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JOËL DERVAIN, DG DE LA SIR : "Nos relations avec la SONABHY sont en voie de normalisation"

Publié le vendredi 23 septembre 2011 à 03h53min

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La crise de 2002 et celle pos-électorale de novembre 2010 ont porté un coup dur à une des sociétés stratégiques de la Côte d’Ivoire. Il s’agit de la Société ivoirienne de raffinage (SIR). Cette dernière est, du reste, l’un des principaux fournisseurs en produits de la Société nationale burkinabè des hydrocarbures (SONABHY) qui est actionnaire de la SIR. C’est justement dans le cadre d’une réunion du conseil d’administration tenue le jeudi 15 septembre 2011 à Ouagadougou que nous avons rencontré son premier responsable, Joël Dervain. Dans les lignes qui suivent, ce dernier nous situe sur l’état de santé financière de la SIR, des difficultés rencontrées pendant les soubresauts politiques de ce pays, des relations particulières avec la SONABHY et des perspectives.

"Le Pays" : Quel est l’état de santé actuel de la Société ivoirienne de raffinage (SIR) ?

Joël Dervain : La société ivoirienne de raffinage (SIR) est actuellement fragile mais à court terme. Sinon du point de vue du bilan de santé à moyen et long termes, il est positif, parce que nous n’avons pas de dette. Nous avons essentiellement des problèmes de trésorerie à court terme parce que la SIR n’échappe pas aux réalités du marché pétrolier. Il faut savoir que contrairement à certaines idées reçues, le maillon raffinage de la chaîne pétrolière est le moins rentable. Il en a toujours été ainsi. En effet, chaque maillon a sa propre rentabilité lorsqu’une compagnie pétrolière intègre toute la chaîne pétrolière depuis l’exploration jusqu’à la distribution au consommateur en passant par le raffinage. Et quand on compare tout cela, le raffinage a toujours été le parent pauvre. Donc, on n’échappe pas à cette règle. Ensuite, la SIR est confrontée à des problèmes structurels liés au fait que c’est une raffinerie qui est conçue et équipée pour fournir un marché intérieur.

Ce marché, à savoir celui de la Côte d’Ivoire, devrait être aujourd’hui de 3 000 000 de tonnes selon nos prévisions faites il y a une trentaine d’années pour construire la nouvelle SIR. Malheureusement, nous sommes présentement à peine à 800 000 tonnes. Cela nous pose des problèmes. Heureusement que nous avons les marchés du Burkina et du Mali qui nous permettent d’augmenter nos capacités de production. Nous exportons également par la voie maritime, mais là notre situation d’exportateur fait que nous sommes très sensibles aux aléas du marché pétrolier.

Comment avez-vous vécu la crise ivoirienne depuis 2002 et surtout celle post-électorale ?

En 2002, quand les événements se sont produits, nous avons instantanément perdu une bonne partie du marché de la Côte d’Ivoire (la zone Nord) et ainsi que celui du Burkina et du Mali. Avec le Burkina, nos activités commerciales étaient très fructueuses. C’est dans ce sens que la SONABHY a pu mettre en place un mécanisme d’approvisionnement par wagon-citerne et nous avons pu récupérer une partie du marché burkinabè. Le Mali a été un peu plus lent à revenir. Nous avons eu des conséquences dommageables mais pas de l’ordre, ni de la grandeur, ni de la violence de celles que nous avons connues avec la crise post-électorale.

Il y avait non seulement cette situation d’insécurité et en plus, la SIR a été frappée de sanctions en tant que structure qui pouvait aider à des financements du gouvernement de fait qui n’était pas reconnu par la communauté internationale. Ce qui fait que nous n’étions plus en mesure de lever des fonds pour payer nos cargaisons. Cela nous a amenés à arrêter la raffinerie. Mais, avec l’arrivée du nouveau président de la République, Alassane Dramane Ouattara, le gouvernement actuel a tout mis en oeuvre pour rassurer les banquiers et les fournisseurs. Ce qui nous a permis depuis le mois de mai dernier de reprendre nos activités. Tout cela va se solder pour 2011 par beaucoup de pertes, parce que quand vous ne tournez pas, vous êtes obligés de payer le personnel et maintenir l’outil.

Tout cela coûte de l’argent et nous n’avons pas de revenu pour compenser. C’est de tout cela que nous avons d’ailleurs discuté ici à Ouagadougou au cours de notre conseil d’administration (NDRL : lequel a eu lieu le jeudi 15 septembre 2011). La SONABHY est actionnaire de la SIR et de ce fait, nous venons une fois par an tenir un conseil d’administration dans la capitale burkinabè. Mais, nous avons beaucoup d’espoir pour 2012.

Quel est le point des produits importés par le Burkina au niveau de la SIR ?

Quand on regarde historiquement ce que la SIR vendait sur le marché burkinabè, il faut remonter quelques années en arrière. Nous étions pratiquement le fournisseur exclusif. Et dans les années 1980, les prix qui étaient pratiqués avaient été jugés trop élevés par les autorités burkinabè. Finalement, entre 1983 et 1987, nous n’avons pratiquement plus rien vendu. Le Burkina a mis en place une logistique efficace pour prendre le pétrole à partir de Lomé et de Cotonou. C’est à partir de 1987 avec la rectification du pouvoir politique que nous avons repris nos relations commerciales avec la SONABHY. Depuis lors, nous avons commencé à pratiquer des prix pour être plus compétitif que Lomé et Cotonou.

C’est ainsi que nous sommes montés très haut en faisant près de 300 000 tonnes. Mais entre temps, l’Etat burkinabè a décidé de ne pas mettre tout cela dans le même panier. C’est dans ce sens que le Burkina a décidé de diversifier ses importations pétrolières avec entre 40% et 60% pour la SIR et le reste pour les ports de Lomé et Cotonou. Bien évidemment, nous aurions souhaité prendre les 100% mais pour des raisons stratégiques, un Etat ne peut axer ses importations sur un seul pays. Avec le développement économique du marché burkinabè, notamment le secteur minier, nos parts de marché ont considérablement augmenté. Mais après, il y a eu la crise et les deux partenaires ont été victimes de la très grande volatilité du marché pétrolier. Avant la crise post-électorale, nous avons entamé des discussions avec notre partenaire, la SONABHY, dans le souci de réadapter nos relations face à la réalité actuelle et finalement, les choses n’ont pas abouti pour différentes raisons.

Il faut relever que nous ne pouvons pas empêcher le Burkina d’importer d’où il veut puisque juridiquement, il a un plein droit d’accès à la mer pour importer ses produits par tous les ports, y compris celui d’Abidjan. Ce qui fait que la SIR ne vend plus au Burkina. Mais, nous avons eu des discussions avec le nouveau directeur général de la SONABHY, Paul Marie Compaoré, pour voir comment reprendre les activités. Aujourd’hui, le Burkina importe à partir d’Abidjan mais pas à partir des produits fabriqués par la SIR.

Quels sont ces produits importés ?

C’est essentiellement le gasoil, l’essence et le jet qui sont les trois principaux produits importés par le Burkina.

Pas de gaz ?

Oui, de temps en temps un peu de gaz, mais qui vient plutôt de Cotonou pour le Burkina.

Est-ce que vous pouvez satisfaire le Burkina qui est confronté à une récurrente pénurie de gaz depuis quelques années ?

Tous les pays vivent cette crise de pénurie de gaz. Ce n’est pas un problème spécifique au Burkina. Cela est dû au fait que toutes les politiques mises en place dans les différents Etats pour lutter contre la déforestation se traduisent sur le terrain par une explosion de besoin en butane. En Côte d’Ivoire, la SIR produit du butane mais pas suffisamment pour en exporter. Ce qui fait que nous importons. Il suffit que nous nous mettons d’accord avec la SONABHY pour connaître ses besoins en bouteilles de butane. Ainsi, si la SONABHY a un besoin de 5 000 tonnes, nous pouvons commander 7 000 tonnes puisque la SIR commande du butane et elle va profiter du bateau. Ce sont des choses que nous avons en chantier avec le Burkina. Notre coopération a été suspendue depuis le mois de septembre 2010. Ce sont des choses que nous allons reprendre et si nous réussissons à faire cela, le problème d’approvisionnement en butane va se régulariser.

Quelles peuvent être les solutions par rapport aux tracasseries décriées par les opérateurs économiques burkinabè, sur le corridor Abidjan-Ouaga et ne craignez-vous pas que ces derniers se détournent de vous pour aller vers vos concurrents ?

L’essentiel des importations pétrolières achetées par le Burkina sont faites par la voie ferroviaire. Il y a beaucoup moins de tracasseries sur le chemin de fer que sur la route. Donc, nous sommes moins touchés par ce phénomène. Mais, les autorités des trois pays que sont la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Mali mènent actuellement une campagne de sensibilisation assez musclée à l’intention des différents acteurs. Et cela dans l’intérêt économique de ces pays. Nous fondons beaucoup d’espoir sur le gouvernement du président Alassane Ouattrara dans sa capacité à enrayer ce fléau. Dans ce sens, les tracasseries ont nettement diminué.

Qu’est-ce que vous auriez aimé dire que nous n’avons pas pu aborder ?

J’aimerais tout d’abord vous remercier de m’avoir permis de m’exprimer à travers votre journal "Le Pays" que nous aimons et que nous lisons sur le Net. Je souhaite bon vent à la SONABHY et j’espère que les discussions engagées avec elle pourront se traduire par une reprise significative des achats de produits pétroliers en Côte d’Ivoire. Nous souhaiterons vraiment que l’ensemble de nos partenaires au Burkina considèrent la SIR comme leur propre raffinerie. A l’origine, la SIR a été construite pour cela. C’est-à-dire pour le marché de Côte d’Ivoire, le marché Est du Mali (Bamako et Ségou) et celui du Burkina.

Propos recueillis par Antoine BATIONO et Ambèternifa Crépin SOMDA (Collaborateur)

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 26 septembre 2011 à 04:32, par O.Traore En réponse à : JOËL DERVAIN, DG DE LA SIR : "Nos relations avec la SONABHY sont en voie de normalisation"

    Nous felicitons Mr Joel Dervain pour la clarte de son expose. Il est necessaire et urgent que la SIR et la SONABHY reprennent la bonne collaboration qui a existe entre les deux societes. Il faut rapidement parvenir a un accord de prix et de conditions de vente pour permettre a la SONABHY de reprendre ses achats contractuels aupres de la SIR. Cela devrait etre possible maintenant que le Burkina et la Cote-d’Ivoire ne font qu’un et rament dans la meme direction.

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