliation. » Nous Burkinabè, nous devons être fiers que ce discours ait été conçu et rédigé sur notre terre...

Jean Jaurès écrit : « L’essentiel, c’est d’aller à l’idéal tout en comprenant le réel. » L’humanité justicière, parfois de manière idéaliste – il faut bien être idéaliste pour exiger la paix et la justice ici et maintenant et tout de suite – doit encore méditer sur le phénomène de la guerre avant de chercher à survaloriser ses « droits ». Avec l’éclairage de penseurs aguerris comme Edgar Morin et René Rémond, nous continuons à méditer cette fermentation mauvaise de l’humanité dans elle-même. Mais c’est pour aboutir à cette triste réalité que les ressorts de la guerre, enfouis en nous depuis toujours, nous échappent.

Collectivement, nous ne comprenons pas pourquoi nous faisons ce que nous haïssons au plus haut point. Nous ne comprenons pas non plus, ô sauf « les présumés biens introduits du monde », pourquoi plus notre conscience de la paix s’aiguise, plus les armes de la mort s’aiguisent elles aussi. L’humanité, même hyper scientifique, même fermement attachée à la justice, semble ne pas vouloir faire sienne ses ressources contre la guerre… C’est pourquoi les solutions préconisées pour la paix du monde doivent être empreintes de prudence, de sagesse et d’humilité.

Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 14 novembre 2011 à 08:15 En réponse à : Editorial de Sidwaya :Entre paix et justice…

    Ce discours qui privilégie la paix à la justice n’est pas nouveau ; il a toujours été tenu par ceux qui se sentent coupables de délits ou crimes graves. Il n’appartient pas au bourreau de dire à la victime les conditions de la réconciliation. Houphouët que vous citez avait bien tord : c’est l’injustice qui crée le désordre, et nous voyons bien les conséquences de la politique qu’il a menée dans son pays. Des rancœurs dues à l’injustice finissent par resurgir violemment. Préférer la paix à la justice, c’est remettre à plus tard l’explosion sociale car, le bourreau croit toujours que la victime oubliera

  • Le 15 novembre 2011 à 00:18, par NIKITA En réponse à : Editorial de Sidwaya :Entre paix et justice…

    NO COMMENT ! WHAT YOU ARE SAYING IS TRUE.

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