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100 jours du gouvernement ivoirien : Reconstruire sur le terreau friable de la réconciliation

Publié le jeudi 13 octobre 2011 à 02h50min

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Sorti victorieux des urnes le 28 novembre 2010 et de la bataille finale (avec l’aide de l’ONUCI et la Licorne) du 11 avril 2011, Alassane Dramane Ouattara a aujourd’hui toutes les cartes en mains pour imprimer son sillon quinquennal, dont les deux chantiers titanesques ont pour noms : réconciliation et reconstruction.

L’hyperprésident, qui gouverne par ordonnances et décrets, a décidé d’aller vite, car le temps est actuellement son pire adversaire. Comment sécuriser le territoire, relancer l’économie et redéployer l’Administration ? Par l’action, et encore l’action ; d’où des balises ou plutôt un tableau de bord.

Le second séminaire gouvernemental, tenu les 10 et 11 octobre derniers, après celui de juillet, constitue de ce point de vue un référentiel pour le cheminement du gouvernement que conduit Guillaume Soro.

Il faut d’abord saluer cette initiative, et l’institutionnalisation de sa périodicité (3 mois), qui permettra de ne pas naviguer à vue ou, pire, de dormir sur les acquis. Sans doute, au fil du temps, ce laps de temps de 90 jours sera porté à 6 mois, voire plus, car, très souvent, en 3 mois, peu de choses bougent. Mais, pour l’instant, c’est un arrêt nécessaire pour des recadrages ministériels, au regard de l’urgence et de l’immensité des tâches.

Au détour de cette halte gouvernementale, il a été possible de récapituler les actions engrangées, notamment le retour de la bonne gouvernance, la constitution du puzzle institutionnel de la République et la sécurisation progressive du pays, sans oublier le vieux rêve d’une égalité médiatique tel ce rappel à l’ordre de la RTI par ADO, qui estime qu’il y a un excès de zèle à l’endroit du pouvoir.

A la vérité, ces 100 jours d’activités du gouvernement ont traduit le retour par petites touches du ADO des années 90, c’est-à-dire du premier Premier ministre du président Houphouët-Boigny.

Pour tout dire, les Ivoiriens se rappellent l’économie exsangue dont a hérité ADO en ce temps-là. A coups de mesures vigoureuses, mais impopulaires, il avait réussi à relustrer la Côte d’Ivoire. Houphouët avait vu juste en le rappelant auprès de lui.

A quelques exceptions près, ADO prend encore les rênes d’un pays sous perfusion, qui a donc besoin d’être requinqué. Et à la différence de 93, où il n’était que Premier ministre, aujourd’hui, le patron, c’est lui.

Au fur et à mesure, les Ivoiriens subiront encore les rigueurs de l’économiste froid et presque désincarné. Ce genre de séminaire ne consiste en rien d’autre qu’à dire aux différents patrons de maroquins et à tous ceux qui sont aux postes de responsabilité de s’en tenir à la feuille de route à eux assignée.

Une austérité que certains collaborateurs ont du mal à comprendre ou désapprouvent : les nombreux passe-droits et dessous de table ont diminué, de nombreux premiers responsables ne peuvent plus préempter sur la bête, les bons d’essence, des numéraires passent à la carte magnétique... Bref, certains revivent un remake de la Côte d’Ivoire de 92-93.

Pourtant le parallèle s’arrête là : Houphouët a disparu, Laurent Gbagbo a été président, 10 années de crise ont laissé des plaies béantes que cautérisera difficilement la Commission "dialogue, vérité et réconciliation", et 1 ivoirien sur 2 n’est pas d’accord avec ADO.

Qu’on se comprenne bien : ce genre de conclaves gouvernementaux est de bon aloi, pour peu qu’ils ne confinent pas à un tour de vis trop serré à l’endroit de ceux qui ont fait ADO président.

Déjà, il se murmure que des ministres sont mécontents et de leurs traitements (émoluments) et surtout de l’intrusion intempestive d’Occidentaux dans leur ministère via la présidence ; "des intrus" qui ont souvent plus de poids que des ministres.

A ce sujet, un nom est aujourd’hui jeté en pâture : Philippe Serey-Eilfel ; ex-directeur des grands travaux sous Houphouët, il est affublé de l’appellation de "vice-président chargé des Finances" ; tant il a son mot à dire sur tous les dossiers. L’autoroute Abidjan-Bassam, dont les travaux seront lancés incessamment ? Philippe Eiffel est présent.

La centrale d’Azito ? Son avis est requis. ADO doit œuvrer à démentir qu’il est l’homme-litige des Occidentaux. L’expertise extérieure, d’accord, mais encore faut-il veiller à ne pas froisser les nationaux !

L’économiste qu’il est reconstruit patiemment le pays, mais pour que l’édifice ne s’écroule pas, il lui faudra tenir compte du terreau encore friable de la réconciliation. C’est le ventre mou de son pouvoir.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga

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