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Seydou Bouda, ambassadeur du Burkina Faso à Washington, devra conforter les Américains dans l’idée que le Burkina Faso est « un partenaire constant et fiable »

Publié le mercredi 28 septembre 2011 à 14h30min

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Les relations entre les Etats-Unis et le Burkina Faso sont au beau fixe. Malgré les tensions politico-sociales qui ont bouleversé « le pays des hommes intègres » et suscité des interrogations dans les chancelleries. Thomas Dougherty, l’ambassadeur US à Ouagadougou, l’a rappelé à Enok Kindo (Sidwaya du 4 juillet 2011) : « Le Burkina Faso est un partenaire constant et fiable […] actif et engagé dans la lutte contre l’extrémisme dans la région » (le Burkina Faso fait partie du programme US de lutte contre le terrorisme dans le corridor sahélo-saharien : le TSCTP) ; il contribue à « promouvoir la stabilité régionale » et le « maintien de la paix à travers trois bataillons et un escadron au Darfour » (unités formées et équipées par les Etats-Unis).

Dougherty sait de quoi il parle : il était, auparavant, ministre conseiller à Bagdad, mais c’est aussi un bon connaisseur de l’Afrique : sous-secrétaire adjoint au sein du Bureau des affaires africaines, directeur du département « Afrique de l’Ouest », il a été en poste en RDC, au Malawi, au Cameroun, en Erythrée, au Sénégal… (cf. LDD Burkina Faso 0233/Lundi 23 août 2010). Ce natif de Casper, dans le Wyoming (Casper est la deuxième ville de l’Etat dont la « capitale » est Cheyenne ; le Wyoming a été une terre de résistance indienne : le premier établissement « colonial » n’y a été créé qu’en 1834 à Fort Laramie), a vu sa nomination approuvée par le Sénat US le 3 août 2010 alors que la toute nouvelle ambassade des Etats-Unis à Ouaga 2000 avait été inaugurée le jeudi 10 juin 2010 (cf. LDD Burkina Faso 0226/jeudi 1er juillet 2010) par Tertius Zongo, Premier ministre et, surtout, ancien ambassadeur à Washington.

Zongo avait mis fin à une « phase d’incompréhension » entre Ouaga et Washington, la Maison-Blanche étant « dérangée » alors par Blaise Compaoré, capitaine putschiste en proximité avec Taylor et Savimbi qui, après avoir été dans les « petits papiers » de l’administration US, seront abandonnés. Zongo, nommé premier ministre, cédera son job à Paramanga Ernest Yonli, Premier ministre sortant (cf. LDD Burkina Faso 0135/Mercredi 19 mars 2008). Depuis, le Peace Corp s’est redéployé au Burkina Faso (environ 155 Américains actuellement), l’US-AID a ressorti son carnet de chèques et Ouaga bénéficie du Millenium Challenge Corporation (481 millions $ sur cinq ans). L’arrivée d’un nouvel ambassadeur burkinabè à Washington ne passe donc pas inaperçue ; plus encore dans une conjoncture régionale tendue. L’accession au pouvoir de Alassane D. Ouattara à Abidjan et la chute du régime de Kadhafi en Libye sont deux événements majeurs qui concernent bien plus que collatéralement le Burkina Faso.

Seydou Bouda a donc débarqué dans la capitale US le jeudi 1er septembre 2011 et a présenté ses lettres de créance le vendredi 9 septembre 2011 au président Barack Obama tandis que Ernest Yonli prenait la route du « retour au pays natal ». Un économiste prend la suite d’un économiste. Mais Djibril Bassolé, ministre des Affaires étrangères, va devoir gérer, une fois encore, la fronde des diplomates de carrière qui voient leur échapper un job en or, tandis que Compaoré se retrouve avec, sur les bras, un ex-premier ministre de plus, par ailleurs gendre du colonel Saye Zerbo au pouvoir de 1980 à 1982 !

Bouda est né le 31 décembre 1958 à Poa, dans la province du Boulkiemdé. Etudes au lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso (1971-1978), bachot série B (économie et social), universités du Bénin (Lomé) et de Ouagadougou. En 1983, il obtient une maîtrise en sciences économiques (planification du développement) à Ouaga et, l’année suivante, un DESS en économie du développement à l’Université Montpellier I (Il obtiendra par ailleurs une licence et un certificat de maîtrise de sociologie à Ouaga).

De retour au Burkina Faso en janvier 1985, en pleine « Révolution », il sera appelé au service national. En février 1986, libéré de ses obligations militaires, il est affecté au ministère de la Planification et du Développement populaire. Il sera économiste planificateur (développement social/population) pendant trois ans tandis qu’est élaboré le premier plan quinquennal de développement populaire (1986-1990).

En février 1989, il rejoint la présidence du Faso comme conseiller (Bureau d’études et de prospective) puis sera chargé du Fonds national pour la promotion de l’emploi et chef du projet de travaux publics pour l’emploi avant que ne soit créée, le 12 juin 1991, l’agence Faso Baara. En juillet 1991, il devient secrétaire général du ministère de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale institué le 16 juin 1991 par Salif Diallo auquel succédera, dès le 26 juillet 1991, Issaka Traoré. Bouda va avoir à gérer la réforme du Code du travail qui viendra en discussion à l’Assemblée nationale.

En novembre 1994, il est nommé Coordonnateur technique national du Programme d’appui à la gestion de l’économie (PAGE) du PNUD. Il le sera pendant cinq ans. En octobre 1999, il rejoint l’ENA de Paris en tant que stagiaire. Il profitera de son séjour pour se spécialiser, dans le cadre du Conservatoire national des Arts et Métiers de Paris, en prospective et stratégie des organisations et en économie et gestion de l’innovation et de la technologie.

De retour à Ouaga, il est secrétaire général du gouvernement et du conseil des ministres ; Paramanga Ernest Yonli vient d’être nommé premier ministre. Bouda occupera ce poste jusqu’à son remplacement par Marie-Odile Bonkoungou-Balima le 10 juin 2002. Lui est promu ministre de l’Economie et du Développement. Il va être confronté à la crise ivoiro-ivoirienne et à son impact sur l’économie burkinabè (chute des transferts de fonds des Burkinabè de Côte d’Ivoire, ralentissement du commerce extérieur avec la Côte d’Ivoire, arrêt des liaisons ferroviaires entre Abidjan et Ouaga entraînant une dégradation des infrastructures routières…). Malgré le maintien de taux de croissance significatifs, le Burkina Faso demeurera un pays où la pauvreté ne diminue pas. « Cette situation nous questionne sur la nature de cette croissance, sur l’efficacité de nos politiques publiques, mais aussi sur le rôle déterminant du secteur privé » déclarera Bouda à Juliette Bastin (J.A./L’Intelligent du 15 août 2004). Ce sera une de ses préoccupations : « La lutte contre la pauvreté est le plat de résistance de l’action gouvernementale », affirmera-t-il dans un entretien avec S. Nadoun Coulibaly (Sidwaya du 11 décembre 2006), tout en reconnaissant que « la richesse nationale [du Burkina Faso] n’est pas énorme comparée à d’autres pays ».

Bouda sera reconduit dans ses fonctions le 6 janvier 2006. Compaoré a été réélu le 13 novembre 2005 et c’est toujours Yonli qui est à la primature. En mai 2007, il sera élu député CDP du Boulkiemdé. Le 10 juin 2007, dans le premier gouvernement de Tertius Zongo, il obtiendra le ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat et organisera le VIIème Forum sur la gouvernance en Afrique (24-26 octobre 2007) qui se tiendra sans lui : le 3 septembre 2007, Bouda a été nommé ministre de la Santé. Il le restera jusqu’au départ de Zongo de la primature. Dans le gouvernement de Luc Adolphe Tiao (nommé premier ministre le 18 avril 2011), il est remplacé par son secrétaire général : Adama Traoré.

Bouda se retrouve propulsé à Washington ; beau rétablissement. Avec une particularité : il a été, de bout en bout, ministre dans les gouvernements des deux premiers ministres, Yonli et Zongo, qui se sont succédé comme ambassadeurs à Washington ! Est-ce à dire que Bouda pourrait rêver de la primature ? En attendant, il lui faudra conforter les Américains dans l’idée que le Burkina Faso peut être, tout à la fois, « partenaire constant et fiable » et authentique… démocratie.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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