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LIBYE : Kadhafi, le justiciable

Publié le vendredi 28 octobre 2011 à 01h32min

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La famille de Kadhafi menace de se plaindre auprès de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. Les survivants du clan du défunt Guide libyen entendent poursuivre l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et le Conseil national de transition (CNT) pour "crime de guerre". Selon l’avocat français des Kadhafi, Marcel Ceccaldi, « ce sont des hélicoptères de l’OTAN qui ont tiré sur le convoi » dans lequel se trouvait Mouammar Kadhafi. Il soutient que « ce convoi ne présentait aucun risque pour les populations. C’est donc une opération homicide programmée par l’OTAN ».

Il y a tout un flou et des controverses à propos de cette mort du colonel Kadhafi. Le CNT et l’OTAN semblent avoir négligé de prendre les dispositions élémentaires pour le protéger. En effet, nul n’ignorait qu’en dehors des bombardements, le Guide pouvait se faire tuer par une foule hostile. Les Occidentaux, les premiers, n’en sortent pas les mains propres. D’autant qu’à plusieurs reprises, ils avaient cherché ouvertement à abattre le Guide chez lui, dans sa résidence. De là à croire qu’ils en savaient des choses et ont laissé courir le risque de le voir tué par d’autres à leur place, le pas est vite franchi.

Les moyens technologiques disponibles avaient certainement permis de localiser et identifier Kadhafi en fuite. Pourquoi n’avoir rien fait pour le garder en vie, sachant qu’il pouvait avoir été effectivement cerné ? Les informations dont disposait l’OTAN ont tout de même pu situer sur la réalité du terrain et l’issue probable des événements. Des forces spéciales étant sur place, pourquoi donc n’avoir pas cherché à protéger le Guide ou à l’exfiltrer comme ailleurs ? Quand l’Occident veut, il peut. Manifestement, quelqu’un, quelque part, n’avait aucun intérêt à voir Kadhafi sortir vivant de cette fournaise. Peut-être certains craignaient-ils pour leurs affaires ou leur carrière politique.

Longtemps encore, on épiloguera sur les circonstances de la mort du dirigeant libyen et de la rétention des informations relatives à l’autopsie qui s’en est suivie. Cacherait-on quelque chose ? Qui a vraiment tiré et où exactement ? Dans la cachette ou en dehors ? Dans quels intérêts a-t-on abattu aussi vite Kadhafi ? Des partisans du Guide auraient-ils voulu lui éviter l’opprobre de se retrouver entre les mains des Occidentaux ou d’autres ennemis ? Faut-il croire en cette autre version selon laquelle une foule d’excités lui aurait réglé les comptes ?

La mort suspecte de Kadhafi ne doit pas faire l’affaire du CNT qui a bien d’autres chats à fouetter en ce moment. Qui sait si, en son sein, le débat n’a-t-il pas divisé les membres de l’organisation ? Celle-ci risque fort aujourd’hui de se voir marginalisée si elle gère mal ce dossier. D’autant que, jour après jour, on découvre des charniers dont le régime Kadhafi ne serait pas seul responsable. En dépit de leurs gesticulations, les nouveaux hommes forts de la Libye auront bien du mal à brandir l’étendard de l’innocence dans la mort du « roi des rois africains ». Ceci pour avoir suivi l’exemple des Occidentaux en offrant des millions de dollars américains à qui leur offrira Kadhafi « mort ou vif » ! Le CNT reste donc parmi les premiers indexés pour avoir mis la tête du colonel à prix. A présent, que peut-il bien faire après avoir accepté de subir le diktat des Occidentaux durant ces mois si troubles ? Se montrera-t-il capable de défendre effectivement les intérêts du peuple libyen si jaloux de son indépendance ? Kadhafi, lui au moins, a su le faire et tenir tête aux Occidentaux durant son long règne sans partage. Et pour beaucoup, son assassinat semble avoir bien été planifié. Comme d’habitude !

Certes, le clan Kadhafi a perdu le pouvoir ; mais selon toute vraisemblance, à Tripoli, les fondements de la république sont en danger. Des questions sérieuses se posent avec ce pouvoir du CNT traversé par toutes sortes de courants. Saura-t-il préserver, le temps d’organiser des élections et d’installer le nouveau pouvoir, ce semblant de cohésion qui lui a quand même permis de triompher du Guide ? Une chose est claire : Kadhafi n’a pas été une référence en matière de justice et de respect des droits humains. Mais son clan a des chances de voir sa mémoire réhabilitée si l’avocat de sa famille parvenait à situer les responsabilités des uns et des autres dans ce qui paraît de plus en plus sans équivoque : un assassinat.

D’outre-tombe, l’homme qui a osé régner sans partage, quarante-deux ans durant dans l’ignorance du droit universel, va sans doute bénéficier des faveurs accordées par la justice des hommes ici-bas. Parce que l’on peut s’égarer, commettre des indélicatesses mais on n’en demeure pas moins un justiciable. Et comme tel, Mouammar Kadhafi qui a fait du mal à des tiers peut, lui aussi par son clan interposé, espérer qu’on dise le droit à son propos. Certes, il est mort à Syrte comme il le souhaitait, dit-on. Mais certainement pas dans les conditions voulues. Nul ne semble se rappeler aujourd’hui ce que le Guide libyen a fait pour son pays et le continent : des réalisations qui survivront au temps, mais aussi de vaines tentatives d’amener les Africains à unir leurs forces, parce qu’ils ont un destin commun.

Comme tant d’autres leaders, Kadhafi aura été un incompris. La légende s’appropriera certainement son parcours de vie, d’autant que nul ne sait à ce jour, si ses ennemis occidentaux n’ont vraiment pas eu le temps d’en faire ce qu’ils voulaient avant l’arrivée des « excités ». Que donneront les enquêtes annoncées ? Permettront-elles vraiment de confondre de gros poissons ? On sait que des membres du clan Kadhafi en fuite entendent bien se livrer à la CPI. Mais dans quel but ? Sauver leur peau en incriminant des acteurs du camp d’en face ? Les laissera-t-on faire ?

En tout cas, le Guide, lui, est mort. Une mort qui constitue une patate chaude dans les mains d’une multitude d’alliés et d’intervenants. L’affaire sent si mauvais que nul ne doit se sentir à l’abri. Une vraie leçon pour toutes les dictatures d’Afrique et leurs parrains occidentaux. Une affaire qui continuera longtemps à faire du bruit car des victimes collatérales, on en trouvera en Afrique et même en Occident. Et elles continueront d’interpeller les juges. Pour la cause !

C’est donc le comble de l’ironie : les dictateurs ou leurs proches aspirent toujours à demander justice une fois dépossédés de leur pouvoir, eux qui ont toujours pris plaisir à l’ignorer durant leur gestion de l’appareil d’Etat. Mais même morts, les tyrans ne sont-ils pas aussi des justiciables ? A ce titre, leurs ayants droit bénéficient en tant que citoyens des mêmes prétentions que les autres contribuables. Les familles de souverains déchus ont beau jeu de profiter des opportunités qu’on leur offre pour se plaindre. Même si elles doutent de la justice qui repose sur des principes universels. Une justice tributaire de la démocratie républicaine, laquelle n’a généralement pas leur préférence.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 28 octobre 2011 à 05:15 En réponse à : LIBYE : Kadhafi, le justiciable

    Tres bon texte a donner a des eleves de terminale comme tetxe d’ analye philosophique.

    LOP

  • Le 28 octobre 2011 à 12:56, par seogo_tang En réponse à : LIBYE : Kadhafi, le justiciable

    Style satié cohérence dans l’argumentation, un article "dens"tout simplement ! Quand on voit que de plus en plus beaucoup de journalistes nous servent des aticles truffés de fautes élémentaires , on ne peut que saluer la recherche de l’excellence dont certains journalistes font montre.

    A bientôt !

  • Le 28 octobre 2011 à 13:10 En réponse à : LIBYE : Kadhafi, le justiciable

    La famille de Kadhafi menace de se plaindre auprès de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye.
    C’est perdre le temps,c’est un dossier rejetté d’avance.Aucune cour ne recevra ce dossier,pas la CPI.

    SID KEITA

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