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Mutinerie en Guinée Bissau : Le "gombo" de la mort

Publié le lundi 11 octobre 2004 à 07h09min

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On ne "dîne" pas impunément le "gombo" d’un kodo. Cette vérité, la Guinée-Bissau démocratique l’aura apprise à ses dépens, après l’assassinat mercredi dernier, des suites d’une mutinerie, du chef d’état-major de l’armée, le général Verissimo Correia Seabra, et du chef des informations de l’armée, le général Domingos Ramos.

Ce mercredi en effet, des militaires bissau-guinéens, qui avaient composé les forces de l’ONU au Libéria, avaient investi à l’aube les rues de la capitale, Bissau, pour réclamer leurs arriérés de soldes.

La conséquence en est aujourd’hui cette décapitation de l’armée, la fragilisation du processus démocratique, déjà mal en point, et l’incertitude dans laquelle le pays est plongé à jamais. Car ces deux assassinats peuvent bien être les prémices d’un putsch, ce qui ne serait pas une première, même si les mutins réfutent cette thèse, et derrière cette main militaire qui a tiré pourrait se cacher une tête civile.

Qui connaît la personnalité du général Verissimo Correia Seabra sait que depuis une vingtaine d’années, il détenait les cartes de la scène politique bissau-guinéenne, faisant et défaisant les rois. Ce n’est pas Kumba Yala, le président au célèbre bonnet rouge, déposé en septembre 2003, qui dira le contraire. Depuis ce mercredi sanglant, la communauté internationale accourt au chevet de ce pays, le plus instable de l’Afrique de l’Ouest ; mais à quoi les négociations peuvent-elles aboutir, tant les non-dits sont nombreux, et les révendications sensibles ?

Peut-on en effet passer en pertes et profits toutes ces victimes des tueries militaires depuis l’épopée de Joao Bernardo Vieira, pour une amnistie aux allures d’absolution ? Qu’adviendrait-il demain si les mutins d’hier ne perçevaient pas leurs arriérés de soldes ? Sans être dans les secrets militaires, la réponse s’impose d’elle-même.

Eh bien, cette mutinerie en Guinée-Bissau nous renvoie au mauvais souvenir de la marche pacifique des militaires burkinabè le 15 juillet 1999 dans les rues de Ouagadougou... qui pour revendiquer des arriérés de soldes après service rendu clandestinement au Liberia, qui pour exiger la restitution de retenues suspectes effectuées sur leurs soldes.

L’on peut s’en rejouir, les militaires burkinabè, à l’époque, ne sont pas allés jusqu’à l’extrême ; les autorités non plus ne se sont fait prier pour rendre à César ce qui est à César. Aujourd’hui, tout n’est pas entièrement rentré dans l’ordre, et le deuil qui frappe l’état-major bissau-guinéen doit être vu ici et ailleurs comme un avertissement à tous les prédateurs, qui vivent du corps et du sang des autres.

Rabi Mitibkèta
L’Observateur

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