LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Editorial de Sidwaya : Distances limites et salutaires…

Publié le lundi 17 octobre 2011 à 01h55min

PARTAGER :                          

Le Burkina Faso, de la base au sommet, reste hanté par la crise sociale qu’il a vécue de février à juin 2011. Les effets et échos de cette crise ont encore, retenti dans le discours du Premier ministre sur la situation de la Nation, jeudi 13 octobre 2011. Il nous semble que l’Etat, la classe politique et la société civile, grâce ou à cause de cette crise, ont pris des distances limites et salutaires par rapport à la vision qu’ils se donnaient d’eux-mêmes, par rapport à leurs pratiques et à leur comportement. Quelles distances, et en quoi sont-elles salutaires ?

L’Etat, par la quête de la transparence, la culture de l’honnêteté, l’approfondissement de la démocratie, la recherche accrue de la sécurité, montre qu’à un moment donné, ces biens précieux s’effritaient petit à petit et se perdaient à notre insu. Un vent de renouveau continue de souffler dans toutes les institutions, aussi bien au niveau des personnes- ressources que des idées et principes qui les fondent et les guident. L’armée, par exemple, semble se placer au tout premier rang des institutions à renouveler en esprit et dans leurs mécanismes. Ce faisant, c’est l’Etat qui prend une distance limite et salutaire par rapport à son mode de vie, à sa gouvernance, par rapport à sa vision du présent et de l’avenir de la nation.

La justice, les forces de sécurité, les états-majors de l’enseignement, tous ont dansé ou dansent encore la danse du renouveau. Mais l’erreur serait de croire que la paix est gagnée, que l’ordre est définitivement rétabli. Ce qui vient d’être dit suppose de réussir un véritable tour de force, une véritable gouvernance de l’homme par l’homme, c’est-à-dire de pouvoir mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, mais aussi de pouvoir mouvoir l’homme qu’il ne faut pas de la place qu’il ne mérite pas … et ce n’est jamais une mince affaire. C’est parfois semer du vent et attendre la tempête dans les yeux. La paix n’est pas gagnée à partir du silence des armes, elle est à reconstruire autour et au-dedans de chaque Burkinabè, l’Etat devant rester au garde-à-vous devant le peuple et le peuple devant son destin !

La classe politique, composée en sa partie la plus dynamique, des formations politiques, a elle aussi pris des distances par rapport à son comportement d’antan. On se rappelle ce jour où quelques citoyens plus ou moins remplis de haine et vibrant d’injures se sont précipités dans la rue, pour demander le départ du président élu. On n’oublie pas le refus de certains partis de participer aux assises du CCRP (), comme s’il leur revenait de créer par eux-mêmes un autre cadre d’échange à l’échelle de la nation ou de faire sortir de terre un ilot démocratique. On ne jurera pas que derrière les enfants défiant leurs parents et secouant leurs aînés par toutes sortes d’insolence, aucun parti politique n’a eu son mot à dire ou son geste à faire. Les choses sont ainsi, surtout en politique politicienne : l’obscurité n’arrange pas seulement les voleurs, elle fait aussi le lit des amoureux. Aujourd’hui, certains hommes politiques se sont, sans doute, rendus compte qu’il faut plus que cela pour percer, pour être d’excellents leaders capables d’affirmer le bonheur de leur peuple et de se donner les moyens de le réaliser.

Et la Société civile, qu’a-t-elle retiré de tant de brouhaha, de vent et de poussière ? La grogne est venue, apparemment ou réellement, de cette société civile difficile à cerner. De même que les partis politiques constituent l’aile dynamique de la classe politique, de même les commerçants constituent le monde le plus vivant, le plus entreprenant et le plus évident de la société civile. Dans un premier temps, ceux-ci ont rejeté le tort sur le gouvernement. Et bien vite, ils ont été débordés et dépassés par les événements. Les pillages ont exaspéré nos vaillants commerçants et agriculteurs. C’est enfantin de penser que tous ceux qui ont pignon sur rue ont volé. Il y en a qui ont bâti leur fortune, en ajoutant cinq francs à dix francs comme on dit, et ceux-là n’entendent pas que pour une raison ou pour une autre, quelqu’un vienne les remettre dans la poussière de la misère.

D’une exaspération à l’autre, la société civile a fini par rallier le gouvernement, en priant tous les dieux que Kosyam ne s’effondre pas, et que justice leur soit rendue. La société civile a donné sa quote-part aux assises du CCRP et, sans doute, continuera à le faire, maintenant que le débat est en train de descendre à la base. La leçon que l’on peut retirer de ces péripéties, c’est que l’entreprise privée a horreur de l’anarchie. L’agriculteur, l’ouvrier, l’entrepreneur, le commerçant ont besoin d’un chef.
Et d’un chef qui commande et gouverne ! Qu’on ne se trompe donc pas. Dans l’esprit de nos contemporains de la société civile, du monde de l’entreprise privée où règne la précarité, où la chance et la malchance vous règlent votre compte en quelques mois, le pouvoir de l’Etat a pris du galon.

Si ces distances limites que nous avons désignées sont une réalité, il convient de dire que les Burkinabè ont assumé leur crise et en ont fait une opportunité démocratique. C’est ainsi que les grands peuples ont progressé dans l’histoire, nous prouvant ainsi que nous sommes aussi un grand peuple

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Le Dioula : Langue et ethnie ?
Sénégal / Diomaye Faye président ! : La nouvelle espérance
Burkina : De la maîtrise des dépenses énergétiques des Etats
Burkina Faso : Combien y a-t-il de langues ?