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Le Burkina Faso donne de la visibilité aux engagements diplomatiques de la République de Chine Taiwan

Publié le lundi 10 octobre 2011 à 02h45min

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C’est au Burkina Faso qu’il faut aller pour rencontrer des Taiwanais. La connexion diplomatique entre Ouagadougou et Taïpeh va bien au-delà d’une relation protocolaire ; elle est une coopération franche, sincère et totale. Partout ailleurs dans le monde, difficile de croiser un ressortissant de la République de Chine ; à Ouaga, ce n’est pas un problème. Ils sont non seulement présents mais ils sont, aussi, actifs. Et Ouaga joue le jeu. Le mardi 27 septembre 2011, Djibrill Bassolé, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, était à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies. Pas pour faire de la figuration ; mais pour dire des choses. Il est vrai qu’il y est un peu chez lui. D’abord, c’est un diplomate qatari qui préside l’AG.

Et Bassolé, qui a été le représentant des Nations unies et de l’Union africaine pour le Darfour, a ses habitudes à Doha. Et puis l’actualité diplomatique internationale de l’année est, pour beaucoup, une actualité burkinabè : sans compter l’affaire du Soudan (et sa partition), il y avait ainsi à l’ordre du jour l’aboutissement des médiations (c’était d’ailleurs le thème de l’AG de cette année) en Côte d’Ivoire et en Guinée.

Et en un temps où les Etats ont les yeux rivés sur la République populaire de Chine (plus encore en cette période de crise économique, financière et sociale), il n’y avait que le Burkina Faso pour noter, « avec une grande satisfaction, le climat apaisé qui règne actuellement dans les relations entre la République de Chine Taiwan et la République populaire de Chine » ; et ajouter : « Cela milite en faveur de l’octroi à la République de Chine de la place qui est la sienne dans le concert des Nations, y compris par sa participation significative aux activités et organisations internationales telles que l’Organisation de l’aviation civile et la Convention des Nations unies sur les changements climatiques ».

Un mois auparavant, quasiment jour pour jour, le 25 août 2011, Zéphirin Diabré, qui vise la présidence du Faso (cf. LDD Burkina Faso 0206/Mercredi 17 mars 2010) après en avoir été un acteur politique significatif, appelait à une « refondation » de la diplomatie burkinabè et fustigeait le mauvais « choix de nos amis au sein de la communauté internationale », faisant part de « son incompréhension de la décision de nos autorités de rompre les liens diplomatiques avec la République populaire de Chine au profit de Taiwan » qu’il qualifiera « d’accident de l’histoire ». Zhang Ming-Zhong, l’ambassadeur de la République de Chine à Ouaga, ne tardera pas à répondre à Diabré via le quotidien Le Pays (lundi 5 septembre 2011).

Pour lui rappeler que le président Ma Ying-Jeou mène une « politique pragmatique » avec Pékin dans une perspective « d’instauration de la stabilité et de la sécurité » en Asie du Sud-Est, que « la démocratie est désormais enracinée dans la vie quotidienne » à Taiwan, la meilleure preuve en étant les alternances politiques en 2000 et 2008, tandis que la « Chine continentale » est « toujours gérée par un régime autoritaire où l’alternance politique et la liberté d’expression, qui sont deux idéaux chers à votre parti politique [Union pour le progrès et le changement], sont étroitement surveillées voire interdites ». Son Excellence ne manque pas de souligner, par ailleurs, que « l’émergence » de la Chine continentale « est due, en partie au moins, à l’expérience taiwanaise » ; autrement dit : qui peut le plus peut le moins.

Zhang Ming-Zhong aurait pu rappeler que Diabré était membre du gouvernement, et non des moindres (ministre de l’Industrie, du Commerce et des Mines puis ministre de l’Economie), quand Ouaga a décidé de renouer ses relations diplomatiques avec Taïpeh, le 2 février 1994. Par ailleurs, chacun sait que Diabré a toujours été un farouche « libéral » ; un libéralisme économique et politique qui est, incontestablement, l’image de marque de Taiwan. Blaise Compaoré a dit ce qu’il fallait dire de cette relation voici quelques années (Jeune Afrique du 7 octobre 2007) : « Nous sommes tout à fait satisfaits de la nature de nos relations avec les Taiwanais. Ils nous aident énormément, n’ont qu’une parole, sont fidèles et sérieux, forment des gens au Burkina…

Pourquoi devrais-je rompre avec Taiwan ? Au prétexte que la Chine refuse de collaborer avec des pays qui reconnaissent Taiwan ? Ce n’est pas ma conception. Nous aimerions avoir des relations avec les deux, mais c’est la Chine qui ne veut pas ».

Le Burkina Faso et Taiwan sont, plus que d’autres pays, en adéquation. Et le sont sur le long terme. On peut penser qu’il y a à Ouaga comme à Taïpeh une même vision des choses de la vie. Ce n’est pas un hasard si les Taiwanais mettent l’accent sur la formation professionnelle et l’enseignement technique : le Burkina Faso et Taiwan sont dépourvus de ressources naturelles significatives autres que le « capital humain ». Zhang Ming-Zhong le rappelait l’an dernier (L’Observateur Paalga du 23 mars 2010) : « Il y a 40 à 50 ans, 80 % de la population taiwanaise vivait de l’agriculture tout comme le Burkina Faso aujourd’hui. Mais, actuellement, ce secteur ne représente plus que 1,7 % de notre produit intérieur brut. Bref, c’est pour traduire la pertinence du choix du président du Faso […] de valoriser le capital humain ». Zhang souligne aussi que cet effort sera vain si les milieux professionnels ne s’investissent pas dans la démarche « parce que les jeunes que nous allons former ont besoin d’un emploi ».

Compaoré s’est rendu en visite officielle à Taiwan, pour la première fois, du 18 au 22 juillet 1994 (Jacques Y. Sawadogo est ambassadeur à Taïpeh depuis sa nomination en conseil des ministres du mercredi 18 mai 1994 !). Depuis cette date, les échanges entre les deux pays sont permanents. Bassolé était à Taïpeh voici quelques mois (24-26 mai 2011), invité d’honneur de la « Journée de l’Afrique ». Compaoré et Bassolé y sont, actuellement, pour le 100ème anniversaire de la République de Chine, le lundi 10 octobre 2011. Formation professionnelle, agriculture, santé sont les principaux volets de la coopération entre Taïpeh et Ouaga ; la réalisation la plus récente est l’hôpital national Blaise Compaoré de Tengandogo construit grâce à un appui matériel, technique et financier de Taiwan.

C’est d’ailleurs un ancien ambassadeur à Ouaga, Tao Wen-lung, qui est le secrétaire général de l’ICDF, le Fonds international de coopération et de développement. Taiwan, qui achète principalement du coton au Burkina Faso, est ainsi devenu son quatrième partenaire bilatéral derrière la France, les Pays-Bas et l’Allemagne.
Le Burkina Faso, dont la vitalité diplomatique est incontestable, permet à Taiwan d’avoir, encore, une politique africaine significative qui s’est traduite par l’organisation du premier sommet des chefs d’Etat d’Afrique et de Taiwan les 9-10 septembre 2007. La visibilité que la coopération entre Taïpeh et Ouaga confère à Taiwan sur la scène diplomatique africaine est, aujourd’hui, incontournable.

Ainsi, il y a quelques semaines, le samedi 24 septembre 2011, c’est au sein du bureau de représentation de Taïpeh en France, en présence de Michel Ching-long Lu, « ambassadeur de la République de Chine Taïwan en France » que s’est déroulé le pré-colloque de la Fondation pour la paix, la démocratie et l’intégration en Afrique sur la problématique de la réconciliation en Côte d’Ivoire (en prélude au colloque qui se tiendra du 25 au 27 novembre 2011 à Abidjan). Quand l’éthique en politique et en diplomatie est érigée en exigence, quand les « révolutions arabes » sont présentées comme exemplaires par les pays « occidentaux », on ne s’étonne pas du renouveau que connaissent les relations internationales de Taiwan. On s’étonne simplement que, parfois, elles puissent poser problème à ceux qui se veulent plus « démocrates » que d’autres.

La Dépêche Diplomatique

Jean-Pierre Béjot, éditeur-conseil

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Vos commentaires

  • Le 10 octobre 2011 à 09:23 En réponse à : Le Burkina Faso donne de la visibilité aux engagements diplomatiques de la République de Chine Taiwan

    Belle et heureuse coopération entre notre pays et Taïwan.Pourvu que ça dure.Par contre nos relations sont tellement excellentes avec ce pays si paisible et si généreux que aveuglement le journaliste est passé sous silence sur un petit détail mais qui a son importance à savoir que nos autorités ont exporté dans ce pays ce qu’ils savent faire de mieux à savoir la monarchisation du pouvoir à moins que le journaliste ne se soit lui-meme trompé.En effet je lis que l’actuel ambassadeur est en place depuis le 18 mai 1994.Sérieusement je ne sais pas compter :ça fait combien d’années ?Il mériterait d’avoir un titre du doyen de l’humanité pour le nombre d’années passées par un ambassadeur dans la même ambassade.Bravo et avec toutes mes félicitations.Quant aux jeunes diplomates ou jeunes tout court,vous pouvez toujours attendre,la relève n’est pas pour demain

  • Le 10 octobre 2011 à 11:00, par Pasco En réponse à : Le Burkina Faso donne de la visibilité aux engagements diplomatiques de la République de Chine Taiwan

    Sincèrement, le Blaiso est un homme ’’pile’’. C’est ça être un homme d’Etat.
    Suis fier d’être Burkinabè

  • Le 10 octobre 2011 à 15:56, par Wendy En réponse à : Le Burkina Faso donne de la visibilité aux engagements diplomatiques de la République de Chine Taiwan

    Bravo pour cette belle diplomatie. La taïwan a mis l’accent sur la formation professionnelle et technique pour arriver la où elle est. Mr le président, chez nous au faso on assiste à un départ incontrôlé des enseignants des filières industrielles. Mr le président pour atteindre ses objectifs, la taïwan à fait l sacrifice de bien traiter ses enseignants et ses médecins. Pourquoi refusez-vous l’évidence ? Allez sur l terrain afin de constater par vous même. Vos conseillers ne vous disent pas tout. Le centre de ziniaré et le lycée de koudougou sont sans enseignants et seront utilisés en deçà de leurs possibilités. Un gâchis en respectives si vous n’arrêtez pas la fuite des enseignants industriels. Taïwan elle même à tirée plus d’une fois la sonnette d’alarme à ce sujet

  • Le 2 décembre 2013 à 07:25, par Georges En réponse à : Le Burkina Faso donne de la visibilité aux engagements diplomatiques de la République de Chine Taiwan

    Tais-toi jaloux de JEDIDYA.
    Qui parle de statut dans cet article ? Dans tous les cas il ne peut plus rien nous arriver, ce statut on l’aura, n’en déplaise à nos détracteurs. C’est déjà sur une voie de non retour. Si vous voulez, luttez aussi.

  • Le 2 décembre 2013 à 07:28, par JEDIDYA En réponse à : Le Burkina Faso donne de la visibilité aux engagements diplomatiques de la République de Chine Taiwan

    Et si je vous faisais remarquer que ce statut sera inconstitutionnel. La loi limite les corps pouvant avoir cette prétention.La GSP n’en fais pas partie. Une lutte raisonnable sera de faire revisiter d’abord la loi.

  • Le 2 décembre 2013 à 07:33, par Georges En réponse à : Le Burkina Faso donne de la visibilité aux engagements diplomatiques de la République de Chine Taiwan

    Je ne crois pas en ce que tu dis, mais si d’aventure cela est avéré, sache que la loi est une toile d’araignée ; Le bourdon passe, seul les petites mouches et moucherons sont arretés.Tu n’as rien compris.

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