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Reconstruction de la Côte d’Ivoire : Bouaké à l’heure des défis

Publié le vendredi 28 octobre 2011 à 01h33min

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Bouaké, fief des ex-rebelles, est en pleine reconstruction, à l’image du pays, dévasté par une décennie de guerre. En vue de constater les changements qui s’opèrent sur le terrain et les éventuelles difficultés, nous y avons fait un séjour du 9 au 11 octobre 2011. Reportage en terre baoulé.

Plate-forme économique grâce à sa position géographique, Bouaké, ville de plus d’un million d’habitants, revient de loin. De très loin. Tombée aux mains des rebelles, après l’insurrection armée du 19 septembre 2002, la capitale du pays baoulé a subi les séquelles de la guerre et en garde encore les stigmates. Les bâtiments administratifs détruits, les véhicules de guerre abandonnés par les rebelles et les impacts de balles constatés par ci et là, pour ne citer que ces réalités, rappellent bien de douloureux souvenirs, dans la mémoire collective des Bouakéens. Marquée profondément par la guerre, Bouaké présente, ces temps-ci, un nouveau visage, et ce, depuis l’arrestation de l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo et l’installation au pouvoir du président élu, Alassane Dramane Ouattara (ADO), suite à la récente crise postélectorale.

La plupart des habitants qui avaient fui la guerre, sont de retour. Les boutiques, les banques, les stations-service, les librairies, et autres commerces ont rouvert leurs portes, au bonheur de tous. L’activité économique, note-t-on, a repris. Bouaké grouille de monde comme ce n’était pas permis au temps fort de la crise sociopolitique. Mieux, l’administration est en train de reprendre sa place, avec à la clé, la réouverture de nombreux services et le retour des services de police, de gendarmerie et de douane. Un préfet de police, des commissaires, des éléments de la gendarmerie et de la douane, a-t-on appris sur place, ont été affectés à Bouaké. « Nous attendons les moyens matériels conséquents pour être opérationnels », a dit un auxiliaire de police qui a requis l’anonymat.

Des habitants contents du retour à la paix

Ce retour à la normale n’est pas pour déplaire aux habitants de la ville qui, dans leur grande majorité, préfèrent oublier tous ces moments « difficiles » pour se concentrer sur l’avenir. Déplorant encore ce qui est arrivé, Issa Sanogo, commerçant burkinabè installé à Bouaké, se réjouit du retour de la paix dans son pays d’accueil. « Je suis content de voir que la paix est revenue. Du temps de la crise, la ville s’était vidée à telle enseigne qu’on ne pouvait pas vendre. Tout le monde avait peur », confie-t-il, l’air décontracté. Maintenant, relève-t-il, l’activité économique a redémarré et il espère que c’est pour de bon. Marie Sékongo, gérante de librairie, n’est pas moins contente de goûter à la paix.

« La guerre est finie et la vie reprend à Bouaké. Beaucoup de lieux de commerces ont rouvert et c’est bien. La ville est en train de changer et c’est tout à notre bonheur », lâche-t-elle, tout sourire. Tout aussi heureux, un gérant d’hôtel qui a requis l’anonymat n’attendait que la paix, car il a personnellement de mauvais souvenirs de la guerre. « Une nuit, un rebelle a bu dans un maquis en face de mon hôtel et s’y est invité après coup pour pisser. Je lui ai signifié qu’il n’avait pas le droit de le faire et il m’a donné un violent coup de poing », se rappelle, amer, cet habitant qui a une cicatrice de l’agression à l’œil droit. Il raconte aussi, que dans le temps, des rebelles venaient dormir à son hôtel, sans crier gare ni payer leurs notes. Mais qu’à cela ne tienne, le gérant dit se sentir « heureux » et « tranquille » de nos jours. La joie du retour à la paix est aussi partagée par le chargé de communication de la mairie de Bouaké, Mamadou Fanny et le consul général du Burkina Faso à Bouaké, Mahama Savadogo.

De nombreux défis à relever

Tous deux trouvent que le changement qui est en train de s’opérer à Bouaké est « formidable ». Lunettes classe et costume sombre, le diplomate burkinabè se veut même anecdotique, comme pour montrer que les temps ont vraiment changé. « Avant, l’on pouvait rouler à 80 Km/heure dans la ville, sans craindre de cogner quelqu’un, tellement Bouaké s’était vidée. Maintenant, c’est tout autre chose. La ville est tellement remplie de monde qu’on s’en étonne. Même nos compatriotes burkinabè qui avaient fui la guerre sont de retour », raconte-t-il.

L’insalubrité est la première chose qui frappe le visiteur. Les tas d’immondices, les eaux sales stagnantes et les odeurs nauséabondes marquent le quotidien des habitants, aussi bien en plein centre-ville que dans les quartiers. « La ville est sale et c’est désagréable. C’est la guerre qui n’a pas permis d’assainir la ville. On espère que ça ira bientôt », opine Armel Koffi, un élève de la classe de seconde. A propos de l’insalubrité, le chargé de communication de la mairie a répondu que la municipalité procède souvent à l’enlèvement des ordures avec les moyens de bord, en attendant mieux. Autre problème, l’occupation illégale des trottoirs par les commerçants, dans un contexte où les services de police ne sont pas encore bien équipés pour mettre de l’ordre. A ce sujet, le chargé de communication affirme : « Dans l’optique de dégager les voies publiques, le maire a eu des concertations avec les commerçants, en vue de leur éventuel recasement sur d’autres sites. Les intéressés sont donc prévenus de ce qui les attend ». Cette action de la municipalité, soutient-il, s’inscrit dans le cadre d’une opération d’assainissement des voies publiques, conduite par la ministre de la Salubrité publique, Anne Désirée Ouloto. D’ailleurs, l’on annonce dans la presse ivoirienne que cette « dame de fer », aux yeux de bon nombre d’Ivoiriens, va bientôt débarquer avec des « bulldozers » à Bouaké, pour faire le ménage.

Le chargé de communication est conscient des problèmes liés à la gestion de la cité, mais attire l’attention sur le fait que la guerre n’a pas laissé le temps au travail. « Ce n’est qu’en 2008 que les rebelles ont cédé la mairie et pas totalement, car certaines choses se faisaient toujours selon leur volonté. A l’heure actuelle, nous sommes confrontés à un problème de mobilisation des ressources financières et comptons travailler pour en sortir, surtout avec la normalisation de la situation », souligne-t-il. Pour ce faire, dit-il, la mairie de Bouaké s’est dotée d’un plan triennal couvrant la période 2011-2013, et à la faveur duquel beaucoup de réalisations seront faites pour développer la ville. Une autre réalité qui ne passe pas inaperçue, ce sont les difficultés de fonctionnement de la justice, un secteur-clé dans un Etat de droit. Au Tribunal de grande instance de Bouaké, indique un magistrat, sous le sceau de l’anonymat, les activités sont plutôt orientées vers l’établissement des actes administratifs (casier judiciaire, certificat de nationalité…).

« On n’a des difficultés pour poser des actes de police judiciaire, étant donné que la force publique n’est pas encore opérationnelle. Pour l’instant, nous recevons des plaintes en matière pénale et procédons à des conciliations, circonstance oblige », relate l’homme de droit. Aussi a-t-il ajouté que des audiences civiles sont tenues, non sans difficultés, dans la mesure où l’exécution des décisions peut poser problème, s’il faut user de la force publique. Perceptibles sur les murs et l’écriteau de la prison, les impacts de balles ravivent les souvenirs du patron des lieux qui n’est pas près d’oublier les attaques auxquelles ils ont fait face pendant les heures chaudes. Les détenus (certains ont bonne mine), de l’avis du régisseur, sont nourris jusqu’à présent grâce aux bons soins d’un chef rebelle. Pour ce qui est du respect de leurs droits, dit-il, les associations des droits de l’homme veillent au grain, en fréquentant régulièrement la prison. « Nous ne connaissons rien à la gestion de la prison et nous attendons la normalisation totale de la situation pour la céder à qui de droit. Nous la gérons, en attendant d’en savoir plus sur notre intégration dans les rangs de l’armée, sinon on ne perçoit rien.

C’est du bénévolat », explique le régisseur, l’air perplexe. Cet ex-rebelle et ses camarades sont inquiets à l’idée de savoir s’ils seront intégrés dans les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et jouir des droits y afférents. Après tout, disent-ils, « nous nous sommes sacrifiés pour ce pays ».

Kader Patrick KARANTAO (stkaderonline@yahoo.fr)


Du racket diplomatique

Quand on se rend actuellement à Bouaké par la route, on constate avec plaisir que le trafic routier est devenu fluide par rapport au temps fort de la crise. Ce n’est malheureusement pas le cas avec le racket qui n’a pas encore cessé. Il a seulement pris un autre visage. Des ex-rebelles, devenus formellement des éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), en attendant la régularisation de leur situation, sont encore présents sur l’axe routier. Ils gèrent encore des barrages et à chaque passage de voyageurs, ils exigent de montrer patte blanche, non sans vous exposer leurs misères. Et après vous avoir expliqué qu’ils peinent à se nourrir car n’étant pas encore salariés, ils attendent de vous un geste. Si vous ne le faites pas, ils vous demandent gentiment de l’argent, sans vous contraindre à leur en donner.

K.P.K


Tronçon Ouangolo-Ferkéssédougou : un parcours du combattant

Long d’environ 50 kilomètres, le tronçon Ouangolo-Ferkéssédougou est en piteux état. Le bitume est fortement dégradé, avec des nids de poule partout. Et par endroits, le goudron est complètement décapé, qu’on se demande si cette voie a déjà été bitumée. Cette situation n’est pas sans conséquences pour les nombreux usagers de la route qui, en plus de perdre du temps, sont vulnérables aux accidents, à force d’éviter les trous. A notre passage, l’on a vu des camions chargés de marchandises renversés sur la voie, à cause du mauvais état de la voie, surtout avec les pluies de ces derniers temps. Les autorités ivoiriennes gagneraient à songer à ce tronçon, à cette période de reconstruction du pays.

K.P.K


Burkinabè de Bouaké : le consul général à la tâche

Nommé en juillet 2010, le consul général du Burkina Faso, Mahama Savadogo, s’est installé, dans un contexte difficile, étant donné que la Côte d’Ivoire cherchait toujours à sortir de la crise sociopolitique qui la minait jusqu’à une date récente. Mais qu’à cela ne tienne, ce diplomate de carrière a tenu bon jusqu’à ce que son pays d’accueil retrouve la paix. A présent que tout est rentré dans l’ordre et que le calme est revenu, il compte aller à la rencontre de ses compatriotes, histoire de mieux les connaître. N’ayant pas une idée exacte de leur nombre, le consul soutient cependant que la plupart des Burkinabè de Bouaké évoluent dans le commerce et les plantations. Toutefois, il regrette que bon nombre d’entre eux soient empêtrés dans des conflits fonciers avec les autochtones. « J’ai en projet d’approcher les autorités ivoiriennes pour qu’on trouve une solution appropriée à ce problème », a-t-il confié. Aussi envisage-t-il organiser de grands événements tel le 8-Mars, en 2012, dans sa juridiction, après la célébration, en grande pompe et en différé du jubilé d’or de l’indépendance du Burkina à Bouaké, le 1er octobre dernier.

K.P.K

Sidwaya

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