LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

La mort de Pierre Mamboundou, opposant aux Bongo. Au nom du père et du fils ! (1/2)

Publié le vendredi 28 octobre 2011 à 11h30min

PARTAGER :                          

Intact ! In extremis. La crise cardiaque qui, dans la nuit du 15 au 16 octobre 2011, a terrassé Pierre Mamboundou, lui a évité d’entrer dans ce « corridor des tentations » où il avait, tout au long de sa vie, refusé de mettre un pied pour, finalement, accepter d’y entrer tout entier. Opposant à Omar Bongo puis à Ali Bongo, Mamboundou n’a donc pas achevé son existence en revêtant le costume de vice-président que la présidence venait de lui confectionner. Du « sur mesures ».

L’homme « qui dit non » allait dire oui à Ali à un poste honorifique qui n’honorait ni celui qui le proposait - mais avait politiquement raison de le faire - ni celui qui l’aurait accepté alors qu’il n’avait cessé de proclamer qu’il le refuserait. Mamboundou, marqué par l’âge et affaibli par la maladie, s’en est allé avant de totalement sombrer.

Mamboundou avait été propulsé sur la scène politique lors de la présidentielle du 6 décembre 1998. Bongo sera élu dès le premier tour mais « Grand Pierrot » deviendra la figure de proue de l’opposition « réelle », parvenant à se hisser en deuxième position avec 16,5 % des suffrages devant les têtes d’affiche (Paul Mba Abessole, Pierre-Claver Maganga Moussavou, Pierre-André Kombila…). Mamboundou n’était déjà plus un jeune homme.

Né le 6 novembre 1946, en pays punu, à Ndendé, dans le Sud du Gabon (à une dizaine de kilomètres de la frontière avec le Congo), c’était un physicien de formation, professeur de sciences, ingénieur des télécommunications, qui fera carrière, en France, au sein de l’ACCT, ancêtre de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). C’est France, où il travaillait alors et où il avait fait ses études, qu’il créera, le 14 juillet 1989 (jour du bicentenaire de la Révolution française !) l’Union du peuple gabonais (UPG) alors que le Gabon vivait encore sous le règne du parti unique. C’était un symbole ; rien d’autre qu’un symbole.

On le décrivait alors comme « un boutefeu politique, un dandy révolté, prompt à l’agit-prop et volontiers frondeur ». De quoi agacer Bongo. Qui lancera une campagne de presse contre le trublion et le fera condamner par contumace à dix ans de prison pour tentative de coup de force contre le régime. Mamboundou séjournera alors à Dakar jusqu’en novembre 1993. Le Sénégal conviendra à merveille à cet homme qui aimait l’élégance ostentatoire et le débat « intellectuel » ; il s’y liera d’amitié avec le journaliste Bara Diouf, alors patron du quotidien gouvernemental Le Soleil.

Dans son modeste QG d’Akébé-Ville, à Libreville, derrière le complexe omnisport Omar Bongo, trônaient les portraits de ses héros. Son oncle, dont il disait qu’il était mort en prison au début des années 1990, et Nelson Mandela, tout juste sorti des geôles de l’apartheid. Revenu au Gabon fin 1993, il sera élu député-maire de Ndendé et va présider le groupe des Forces démocratiques unies (FDU). C’est le début d’une longue lutte politique contre le pouvoir en place caractérisée par la tonitruance des propos du député UPG (ils ne sont alors que deux à l’Assemblée nationale tandis qu’un UPGiste siège au Sénat), adepte d’une guérilla parlementaire qui ne débouchera pas, cependant, sur des actions politiques concrètes.

Même au cours de la décennie 1990, il était vain de croire que les « institutions » de la République pouvaient être autre chose que des hochets pour députés et sénateurs.
Interdit de compétition présidentielle en 1993 (la première présidentielle pluraliste) pour cause de condamnation, il prendra sa revanche en 1999. Avec un argument simple : « Bongo est nul » (entretien avec Tshitenge Lubabu - L’Autre Afrique du 18 novembre 1998). Une machine électorale : le Haut conseil de la résistance (HCR), regroupant dix formations politiques dont l’UPG. Et une certitude : il sera élu dès le premier tour, n’envisageant même pas que Bongo puisse être qualifié pour un éventuel deuxième tour. Ce sera l’inverse (cf. supra).

Ayant perdu mais étant reconnu comme « un des ténors de l’opposition », Mamboundou va s’inscrire dans un schéma électoraliste, multipliant les propositions de réformes de l’organisation des scrutins (suppression du vote par procuration, dactyloscopie, bulletin unique, etc.), convaincu qu’il est que Bongo l’emporte uniquement par la fraude. Refusant ce qu’il appellera « une opposition-collaboration », son argumentaire s’articulera autour de la réduction des effectifs de la bureaucratie étatique (présidence, primature, gouvernement, sénat…).

Il veut être, dira-t-il, « un opposant qui dit les choses comme elles doivent être dites, dans le respect des autres, mais sans complaisance ». « Dire les choses telles qu’elles doivent être dites » sera l’obsession de cet homme qui aime à être procédurier. Sauf, bien sûr, que les institutions de la République gabonaise au tournant du siècle ne sont pas celles de la Révolution française au début de la décennie 1790 ; et qu’au-delà des mots pour dénoncer les maux, il faut aussi, passer à l’action et à l’organisation.

Mais pour ce faire, Mamboundou, comme beaucoup d’autres, appellera à la rescousse « la communauté internationale ». « Il faut surtout constater une démission de l’opinion internationale, je le dis haut et fort. J’ai moi-même interpellé l’Union européenne, j’ai écrit personnellement à Jacques Chirac, Dominique de Villepin, José Manuel Barroso ou Tony Blair pour que la fraude que j’évoquais en avance puisse être réglée en amont, avant que nous allions aux élections ».

Candidat à la présidentielle du 27 novembre 2005 (désormais à un seul tour), Mamboundou terminera une fois encore en deuxième position avec 13,57 % des voix. Il contestera le résultat estimant avoir été élu avec 52,33 % des suffrages contre 31,66 % pour Bongo. « Son investiture, dira-t-il, est un épiphénomène, le Gabon ne possède pas encore de chef d’Etat ». « On nous a volés en 2005 comme en 1998 » (entretien avec Samy Ghorbal - Jeune Afrique du 30 juillet 2006).

Au lendemain de cette présidentielle, le 21 mars 2006, le QG de l’UPG, à Awendjé (au Sud de Libreville), sera saccagé après une « perquisition musclée » ; Mamboundou devra se réfugier à l’ambassade d’Afrique du Sud pendant plusieurs semaines (l’ambassadeur de France aurait refusé de l’accueillir) après avoir été « exfiltré » par le conseiller militaire de l‘ambassade des Etats-Unis. Avant d’être reçu au Palais du bord de mer, le 19 avril 2006, par Bongo. Une audience à sa demande afin de relancer l’activité de son parti, dans le collimateur du pouvoir. « Rencontrer Omar Bongo, ce n’était pas faire allégeance », dira-t-il à Samy Ghorbal (cf. supra).

Tête à tête de 1 heure 57 minutes commentera Mamboundou, suivi d’une discussion élargie aux collaborateurs des deux hommes (Premier ministre, ministre d’Etat chargé de l’Intérieur et de la Sécurité, ministre de la Communication notamment du côté de Bongo) « pour faire en sorte que les lendemains électoraux ne soient plus tumultueux » et définir le principe d’une indemnisation financière pour le préjudice subi par l’UPG et son président.

Aux législatives du 17 décembre 2006, le PDG décroche une large majorité ; l’UPG obtient 8 sièges de députés. Et revendique, du même coup, être la deuxième force politique du pays ! Ce qui, bien sûr, n’a aucune signification. Mais depuis « l’affaire du 19 avril 2006 », autrement dit la rencontre entre Bongo et Mamboundou, la donne a changé. Bongo n’est pas un débutant en matière de négociation avec « l’opposition ». Mamboundou a obtenu une suite au 5ème étage de l’hôtel Méridien Ré-Ndama. « J’y vais de temps en temps », dit-il. La question est dès lors posée de savoir jusqu’où Mamboundou a été instrumentalisé par Bongo pour semer un peu de pagaille, comme aime à le faire le chef de l’Etat, dans son propre entourage présidentiel.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique