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POURSUITES CONTRE BUSH : Amnesty prêche-t-il dans le désert ?

Publié le vendredi 14 octobre 2011 à 01h42min

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Accusé de « crimes » et de « tortures », George W. Bush est plus que jamais la cible des défenseurs des droits humains. On se le rappelle, l’ancien chef de l’exécutif américain avait instauré certaines pratiques jugées sévèrement lors de sa « guerre contre le terrorisme ». Toutefois, il y a peu de chance qu’il se fasse arrêter au Canada où il se rend prochainement en visite. Pour Susan Lee, directrice d’Amnesty pour le Canada, ce pays est « tenu par ses obligations internationales d’arrêter et de poursuivre en justice l’ancien président Bush, compte tenu de sa responsabilité dans des crimes contre le droit international, dont la torture ».

Une demande contenue dans un mémorandum de mille pages, a donc été remise par l’organisation humanitaire internationale aux autorités canadiennes le 21 septembre dernier. Mais elle n’a été rendue publique que mercredi dernier. Les critiques s’attaquent à la « guerre contre le terrorisme », lancée par l’ancien président américain. Amnesty relève que durant son mandat à la Maison blanche, Bush fils avait autorisé des « techniques renforcées d’interrogation », dont la simulation de noyade. Les accusations portent sur le programme secret de la CIA appliqué entre 2002 et 2009.

Selon l’organisation, l’agence infligeait aux détenus, « la torture et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants, ainsi que des disparitions forcées ». Elles reposent sur des documents publics, des documents américains obtenus grâce à la loi sur la liberté d’information, les mémoires de M. Bush et un rapport de la Croix-Rouge. Aux Etats-Unis même où il semble se cloîtrer, l’homme ne se fait pas oublier. Il y est aussi « wanted » ! Certaines organisations comme Human Rights Watch, pointent du doigt les « exactions, dérapages et abus » commis par l’administration Bush. L’on cherche à savoir aujourd’hui si l’ex-président des Etats-Unis, a bafoué ou non les lois américaines au nom de la lutte contre le terrorisme.

La problématique fait l’objet d’un livre : « Faut-il juger George Bush ? » de Reed Brody, édité chez André Versailles. Rarement, on aura donc vu une telle détermination à faire épingler un ancien dirigeant occidental pour crimes contre l’humanité. Il faut espérer que les actions entamées contre l’ex-président George W. Bush se concrétisent enfin ! Assurément, cela sonnera le glas de la politique de deux poids deux mesures qui caractérise actuellement la justice internationale. Celle-ci peut-elle continuellement s’accommoder de cette politique aux termes de laquelle seul trinquent ceux qui appartiennent à des pays pauvres, très endettés et soumis à la loi des plus puissants ?

Il appartient pourtant aux plus forts de donner l’exemple de l’impartialité et de la subordination aux règles internationales. On attend toujours d’eux qu’ils donnent la preuve que la démocratie libérale qu’ils ne cessent de prôner ne sert pas exclusivement la cause de quelques intouchables disséminés ici et là. Bien au contraire, elle attend de tous, sans exception, le même respect scrupuleux des normes et la conformité aux lois internationales. Mais, faut-il pour autant s’attendre à voir les USA livrer leur ancien chef de l’exécutif à la justice internationale à laquelle ils n’entendent point se soumettre ?

Que nenni ! Ce n’est pas non plus demain la veille que le Canada acceptera d’arrêter l’ancien président Bush lors de ses randonnées dans ce pays voisin. Il ne faut pas se bercer d’illusions. A Ottawa, le gouvernement fédéral se gardera bien de s’exposer au courroux du grand frère du Sud. Les deux économies sont trop imbriquées pour prendre le risque d’éventuelles mesures de représailles, lesquelles pourraient se traduire par des ennuis financiers et même des troubles sociaux. Il y a aussi cette complicité qui a toujours lié dirigeants canadiens et américains, au point que dans certaines initiatives, l’ex-président Bush n’avait pas manqué d’appui du côté canadien. Elle témoigne de la solidité de liens tissés par l’histoire et la géographie.

Mais aujourd’hui, les pays du Sud, majoritaires sur la planète, donnent de plus en plus de la voix. Ils veulent que devant les instances judiciaires internationales, l’on traduise également des dirigeants occidentaux compromis ou assimilés à des « dirigeants voyous ». Au nom de l’égalité devant la justice, au nom de la démocratie et de la paix. La bienséance, la courtoisie la plus élémentaire, ne commandent-elles pas qu’enfin l’on prêche par l’exemple ? Reste à savoir si les USA vont oser se plier aux exigences de la communauté internationale. Prendront-ils jamais le risque de sacrifier l’intérêt national au profit des lois internationales.

L’enjeu paraît très important pour les camps républicain et démocrate qui préparent fébrilement la présidentielle de 2012. Qui oserait donc s’aliéner les faveurs de l’électorat aux aguets ? Mais si les USA se retiennent de juger l’ancien président pour les reproches qu’on lui fait, ne faut-il pas craindre qu’une grande partie du monde accorde de moins en moins de crédibilité au tribunal international, et partant, aux différentes instances de la communauté internationale ? Par ailleurs, le tribunal international qui aime à s’agiter dans le cas de dossiers de pays pauvres et faibles, osera-t-il enfin se mettre en évidence ? Dans cette optique, les actes posés par les organisations de défense des droits humains sont dignes d’encouragements.

Ce, d’autant que ce n’est pas la première fois que celles-ci interpellent les pouvoirs publics occidentaux. Amnesty International n’est pas à sa première requête du genre. En dépit des entraves de toutes sortes, l’ONG internationale n’en démord jamais. Surtout que sa ténacité est parfois récompensée. Ainsi, en février dernier, une visite du même Bush en Suisse avait été annulée. Comme El Béchir du Soudan qu’il avait lui-même harcelé en son temps, Bush fils se voit aussi rattrapé par son passé. Reste à savoir si, assailli par les organisations internationales qui le dénoncent, l’ancien président américain, ne va pas envisager de ne jamais quitter le sol des Etats-Unis. Même en mobilisant une armée d’avocats prestigieux, pourra-t-il vraiment jouir comme il faut du « repos du guerrier » auquel il croyait prétendre ?

Voilà pourquoi, l’exercice du pouvoir d’Etat doit toujours se conformer à un minimum d’éthique et surtout se soucier de préserver les droits humains. Le faire rythmer au gré de la boulimie du pouvoir, ne met jamais à l’abri de surprises désagréables. Cela, quelle que soit la puissance des forces qui habitent un dirigeant. Un jour ou l’autre, lui et les siens devront bien rendre compte. Aussi, faut-il œuvrer afin qu’Amnesty International et tous les défenseurs des droits humains, ne prêchent jamais dans le désert.

"Le Pays"

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