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Chronique d’une fin tragique

Publié le vendredi 21 octobre 2011 à 02h21min

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Tunisie, Egypte, Yemen, Bahreïn, Maroc, Syrie…Le vent de révolte qui souffle depuis le début de l’année dans le monde arabe met à rude épreuve les pouvoirs qui se croyaient solidement établis. Après 42 ans, le pouvoir de Kadhafi s’ést définitivement écroulé hier dans le sang

Après la chute le 14 janvier 2011, du Tunisien Zine El-Abidine Ben Ali, au pourvoir depuis 1987, de l’Egyptien Hosni Moubarak le 11 février après trente ans de règne sans partage, la dernière victime des révoltes populaires qui secouent les pays arabes depuis le début de l’année s’appelle Mouammar Kadhafi, chassé fin août puis tué hier dans des circonstances qui restent à éclaircir. Il avait pris le pouvoir par un coup d’état le 1er septembre 1969, s’était autoproclamé « Guide suprême de la révolution » et dirigeait la Libye d’une main de fer.

A la mi-février, des Libyens qui protestent à Bengazi, dans l’Est du pays, contre l’arrestation de Fehti Tarbel, un militant des droits de l’homme et réclament sa libération immédiate sont violemment réprimés par la police. Des échauffourées éclatent entre manifestants et forces de l’ordre durant toute la nuit et, même si lendemain les autorités finissent par libérer Fethi Tarbel, la foule ne décolère pour autant pas contre le pouvoir en place. Au contraire, les manifestations atteignent d’autres villes et prennent rapidement un caractère ouvertement politique. Ceux qui vont incarner quelques semaines plus tard le visage de l’opposition armée décrètent le 17 février « Jour de colère » et appellent à de nouvelles manifestations dans tout le pays.

Les affrontements avec la police, les partisans du pouvoir et les opposants font plusieurs morts. Manifestement surpris par l’ampleur de la fronde qui gagne l’intérieur du pays, Kadhafi tente de discréditer le mouvement en accusant sur les ondes de la radiotélévision ses leaders d’être manipulés par Al-Qaida. Il croit ainsi s’attirer la bienveillance des Occidentaux au moment où les villes de Bengazi Ajdabiya, Tobrouk sont sous le contrôle des opposants. Dans les mosquées, des imams invitent les fidèles à ignorer les informations diffuées à l’étranger pour semer la zizanie. Sans succès !

Peu habitué à la contestation de son pouvoir depuis 42 ans, le Guide exclut toute discussion avec ses opposants et privilégie la voie de la répression. Le secrétaire général de l’Organisation des nations unies et l’Union (ONU), Ban Ki-moon évoque un millier de morts et, dans la foulée, le Conseil de sécurité décide d’un embargo sur la vente d’armes à la Libye, puis prévient les autorités que « les attaques systématiques menées contre la population civile peuvent être assimilées à des crimes contre l’humanité ». L’Union européenne (UE) applique également un embargo sur les ventes d’armes, prononce l’interdiction d’entrée sur le territoire des 27 pays membres au colonel Kadhafi et ses proches et le gel de leurs avoirs, estimés à 23,4 milliards d’euros.

Le 5 mars, les opposants déclarent le Conseil national de transition (CNT), qu’ils avaient créé quelques jours plus tôt à Bengazi, « seul représentant de la Libye », et désignent Moustapha Abdeljalil, ex ministre de la Justice, comme président. Cette instance considère que désormais seules les représentations diplomatiques libyennes qui se sont ralliées à elle sont légitimes et peuvent agir au nom de la Libye. Le CNT est reconnu le 10 mars par le gouvernement français qui annonce son intention d’envoyer son ambassadeur à Bengazi.

Les Etats-Unis se déclarent prêts à soutenir les opposants, tandis que Londres somme Kadhafi de s’en aller. Face à la montée en puissance de la contestation et la pression de la communauté internationale, le leader libyen prononce un discours guerrier dans lequel il conseille les rebelles de se rendre et menace de lancer une « riposte similaire à Tianamen » en référence à la répression sanglante en Chine en juin 1991. Il promet également de « purger le pays, maison par maison » !

Sur le terrain, l’opposition se livre à des combats contre les soldats loyalistes, avec des dizaines de morts de part et d’autres. La France qui s’est résolument engagée du côté des rebelles armés, se lance dans un activisme diplomatique à l’Onu et finit par obtenir du conseil de sécurité, l’autorisation d’utiliser « toutes les mesures nécessaires » pour assurer la protection des populations civiles. Autrement dit, des opérations militaires peuvent être lancées contre les troupes loyalistes, ce que ne tardent pas à faire la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en détruisant les chars des forces pro-Kadhafi le 19 mars alors qu’elles étaient en route pour Bengazi.

Quand à l’Union africaine (UA) qui avait appelé dès le début des manifestations à un dialogue, elle croit toujours que la solution négociée reste l’option viable pour mettre fin aux combats et ramener la paix. La feuille de route élaborée par l’instance panafricaine et présentée aux deux camps par les présidents Jacob Zuma (Afrique), Denis Sassou Nguesso (Congo Brazzaville), Amadou Toumani Touré (Mali, Youweri Museveni (Ouganda) et Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), prévoit un cessez le feu immédiat, le maintien de l’embargo sur les ventes d’armes et la création d’un gouvernement intérimaire comprenant les membres du CNT et du gouvernement en place. La feuille de route contient également la mise en place de réformes démocratiques et enfin l’organisation d’élections démocratiques à la fin de la transition.

A l’issue d’intenses négociations, le Guide avait accepté d’être mis à l’écart du processus de négociations, mais le Conseil national de transition avait rejeté le plan de l’UA, exigeant le départ du colonel Kadhafi comme préalable à toutes négociations. Il faut dire que les Etats Unis, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne qui mènent les combats aux côtés des rebelles, avec le soutien du Qatar, avaient rejeté le plan de paix, le temps de la négociation étant selon eux, dépassé. C’est ainsi que face au risque d’un enlisement du conflit, les troupes loyalistes ayant réussi à reprendre les villes d’Al-Uqaila, Al-Bicher et Brega et l’avancée des rebelles stoppée, l’OTAN décident décide d’envoyer conseillers militaires aux côtés des rebelles tout en assurant les frappes aériennes jour et nuit. Lesquelles sont fatales au cadet des fils de Kadhafi ainsi que trois de ses petits fils.

Les appels désespérés du Guide de la révolution à la population à sortir défendre la patrie contre les envahisseurs ne rencontre guère d’échos auprès de ses compatriotes. Pis, l’étau se resserre autour de lui au fil des jours et c’est sans rencontrer de véritable résistance que le 11 avril, les rebelles prennent l’aéroport de Misrata. « Les jours du régime de Kadhafi sont comptés », déclare la secrétaire d’Etat américain Hillary Clinton, ajoutant qu’il faut désormais « la Libye à l’après Kadhafi ».
Baroud d’honneur ou ultime sursaut d’orgueil d’un homme qui sent proche la fin de son règne, celui qui s’est autoproclamé « Roi des rois d’Afrique », trouve encore le moyen d’inviter ses partisans « à marcher sur Bangazi pour la libérer des rebelles » et affirme qu’il se battra jusqu’au bout et ne fuira jamais le pays.

Fin juin, la Cour pénale internationale (CPI) délivre un mandat d’arrêt contre le numéro un libyen, son fils Saïf Al-Islam et le patron des renseignements, Abdallah Al-Senoussi pour « crimes contre l’humanité ». A la mi-août, on évoque des discussions secrètes qui se tiendraient en Tunisie entre le gouvernement et les rebelles, des informations démenties par les rebelles qui paradent déjà à Zaouïa, à une cinquantaine de km de Tripoli. La chute du régime en place depuis 42 ans n’est plus qu’une question de jours et les rebelles espèrent y fêter la fin du ramadan fin août.

Le 23 août, après des heures de combat avec les derniers fidèles du Guide, les rebelles s’emparent de Tripoli, accueillis par une foule en liesse. Vaincu, il ne reste au colonel Kadhafi qu’à prendre ses jambes à son cou, et à l’image d’un Saddam Hussein, il est resté introuvable, mais sous le coup d’un mandat d’arrête lancé par Interpol, ce qui limite considérablement ses chances de quitter le pays.

Tripoli « Libéré », le président du CNT, Moustapha Abdeljalil s’y rend le 10 septembre pour un séjour provisoire, juste le temps d’accueillir le 15 septembre premier ministre britannique David Cameron et le président français Nicolas Sarkozy, les deux figures de l’Organisation de traité de l’atlantique nord (Otan) en pointe dans le combat anti-Kadhafi.
Retiré à Syrte, sa ville natale depuis quelques semaines, l’assaut des rebelles lui aura été fatal hier. La page de la Jamahiriya arabe libyenne est et bel et bien définitivement tournée.

Joachim Vokouma

Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 21 octobre 2011 à 06:26, par Sidgomde En réponse à : Chronique d’une fin tragique

    C’est ca n’est ce pas protege les civils !!
    N’est ce pas que l’otan a acompli sa mission ! Tuer Kadahfi et piller la Libye C’est tres malheureux ! Quelle injustice !
    Ceux qui ont tue Kadahfi sont pire que Kadahfi lui meme.
    Ainsi dit le guide est mort comme Ben ladin sans jugement ! tout deux tues par des pays dit civilises qui connaissent eux leur droits mais tout pret a viole le droit des autres !

    Kadahfi est un hero, un homme de parole qui a lutte jusqu’au bout.
    Kadahfi repose en paix !
    Dieu est un Dieu just, le jour du jugement viendra et chacun repondra devant Dieu. (Sarkozy, Obama, Brown, Banki Moon.......)
    Mes condoleances a sa femme, sa fille Aicha et ses proches que Dieu vous console et vous soutienne. Laissez Dieu vous venger. Quand l’Amerique a tue Sadam Dieu a envoye la famine et la pauvrete aux USA, cette meme crise attend la France apres la mort de Kadahfi, la connaitra une misere sans pareille (Ah Ah prophesie selon sidgomde....), en tout Sarkozy lui il est deja entrain de tomber et tomber tres mal....
    En tout cas, qui vivera, verra !

  • Le 21 octobre 2011 à 12:31, par ocm En réponse à : Chronique d’une fin tragique

    Honte à sarkozy, à l’ottan et à tous ceux qui ont tué KADHAFI juste pour leurs interêts. La Libye est detruite pour tout jour car les lybiens ne retrouverons jamais la paie. Aussi, l’europe et ses aliers vont payé car Dieu est justice.

  • Le 22 octobre 2011 à 09:41, par G. Mascad En réponse à : Chronique d’une fin tragique

    Ce qui est arrivé à Kadhafi, c’est ce qui arrive et qui arrivera à tous les dictateurs. "Un peuple longtemps brimé, longtemps martyrisé finit toujours par se révolter. Ce jour-là plus rien ni personne ne pouvant le contrôler, il s’en prend d’abord à l’objet réel de ses malheurs avant de se retourner, si nécessaire, contre ses propres leaders" (CF. : Jean-Claude Mayima-Mbemba, "La violence politique au Congo-Brazzaville-Devoir de mémoire contre l’impunité", éd. L’Harmattan, Paris, 2008).
    Cependant, il convient de souligner un fait. La France s’en prend aux dictatures qui ne sont pas de son pré carré ou qu’elle n’a pas mis en place elle-même ou qui ne lui obéissent plus. Mais que fait-elle de celles qu’elle se permet d’installer dans ses CFA ? Par CFA, entendez "COLONIES FRANCAISES D’AFRIQUE".

  • Le 22 octobre 2011 à 12:48, par SIDPAKANDE En réponse à : Chronique d’une fin tragique

    La mort de Kadafi offre plusieurs libertés à la fois aux libyens. La liberté de voter mais aussi la liberté d’avoir faim, de dormir sous les ponts faute de logement, la liberté de mourir de maladie faute de medicament,.... en somme la liberté de voir leur pétrôle leur filer sous le nez vers d’autres cieux. Bientôt ils auront la liberté de migrer eux aussi vers d’autres cieux à la recherche d’un mieux être.
    Vive la liberté !!!!
    A Dieu Kadafi !!!

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