LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

CAMPAGNE AGRICOLE 2011-2012 : Le Fou réclame sa ration alimentaire

Publié le vendredi 28 octobre 2011 à 01h34min

PARTAGER :                          

« Ka neeré yé ! (1). On va rentrer où cette année ? Mon fils, il faut te préparer à nous envoyer du mil d’ici à novembre… ». Et je me suis réveillé en sursaut. Ces paroles résonnaient encore dans ma tête. Je revoyais dans mon rêve mon oncle se promenant dans son champ de mil rouge, attrapant nerveusement les rares épis et secouant tristement la tête. Ainsi donc, mon oncle qui est un grand travailleur risque de connaître la honte cette année. Pas de temps à perdre. J’ai décidé de lui passer un coup de fil pour en avoir le cœur net. Ce qu’il m’a dit m’a assommé.

La veille, il avait laissé paître ses animaux dans son champ de petit mil pour les engraisser un peu et parce qu’il n’en espérait plus rien. Depuis que je suis né, je n’avais jamais entendu ça. Il m’a dit que cette année, la pluie était rare comme le caca du lion. Pire, depuis que le gouvernement a prévenu les gens qu’il y avait des risques d’inondation en pleine saison, le ciel n’a plus ouvert ses vannes. Et ça, je sais d’où ça vient. Je leur ai toujours dit qu’ils savent arrêter la pluie mais ils ignorent comment la faire venir pour sauver la situation. Eux qui me traitaient de fou, que peuvent-ils me répondre aujourd’hui ?

« L’homme ne vit pas seulement de pain », dit l’Evangile. Mais moi, je vais m’empresser d’aller réclamer au Premier ministre ma part de ration alimentaire (du maïs) pour le tô délayé que j’adore surtout le soir. Vous savez pourquoi ? C’est lui qui se promenait dans les champs des paysans dans l’Ouest et au Sahel. Et à la télévision, ils ont montré de belles images de champs au stade d’épiaison. Je crois même qu’il avait déclaré que la saison était prometteuse. Je vois. Il est certainement allé dans les régions excédentaires où il y aura à boire et à manger.

Peut-être qu’il a rendu visite aux paysans qui ont adopté les semences améliorées avec des variétés de 70 jours ou moins. Mais, de tout cela, mon oncle n’est pas au courant ; c’est vrai qu’il a des charrues mais il est allé s’installer loin dans la brousse que les kob-naaba (2) ne l’ont jamais approché pour l’aider. Au moins, une chose est sûre : dans le village de mon oncle, ils n’organiseront pas beaucoup de funérailles et de mariages pompeux cette année à cause des mauvaises récoltes qu’ils attendent. Mais son petit frère, qui est installé dans le Sud-Ouest ne va pas manquer d’en parler puisque ses greniers seront pleins à craquer. Seulement, il ne pourra pas aider son grand-frère. Qui donc viendra au secours de mon oncle ? Je crois que le gouvernement ne doit pas attendre la période des vaches maigres pour réagir.

Il faut qu’il ouvre rapidement des magasins pour vendre les céréales à prix social. Mais attention ! Le Premier ministre doit être rigoureux pour que des responsables administratifs dans les départements ne détournent les vivres pour les vendre à des commerçants. Eh oui, il y a toujours des individus aux mains aimantées et aux yeux gluants qui n’ont pas pitié de leurs frères quand ils cherchent l’argent. D’ailleurs, une idée me vient en tête. Dès la fin du mois, je vais aller m’installer au village de mon oncle et le soutenir quand la vente des céréales va commencer. Je vais profiter conseiller son fils (qui a refusé l’école et qui aime s’enfermer dans les trous d’orpaillage) de pratiquer les cultures de contre-saison comme l’oignon, la tomate, les choux…

Le Fou

(1) : en langue nationale mooré, ce n’est pas bon (2) : en langue nationale mooré, les encadreurs agricoles

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Le Dioula : Langue et ethnie ?
Sénégal / Diomaye Faye président ! : La nouvelle espérance
Burkina : De la maîtrise des dépenses énergétiques des Etats
Burkina Faso : Combien y a-t-il de langues ?