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Jocelyne VOKOUMA, anthropologue et chercheur à l’Institut des Sciences des Sociétés : « Le pouvoir intéresse tout le monde et de plus en plus les femmes »

Publié le vendredi 11 novembre 2011 à 15h26min

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Jocelyne VOKOUMA est anthropologue et chercheur à l’Institut des Sciences des Sociétés. Si l’intéressée semble loin des tribulations du monde politique partisan, elle a cependant occupé des postes au haut niveau de l’Administration que d’aucuns qualifient de « politiques » : S.G du ministère de la Promotion de la femme, Gouverneur de Région. Nous l’avons rencontrée pour recueillir son avis sur la question de l’implication des femmes en politique.

Quels sont les obstacles rencontrés par les femmes en allant dans ce domaine ?

Jocelyne VOKOUMA (J.V.) :

C’est un bon sujet et une très bonne chose d’en parler en ce temps précis avant les échéances électorales qui s’annoncent. C’est vrai que beaucoup de femmes espèrent une émergence dans ce domaine qui est traditionnellement réservé aux hommes ; eux qui n’étaient pas habitués à voir leur « sœurs » positionnées dans la sphère du pouvoir. Le pouvoir intéresse tout le monde et de plus en plus les femmes.
Quand on parle d’obstacle, cela s’entend chez les femmes comme tout ce qui les limite. D’abord c’est la tradition, le contexte socioculturel de la société, qui ne les favorise pas.

En effet, on voit mieux un homme qu’une femme au pouvoir. Donc celle-ci sort d’un cadre qui reste classiquement défini par la société pour aller vers un cadre qui lui est étranger et dans lequel elle n’a pas le droit de se faire prévaloir. C’est comme si vous sortez d’une cour pour aller dans une autre et il n’y a pas d’ouverture prévue ; il vous faut escalader le mur afin d’y parvenir. Mais pour l’homme, il y a une porte, ce qui favorise son passage. De façon caricaturale, la femme en politique, c’est à peu près ainsi sa situation.

Dans le contexte démocratique, la participation de la femme s’entend comme un besoin d’intégration à la vie publique comme tout citoyen. On doit faire confiance aux capacités des femmes quelles qu’elles soient, qu’on leur donne la chance d’apporter leur part de contribution à la construction de la Nation. C’est comme ça que je vois la chose.

Le commun des mortels a vu le caucus genre comme une facilité aux femmes alors que c’est pas le cas. Vous voyez, au moment où le principe était en processus de discussion, j’ai eu la chance d’effectuer une mission de formation aux Etats-Unis, et j’ai posé le problème en pleine formation. Ce jour, j’étais en présence de trois américaines (deux Blanches et une Noire) et j’ai expliqué l’esprit d’équité et de justice sociale qui sous-tend le contenu de cette loi. Du fait que le taux de femmes ne soit pas élevé à cause de la culture, la loi permet de rehausser un peu ce taux ; c’est donc une loi collective.

Quand on arrivera au stade où hommes et femmes sont à part égale, vous verrez que les gens ne vont plus s’en référer. C’est là qu’une des Blanches a déclaré qu’elles n’ont pas besoin de quota pour s’engager dans la politique, mais que si cette loi n’existait pas, sa collègue noire n’aurait pas eu sa position. C’est pour dire que la manière dont les gens ont vu le caucus genre n’est pas juste, la femme ayant toujours été défavorisée par rapport à l’homme dans un contexte d’engagement encore décisionnel, la loi vient réparer un tant soit peu ce fossé qui existe entre eux.

Il n’y a rien d’injuste, d’anticonstitutionnel, d’illégal à cela ; et ça permettra d’assurer une montée de femme dans cette sphère décisionnelle. Et comme la société n’est pas habituée à voir celles-ci s’impliquer autant, la loi va aider à opérer un changement de mentalité. Parce que même si la femme parvient à tirer son épingle du jeu, c’est un autre challenge encore de se faire accepter. Donc il faut juste comprendre la loi sur le caucus genre et voir son impact dans le futur.

La femme est une entrave en elle-même à sa promotion dans une certaine mesure ; mais je me dis que cela peut s’expliquer par le fait qu’elle ne perçoit pas très bien l’intérêt de s’engager ; tout cela relève encore de cette culture politique. Autant chez les hommes l’acceptation est relativement difficile, l’effet moderne n’est pas encore automatique chez les femmes. Quand elles comprendront, elles sauront comment faire parce que le progrès de l’application de cette loi incombe aussi aux femmes elles-mêmes. Elles doivent être dans le creuset de la mise en œuvre, et ça aussi c’est un autre défi que les femmes exploitent royalement. L’enjeu qui va maintenant se poser, c’est la position qu’elles occuperont sur une liste. La mise en œuvre d’un dispositif ne se fait pas du jour au lendemain donc les gens doivent rester indulgents.

Je voudrais encourager la dynamique de l’engagement des femmes en politique et les rassurer que le futur leur appartient ou appartiendra à nos filles. Pour cela, la loi qui est salutaire est encore la preuve de l’engagement de nos autorités. Ce que les hommes n’ont pas compris, c’est qu’on attend tout d’eux et il est temps aussi que nous sachions les accompagner à nous aider.

Laure KANTIONO(Stagiaire)
L’Opinion

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