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LES RAPPEURS CONTRE WADE : Le choc des générations

Publié le mercredi 21 septembre 2011 à 02h30min

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Au Sénégal, le rap ne se décline plus seulement en flows révoltés. Il occupe désormais l’espace jadis exclusivement réservé aux acteurs politiques. Et cette intrusion ne fait pas que des heureux. Le mouvement « Y en a marre » donne de véritables insomnies au pouvoir en place, dont le champion, Abdoulaye Wade, est prié de prendre sa retraite politique. Tous les moyens pacifiques et légaux sont bons pour ces jeunes d’exprimer leur ras-le-bol face à l’accaparement du pouvoir. C’est un combat contre cette race de dirigeants accrochés au pouvoir et incapables de s’en défaire. Cette révolte de la jeunesse sénégalaise portée par des rappeurs est un véritable retour de bâton pour Wade.

Car c’est aussi grâce à la mobilisation de cette frange de la société sénégalaise que la première alternance démocratique avait eu lieu en 2000. Le même Wade en avait été le grand bénéficiaire. Mais le pouvoir a transformé le héros d’hier. D’opposant historique incarnant tous les espoirs, il est devenu, au contact des honneurs et des ors, un boulimique du pouvoir. Alors, il doit faire face à cette jeunesse qui ne comprend pas qu’en ces années de révolution démocratique soufflant partout dans le monde, son destin soit pris en otage par un vieillard. Wade a fait son temps et doit savoir partir. On ne refait pas le monde à 85 ans. A un autre dirigeant, les jeunes sénégalais auraient sans doute tenu le même langage.

Comme le Bénin, le Sénégal se positionne ainsi en véritable laboratoire de la démocratie. C’est l’une des premières fois, sur le continent, qu’une jeunesse jadis marginalisée, fait trembler un pouvoir. On a encore en mémoire le tsunami populaire qu’elle a opposé au fameux projet de ticket présidentiel. Une jeunesse qui se prend en charge, loin des chapelles politiques, on ne le voit que très peu, malheureusement, sous nos cieux. Le mouvement "Y en a marre", même si sa lutte coïncide avec les objectifs de l’opposition (faire partir Wade), n’est certainement pas du genre à se laisser manipuler ni instrumentaliser.

En tout cas, il y va de sa crédibilité. Pour le moment, il a su garder ses distances vis-à-vis des clans politiques, n’en déplaise au camp présidentiel qui l’accuse de tous les maux. Le palier à ne pas franchir pour les jeunes rappeurs, c’est de donner des consignes de vote. Ils quitteraient alors leur statut de citoyens indignés, pour devenir des acteurs politiques. Pour le moment, on n’en est pas là. Le régime , de son côté, fait semblant d’ignorer la colère des jeunes, en maintenant sa décision de présenter la candidature de Wade. A ce rythme, la présidentielle de 2012 ne sera pas qu’une simple élection. Elle s’apparentera à un référendum entre les partisans de Wade et les autres, entre ceux qui prônent le statu quo et ceux qui aspirent à un nouveau Sénégal. C’est ce double enjeu qui donnera à la présidentielle sénégalaise toute sa saveur.

Mahorou KANAZOE

Le Pays

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