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Marché de Koumbou : Une brèche pour la vente de stupéfiants et de produits frauduleux

Publié le mercredi 26 octobre 2011 à 01h51min

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Koumbou est une bourgade située à environ 465 km de Ouagadougou, à moins de 10 km de la frontière du Ghana, dans la commune rurale de Bousséra, province du Poni, région du Sud-Ouest. Dans cette localité, la fraude des marchandises et la vente de la drogue se sont constamment développées. Les trafiquants inondent le marché avec des produits frauduleux qu’ils disséminent scrupuleusement vers d’autres contrées de la région. Du coup, les petits marchés sont envahis de faux produits et cela suscite d’énormes inquiétudes au niveau de la santé et de la sécurité des populations. Les frontières du Burkina avec le Ghana et la Côte d’Ivoire étant poreuses dans cette partie du pays, la région du Sud-ouest est devenue une destination privilégiée, du moins, un itinéraire irréfutable, pour bon nombre de trafiquants de la sous-région.

Les contrôles douaniers se multiplient pour traquer les fraudeurs qui, en tous les cas, ne manquent jamais d’intelligence pour passer entre les mailles du filet.

Samedi 17 septembre 2011. Dès l’aube, une pluie généreuse arrose le village de Koumbou. C’est jour de marché et elle ne semble pas faire l’affaire des habitants qui y gagnent leur pitance quotidienne. Il est 9 h. D’habitude, à cette heure, le marché bat son plein. Mais en cette matinée, personne n’ose encore s’y aventurer, les gouttes d’eau continuant de se déverser en cataracte sur le village. A 13 h, la pluie diminue d’intensité et le marché commence à connaître peu à peu son animation habituelle. Les dolotières, les membres encore engourdis par le froid, bravent les fines gouttes d’eau et s’installent dans leurs points de vente ordinaires.

Les commerçants eux aussi prennent d’assaut leur hangar. Mais certains d’entre eux, inquiets par notre présence, se gardent de déballer tout de suite, leurs marchandises. Cette inquiétude se lisait sur beaucoup de visages. Sans doute, nous prennent-ils pour des douaniers venus traquer comme d’habitude, les fraudeurs écumant les marchés de cette région ? Certains nous mitraillent de leurs regards inquisiteurs. Nous sentons que chacun se renseigne pour savoir qui sont ces visiteurs suspects. Difficile donc pour nous d’avoir des informations sur la vente de certains produits. Le marché grouille maintenant de monde. Et dans le brouhaha, on entend les marchands hélés les clients çà et là tandis que dans les cabarets, « seconds maquis » de Koumbou après la garrigue (le débit de boissons) du directeur de l’école, les débats vont bon train sous l’effet de la consommation de quelques calebassées de dolo. Un commerçant ghanéen, reconnaissable par sa coiffure et sa barbe bien taillée, vient s’arrêter à côté de nous. Il est suivi d’un compatriote.

Visiblement, ils ont peur. Comme la plupart des marchands venus du Ghana, ils baragouinent le français. Peu bavards et très attentifs, ils parviennent à comprendre la raison de notre présence en ces lieux, à travers les échanges que nous avons avec quelques commerçants. Nos deux amis finissent par disparaître sans laisser de traces, sans doute rassurés que nous ne sommes pas des « dérangeurs ». Dans le marché, on trouve des marchandises de toutes sortes. Des produits alimentaires et divers autres produits de beauté. Mais ce qui frappe tout de suite le visiteur, c’est la présence des produits prohibés, notamment les faux médicaments et les munitions pour les armes à feu, sans oublier la vente des stupéfiants savamment dissimulés.

Des trafiquants prolixes racontent leur mésaventure

Gaoua, capitale de la région du Sud-Ouest, sert de refuge à de nombreux fraudeurs. S.T est un ancien trafiquant. Il connaît, même les yeux fermés, la route de Koumbou comme le « corps de sa femme ». Depuis de nombreuses années, il arpente les collines et les montagnes pour amener des marchandises frauduleuses. De nos jours, il dit vouloir prendre sa retraite dans le métier. Il explique cette décision par le fait qu’il est tombé plusieurs fois dans les panneaux de la douane. Par crainte de perdre son fonds de roulement, S.T. abandonne, petit à petit, la fraude au profit d’autres activités légales. Il garde fraîchement en mémoire les nuits de mésaventure où ses articles ont été saisis par les agents de la douane. Actuellement, il ne lésine plus sur les moyens pour agrandir sa boutique. Il reconnaît tout de même que les habitants de Koumbou ont des raisons d’accepter d’être complices des fraudeurs en cachant leurs articles. Ils se font « mouiller la bouche » par les trafiquants qui du reste, misent sur les moyens pour bénéficier de leur protection.

Pour lui, aucun habitant de Koumbou n’est prêt à dévoiler cela à quelqu’un. Les jours ordinaires, ils monnayent les restants des produits avec une marge bénéficiaire à leur propre compte. Les trafiquants « nantis » achètent leurs marchandises au Ghana et les font porter par des cyclistes en direction de Koumbou où elles sont conservées dans des concessions en attendant le jour du marché. Les « passeurs », bien déterminés à amasser des fortunes dans la fraude, ne manquent jamais, selon lui. Parfois, les douaniers font des excursions dans le village. Quand ils y pénètrent, ils fouillent les maisons des villageois. Barsour Somé, habitant de Koumbou, atteste que de tels évènements arrivent et surprennent les gens. Seulement, il avance ne pas savoir exactement les familles qui s’adonnent à cette pratique.

Si S.T. a tourné le dos à la fraude suite à la pression douanière, A.T. lui n’en démord pas. Chaque matin, il distille subtilement les faux médicaments aux vendeurs installés au marché de Gaoua avant de s’embarquer pour les villages environnants. A.T. et ses compagnons de « fortune » sont bien respectés dans les contrées les plus reculées. Aux yeux des habitants de ces milieux, ce sont des « sauveteurs », parce que les médicaments leur sont cédés à moindre coût. Toutefois, sachant que la vente de ces produits est prohibée, A.T. se défend en affirmant qu’il lutte pour sa survie. Son plus grand souhait est de ne pas croiser les agents de la douane sur son chemin. Il avoue que la police était à sa recherche dans l’une des communes rurales de la province du Poni à cause de son métier. Pour se tirer d’affaire, commente-t-il, il a dû quitter cette ville dare-dare pour se refugier à Gaoua.

Selon lui, il était devenu, entre-temps, l’ennemi juré des éléments de la police de cette localité. « Ils ont monté la garde devant ma maison à plusieurs reprises sans pouvoir m’arrêter », avoue-t-il. Et d’ajouter que son domicile a été perquisitionné à maintes reprises, mais les espions n’y ont rien trouvé.
Au marché de Gaoua, les vendeurs de faux médicaments sont nombreux et ne se voilent plus la face pour exercer leur profession. B.T. est une jeune femme officiant dans ce marché. Elle n’a pas été à l’école du Blanc. A notre grande surprise, elle se charge de donner à ses clients, des indications concernant la posologie des médicaments vendus. « Je connais tous les médicaments avec les maux qu’ils soignent. Ça marche un peu », affirme-t-elle viscéralement. A en croire cette dame, elle n’a reçu aucune formation à la vente des médicaments, frauduleux soient-ils. De toute évidence, bon nombre d’articles envahissant la zone commerciale de Gaoua proviennent du Ghana.

Aux abords des voies, dans les « six mètres », la commercialisation du carburant frelaté ne semble plus inquiéter personne. Selon les informations recueillies auprès de certains trafiquants, le gros stock serait entreposé dans une cour à la périphérie du village de Koumbou. La qualité de ce carburant laisse à désirer, mais de l’avis du gérant de la station Total de Gaoua, le litre est vendu moins cher. C’est pourquoi, avance-t-il, les gens se procurent l’essence sur ces sites. Ce qui n’est pas, selon lui, sans préjudice aux engins.

La brigade mobile de Diébougou harponne un véhicule « fantôme »

Naturellement, les fraudeurs ne tarissent jamais d’idées pour tromper la vigilance des agents de la douane. Le cas de ce chauffeur fautif en est la preuve. Samedi 17 septembre 2011. Un véhicule de transport en commun rempli de passagers est intercepté au poste de péage de Diébougou. Les douaniers ordonnent au chauffeur de conduire le camion à la brigade. Ils furètent plusieurs fois le véhicule mais n’y trouvent rien. Alors qu’un de leurs indicateurs les avait déjà prévenus à travers un coup de fil que le véhicule contenait des marchandises frauduleuses. C’est par la suite qu’un agent habile, examinant méticuleusement le camion, découvre que sous le toit a été aménagé une cachette. Le voile rondement déchiré, des cartons de cigarettes chutent l’un après l’autre sur les sièges des passagers.

« Eux, ils n’étaient au courant de rien », s’empresse de relater le chef de brigade, le contrôleur de douane Boniface Kaboré. Pendant que les agents de la douane s’occupaient sérieusement de l’affaire dans les locaux de la brigade, le chauffeur en a profité pour prendre ses jambes à son cou. Les papiers du véhicule auparavant retirés, sont confisqués et le mini-bus mis en fourrière en attendant qu’une procédure judiciaire soit engagée à l’encontre de son propriétaire. Ce sont au total 16 cartons contenant chacun 50 paquets de cigarettes qui sont sortis du véhicule-fantôme. La valeur du butin est estimée à environ 16 millions de FCFA. Les passagers dont la plupart se rendaient à Ouagadougou ont fait recours à d’autres compagnies de transport, indique le chef de brigade, Boniface Kaboré, pour continuer leur route. « Tout le monde était étonné », explique-t-il.

C’est également un directeur régional jovial et très fier du travail de ses subalternes que nous avons rencontré. Wanou Jean Bosco Lamien, c’est de lui qu’il s’agit, est aussi ravi de nous montrer les « trophées de guerre » de ses hommes. Il ne regrette pas d’avoir ses 13 agents à ses côtés pour combattre la fraude dans la région du Sud-Ouest du Burkina. Grâce au concours des « indicateurs », la moisson est abondante. En témoigne les 3 tonnes de sucre saisies et les 24,5 tonnes de piles récupérées avec 5 cyclistes au cours d’une chevauchée nocturne. Sans oublier 158 tonnes de drogue saisies récemment entre les mains des trafiquants.
Selon le directeur régional des douanes du Sud-Ouest, Lamien Wanou Jean Bosco, les préoccupations majeures dans la zone sont sans conteste, la vente de la drogue, des faux médicaments et la prolifération des armes. Les statistiques sont alarmantes en matière de trafic de stupéfiants.

De janvier 2007 à juin 2011, le seul bureau de douane de Nako a saisi environ 23,147 tonnes de cannabis. Les chiffres inquiètent déjà, au regard de l’évolution de ce commerce au cours des 6 premiers mois de 2011. En effet, de janvier à juin, le seul poste a enregistré 6,8 tonnes de drogue saisies. Comparativement aux années antérieures où il a pu récupérer 4,6 t en 2007, 1,5 t en 2008 ; 6 t en 2009 et près de 4 t en 2010, il y a lieu de s’inquiéter de la recrudescence du phénomène, cette année. Pour Lamien Wanou Jean Boscos, ces confiscations se chiffrent à des centaines de millions de FCFA. En dépit de tout, il estime que la fraude pose un problème de sécurité sociale et de santé publique. Jusqu’à présent, souligne-t-il amèrement, beaucoup de citoyens ignorent le rôle de la douane.

Les autorités régionales aiguisent leurs armes

Les méfaits de la fraude sont visibles au Burkina. L’administration publique, les citoyens, ainsi que les commerçants vivent de ses conséquences fâcheuses. D’ores et déjà, il y a le manque à gagner pour l’Etat. A ce niveau, Lamien travaille à inculquer certaines valeurs sur le civisme fiscal dans l’esprit des gens. De ce fait, il organise des conférences publiques dans les grandes localités où il explique le rôle et l’intérêt de la douane aux habitants. Jean Bosco déclare qu’il reste souvent pantois face aux réactions des citoyens qui ignorent littéralement le rôle de la douane. Parfois, dit-il, il tombe à la renverse quand des intellectuels tels que les fonctionnaires de l’Etat ne savent pas pourquoi la douane existe. « Il y a des intellectuels qui ne connaissent pas aussi le rôle de la douane.

Ils pensent que le travail du douanier, c’est de confisquer seulement les marchandises des commerçants », s’indigne-t-il, tout en précisant que ceux-ci sont éclairés à l’issue des débats lors des campagnes de sensibilisation. Dans ce combat contre l’incivisme fiscal, il préfère aller doucement car dit-il, la répression ne résoudra pas forcément le problème. Ceci étant, le directeur régional des douanes du Sud-Ouest compte installer des bureaux d’appui dans les communes de Ouéssa, Kampti et Batié, afin d’intensifier les contrôles au niveau des deux frontières, à savoir Burkina Faso-Ghana et Burkina Faso-Côte-d’Ivoire. Pas parce que ces communes n’ont pas de poste de douane, mais leurs statuts actuels ne leur permettent pas d’effectuer des sorties inopinées sur le terrain en vue de couper le « nombril » à la fraude. Pour le moment, c’est le seul bureau mobile de Diébougou qui se bat tant bien que mal pour traquer les trafiquants dans les pistes enchevêtrées de la brousse.

« La lutte s’intensifiera », lâche-t-il. Il avertit qu’il n’y aura pas de répit dans le combat contre la fraude dans sa zone de prédilection.
A la direction régionale des impôts également, on commence à avoir peur. Le directeur régional, Charles Emile Bationo, est même anxieux et est révolté par la recrudescence du trafic des stupéfiants et la profusion d’articles frauduleux dans les différents marchés de la région. Il précise que la situation va de mal en pis avec la multiplication des sites aurifères. Du reste, le directeur régional des impôts du Sud-Ouest estime que la fraude crée des distorsions au niveau de la concurrence et fausse les données statistiques. De plus, elle entraîne selon lui, un manque à gagner sur le plan fiscal.

A son avis, les trafiquants sont incontrôlables et ne paient aucune taxe. « Aujourd’hui, vous pouvez recenser un marchand et demain vous vous rendez compte que l’occupant du lieu n’est plus à sa place. Cela constitue une perte pour le service des impôts, car ces personnes ne paient pas les taxes », argumente-t-il. Pendant ce temps, ces fraudeurs ventilent leurs marchandises à moindre coût et arrivent ainsi à arracher facilement les clients des commerçants honnêtes qui paient régulièrement leurs taxes au service des impôts. C’est donc sous le regard impuissant des uns et des autres que de gros camions épandent leurs chargements dans la cité du Bafudji. Charles Emile Bationo voit que ces marchandises peuvent provenir des grands centres urbains comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, mais il n’écarte pas non plus l’autre piste pour justifier cet afflux massif des véhicules poids lourds dans la ville de Gaoua. « Actuellement, nous sommes en train de voir dans quelle mesure on pourrait détecter l’origine de ces marchandises », indique-t-il.

En toute sincérité, il croit que le combat contre le phénomène doit aller au-delà du cadre régional et impliquer tous les citoyens de ce pays. Le directeur régional des impôts du Sud-Ouest du Burkina Faso évoque la porosité des frontières pour faire comprendre la montée en flèche du trafic dans la région du Sud-Ouest du Burkina Faso. Quelquefois, fait-il remarquer, la douane agit avec des moyens de bord et se trouve ainsi limiter dans les différentes opérations de ratissage. La seule alternative pour lui d’engager une réelle course-poursuite contre les fraudeurs, c’est de mener des actions conjointes auxquelles la direction régionale des impôts, la douane et la gendarmerie pourraient travailler en synergie pour pourchasser davantage les trafiquants qui écument la région.

Ouamtinga Michel ILBOUDO (Omichel20@gmail.com)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 26 octobre 2011 à 12:30 En réponse à : Marché de Koumbou : Une brèche pour la vente de stupéfiants et de produits frauduleux

    Laissez les gens se démerder,vivoter comme ils peuvent.Vous voulez que les gens payent des taxes dans ces campagnes où il y a rien.Que fait l’Etat pour ces gens avec l’argent collecté ?En tout cas,le plus frauduleux,le plus délinquant au Burkina reste sans conteste le douanier et maintenant venir donner des cours de civisme,cela fait doucement sourire.Allez-y balayer devant votre porte d’abord

  • Le 27 octobre 2011 à 11:22, par Le fatigué En réponse à : Marché de Koumbou : Une brèche pour la vente de stupéfiants et de produits frauduleux

    Si se débrouiller pour toi c’est laisser envahir notre pays par la drogue et autres marchandises frauduleuses je souhaite que tes enfants deviennent accros à la drogue, que tu t’intoxique avec des produits périmés.
    Pour une fois que les douaniers veulent vous associer à leur travail vous réfuser pour dire qu’ils sont corrompus. Ecoute les, analyse ce qu’ils font, va vers eux et arrêtent de réfuser d’avancer.

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