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Présidentielle 2012 en France. : François Hollande, candidat du Parti socialiste. Cinq ans après son ex-compagne !

Publié le vendredi 21 octobre 2011 à 10h58min

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Etonnante configuration électorale française. Après avoir affronté, en 2007, Ségolène Royal et l’avoir battue, Nicolas Sarkozy, s’il est candidat à sa succession en 2012, affrontera son ex-compagnon, le père de ses quatre enfants : François Hollande. Et s’il le bat, il y aura quelque chose de jubilatoire d’avoir, en deux présidentielles, défait le Royal-Hollande. En 2007, il fallait être naïf pour penser que la victoire de Ségolène Royal aux primaires (limitées alors aux seuls militants du PS) n’était pas, aussi, la sienne ; et qu’elle ne devait rien aux apparatchiks du parti. C’était la victoire du Royal-Hollande.

Et je n’étais pas loin de penser (cf. LDD Spécial Week-End 0255/Samedi 18-dimanche 19 novembre 2006) que, dans cette affaire, Royal était instrumentalisée par Hollande (et vice-versa) qui, depuis longtemps, avait compris qu’il ne suffit pas d’avoir une tête bien pleine, il faut avoir aussi la tête de l’emploi. Hollande a su, dès son entrée à l’ENA, que ce n’était pas avec son physique façon « Un certain Monsieur Blot » (au mieux transparent comme dans le livre de Pierre Daninos ; au pire, caricaturé à la manière des « Guignols de l’info ») et un cursus (lycée Pasteur à Neuilly-sur-Seine, Sciences-Po, HEC, ENA) en conformité avec ses origines familiales (bourgeoisie normande adepte d’une « droite dure ») que l’on peut faire une carrière politique. N’ayant pas la tête de l’emploi, Hollande en avait cherché une autre ; il l’avait trouvée à la maison : Ségolène Royal. Mêmes origines sociales, mêmes frustrations sociales (mais pour des causes différentes). Ils étaient fait pour s’entendre et faire des enfants. Et des campagnes présidentielles. Ce qu’ils ont fait.

Hollande est un accroc du boulot. En politique. Il n’a jamais rien fait d’autre (idem pour Royal) et même en politique, il n’avait pas fait grand-chose jusqu’à présent. Député-maire de province sans gloire ; premier secrétaire du PS largement contesté, tout particulièrement en interne. Mais il a appris à labourer le terrain politique et social sans jamais se lasser (« Pour être aimé, il faut avoir souffert. Les cicatrices, les coups, le fait que rien ne vous a été donné, les gens l’apprécient »). De ses frustrations et de ses humiliations, il a fait des armes (à commencer par son physique qu’il a mis, sérieusement, au régime). Il a su séduire, dès l’ENA, Ségolène Royal ; il savait, d’emblée, que ce serait un atout. Il va faire de ce compagnonnage l’outil de la conquête du pouvoir. En duo.

Car c’est le duo qui attire l’œil (François et Danièle, Jacques et Bernadette, Nicolas et Cécilia puis Nicolas et Carla, Dominique et Anne, Arnaud et Audrey, etc.). Le premier (bon) coup d’œil sera celui de Jacques Attali qui ratisse large, en 1981, pour le compte de son patron, François Mitterrand. Attali est un électron libre, pas plus socialiste que son patron, mais qui a tout autant d’ambitions. Il sait quels sont les atouts du Royal-Hollande. Elle accroche l’œil (et Mitterrand voyait très clair en la matière !) tandis que Hollande bosse, bosse, et bosse encore. Elle entre au gouvernement ; il reste sur la touche. Normal ; il est l’homme stable et équilibré, intellectuellement sûr, sur lequel elle peut compter (bien loin de l’image de son propre père avec lequel elle a un sérieux contentieux). Lui, pendant ce temps, règle ses comptes politiques et sociaux via une compagne dont les succès politiques et médiatiques le crédibilisent.

L’arrivée sur le devant de la scène de Lionel Jospin va changer la donne. Ce n’est pas le même univers politique. Les années Jospin ne seront pas les meilleures pour le Royal-Hollande ; ils sont dans l’ombre du Premier ministre, ce qui convient à Hollande, toujours le « brillant exécutant d’un autre », mais pas à Royal qui n’a rien d’une figurante, ni d’une éminence grise. Cela va durer jusqu’au 21 avril 2002. Le PS chute au premier tour. La faute à Jospin. Hollande sait dès lors que la scène lui appartient. Pas pour un one man show mais pour un numéro de duettistes. Il dirige le PS ; elle s’affirme comme une star locale en étant réélue à l’Assemblée nationale en 2002 (quand les socialistes vont mordre la poussière) et en prenant en 2004 la présidence de la région Poitou-Charentes (seule femme présidente de région), fief du premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

En se retirant de la scène politique, au lendemain du 21 avril 2002, Jospin va laisser le champ libre au Royal-Hollande. Mais personne, au PS, ne veut en prendre conscience. Qui pourrait craindre l’inconsistant Hollande ? Le Monde, daté du 13 juillet 2002, qui titrait une pleine page, « François Hollande, l’orphelin », écrira : « Depuis la défaite du 21 avril, François Hollande hésite. Sera-t-il le « secrétaire administratif » du PS, ou s’imposera-t-il dans la cour des grands, quitte à se préparer à la course à l’Elysée ? ». La réponse tombera près de trois ans plus tard. Un sondage réalisé les 11 et 12 mars 2005 pour le compte du quotidien Le Figaro (18 mars 2005) placera Jack Lang, Dominique Strauss-Kahn, Lionel Jospin en tête des présidentiables de la gauche. Hollande n’arrivait qu’en quatrième position devant Laurent Fabius. 62 % des sondés estimaient que Hollande « ne ferait pas un bon président ».

Le quotidien de droite soulignait cependant que le bilan politique de Hollande était bon. « Il a gagné le congrès du PS à Dijon en 2003, gagné les élections régionales et européennes en 2004, emporté le référendum interne sur la Constitution européenne en décembre… ». Au début du printemps 2005, personne n’évoquait une candidature Ségolène Royal (IPSOS ne l’a installée dans ses baromètres politiques - mais pas présidentiels - qu’à l’issue de son élection à la présidence de la région Poitou-Charentes en 2004). Mais pour Hollande, si ce n’est pas lui ce sera elle. A condition de liquider Lang, DSK, Fabius... Que Royal va fustiger comme les « éléphants » du PS. Autrement dit des dinosaures. Ils seront rapidement hors course. Royal peut raconter n’importe quoi, ce qu’elle dit est en adéquation avec l’opinion publique nationale ; même ce qu’elle ne dit pas pèse bien plus lourd que ce que disent les « éléphants ».

Mais Ségolène n’aurait pas conquis la scène politique française si Hollande n’avait pas, comme à son habitude, fait tout le boulot derrière. Il jouera avec maestria le rôle du « dindon de la farce », adoptant un profil bas qui lui permet, dans le même temps, de mettre en branle l’appareil du PS au profit de celle qui était encore sa compagne. Il savait que pour l’emporter, il fallait jouer sur la forme et sur le fond. La forme, c’était simple : Ségolène, jolie femme souriante qui propose des choses simples : l’assouplissement des 35 heures, la remise en question de la carte scolaire, la généralisation des centres fermés pour les jeunes délinquants, le contrôle des politiques par des jurys populaires, etc.

Le fond résultait de la forme : Ségolène était la seule qui pouvait faire gagner la gauche en 2007. Hollande va faire marteler le message dans les fédérations ; message relayé par les nouveaux adhérents (ceux que l’on appelait les « 20 euros »), ceux qui, au lendemain du 21 avril 2002, avaient appelé à voter massivement Jacques Chirac au second tour au nom d’une gauche qu’ils avaient fait perdre au premier tour.

Médiatisation, mobilisation de l’opinion publique, organisation de primaires, re-médiatisation. Pour le PS, l’enjeu était simple : Ségolène ou le K.O. Hollande gagnera son pari. Les « francs-tireurs » du PS, qui avaient des comptes à régler avec les « éléphants » (à commencer par Arnaud Montebourg - cf. LDD France 0244 à 0246/Mardi 22 à jeudi 24 août 2006) vont jouer le jeu du Royal-Hollande, bientôt suivis par tous les apparatchiks qui se disent que l’espérance de gagner avec le Royal-Hollande vaut mieux que la certitude de perdre en sauvegardant des convictions mal arrimées au PS depuis les années Mitterrand.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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