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Editorial de Sidwaya : « Grand bâtisseur », repose en paix !

Publié le lundi 24 octobre 2011 à 03h19min

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« Modèle d’ouverture et de tolérance », écrit le président du Faso dans son méssage de condoléances. « Une figure emblémantique du secteur privé burkinabè dont il fut pionnier et l’instigateur », dit le Premier ministre devant les députés. Le décès de El hadj Oumarou Kanazoé ne laisse personnes indifférent au Burkina Faso. En effet, comment surplomber son temps avec tant de hauteur et d’humilité, alors que l’insondable sort ne vous prédisposait, tout au plus, qu’à être un bon berger pour les troupeaux de ses parents ? Comment, homme d’affaires, triompher des requins de toutes les eaux avec des armes données au départ pour dérisoires : le bon sens, la persévérance, la générosité, le flair naturel du succès et du danger ?

Comment résister à la cupidité morbide qui pousse à vouloir s’enrichir en ôtant la vie à autrui ? Comment garder son identité culturelle et morale dans un monde où la morale est passée de l’agonie à trépas ? Comment rassembler tant de personnes et de communautés pas seulement divergentes, mais antagoniques ? Feu Oumarou Kanazoé (O.K.), bâtisseur et rassembleur devant l’Eternel le Miséricordieux, est entré pour toujours dans sa propre légende et nous laisse, comme en héritage, ces questions de souveraine importance dont il a le secret et la réponse.

Tout se passe comme si, à la naissance, le lugubre destin nous mettait au bord d’un fleuve, et se retirait sans rien dire. Que faire ? Rester à la berge, cloué par la peur et le risque de périr en essayant de traverser l’inconnu ? Se jeter à l’eau sans savoir si ce que l’on quitte vaut mieux que ce que l’on espère ? Défier tous les dieux du bon sens en se projetant, en un saut périlleux et fantastique, vers l’autre rive ? « Si c’était moi, me dit un Samo, je serais resté à la berge, buvant tranquillement mon « Zom-koom », car un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ».

Justement, c’est en cela que Kanazoé n’est pas nous. La vie de l’homme est bornée par sa vision. Il y a 80 ans, combien de camarades de la classe d’âge de « Laagui » envisageaient la vie dans la durée et se préoccupaient de ménager en conséquence leur monture ?

Mais la vision ne suffit pas. Jour après jour, brique après brique, nous devons construire notre vision, lui donner forme. C’est ce que O.K. a fait toute sa vie durant. Le « vieux » était régulièrement à ses chantiers à partir de quatre heures du matin, ne s’épargnant aucune peine pour veiller à la bonne exécution des tâches.

Mais, l’action persévérante et courageuse, elle non plus, ne suffit pas. « Laagui » nous a enseigné que pour être riche, il faut être plus fort que l’argent. Il l’a dit un jour : distribuer sans compter de l’argent aux nécessiteux, secourir la veuve et l’orphelin, c’est en cela que je goûte au bonheur d’être riche. On peut donc penser que « Laagui » est resté très fidèle à ses sources culturelles mooré, et religieuses en Islam, des milliards dans la poche. Pour des milliers de nos contemporains, quand l’ivresse que donne l’argent leur entre dans la cervelle, la sagesse d’être homme leur sort par tous les orifices. Le milliardaire, Kanazoé, a-t-il eu l’idée un jour de se payer des jours de congé dorés dans un de ces paradis terrestres, dans une de ces îles paradisiaques, que les commerçants de rêves vendent au millionnaire et que l’imagination et la mollesse modernes nous ont donnés ?

Nous l’ignorons, mais cela ne lui ressemble pas. Ce qu’il aurait pu se donner à lui-même, il l’a donné aux autres. Comment être plus fort que la force de l’argent ? Là se trouve sans doute la plus belle leçon que O.K. nous donne. Quand il arrive que cette dimension en profondeur nous manque, la vision que nous avons de la vie s’affadie.
La dernière épreuve que « Laagui » a remportée avec brio, c’est sa mission de rassembleur. Etre rempli de fric et être rempli de soi-même, c’est souvent la même chose. Les gagnants aiment traiter avec les gagnants, laissant les perdants à leur triste sort, à moins que ceux-ci n’acceptent l’humiliation de l’asservissement et la gêne des demi-mots.

Dans ce pays où, en moyenne, il y a eu une république tous les 8 ans, le vieux a aidé plus d’une personne à sortir la tête de l’eau. Pour quelle reconnaissance ? Si quelqu’un se hasardait même à dire que l’Etat lui-même pourrait lui être redevable en ceci ou en cela, personne ne s’en étonnerait. Des mosquées, des églises et autres sanctuaires ont poussé de terre pour rassembler des fidèles devant Dieu. Il a cherché à faire du bien, même à ceux qui ne se souciaient pas de son bien, et cela n’est pas donné à la plupart d’entre nous. Il a rassemblé même ceux qui prenaient plaisir à disperser et cela relève de l’héroïsme.

Bâtisseur de routes, de ponts, d’immeubles, de familles et bâtisseur d’idéal, il l’a été avec bonheur et humilité. Rassembleur d’hommes et de valeurs, il l’a également été, à partir de notre commune et modeste condition de Burkinabè, sans diplôme et sans apport particulier ou spécifique. Nous n’avons pas besoin de demander à la terre de lui être légère, puisqu’il repose déjà en paix dans sa propre légende. Compte tenu de sa vie très utile pour des milliers de burkinabè, la Nation entière lui est reconnaissante pour toujours…

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 24 octobre 2011 à 11:47, par yoon En réponse à : Editorial de Sidwaya : « Grand bâtisseur », repose en paix !

    Bel Hommage à ElHadj Oumarou Kanazoé, qui a rendu de très grands services au pays mais aussi aux gouvernements successifs. Nous espérons que la reconnaissance sera à la hauteur car jusqu’à présent c’est la population qui lui a rendu honneur. Merci au journaliste qui a su écrire ce que pensent nombreux burkinabè

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