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Effondrement d’immeubles : Le mortel sable mouvant du boom immobilier

Publié le mardi 20 septembre 2011 à 03h10min

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Il convient de sanctionner d’un « gros blâme », le gouvernement en général et le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme en particulier pour le nième effondrement mortel survenu dans la ville de Ouagadougou. Celui du lundi 12 septembre dernier à Ouaga-2000 avec ses trois (3) morts officielles, et peut-être plus officieusement, est de trop. Pour n’avoir pas pris des dispositions et actionné l’arsenal juridique en la matière, des bâtisseurs sangsues continuent de verser des larmes de pauvres ouvriers innocents. C’est la résultante de l’inorganisation qui entretient l’amateurisme dans ce secteur.

Les naïfs qui ont cru à la bonne foi des décideurs lorsque deux bâtiments se sont écroulés coup sur coup sur l’avenue Kwamé-Nkrumah et dans le quartier Pissy, le 25 juillet 2009 n’ont que leurs oreilles pour encore entendre le même refrain. Cette catastrophe a certes ému tout le Burkina Faso mais elle n’a pas amené à tirer les leçons. Les noms de leurs propriétaires ont été gardés secret et personne ne sait quelle est la réponse à leurs actes ignobles. Surtout que cet incident pointe du doigt de gros bonnets insoupçonnés au sein de l’appareil d’Etat et de la communauté des affaires. Les « bla-bla » du ministère en son temps n’ont été que des prêches dans le désert. Deux ans plus tard, c’est le même scénario mortel. Avec des propos frisant le fait accompli, une compréhension et une tolérance condamnables.

L’inconscience des promoteurs immobiliers se nourrit de la démission des pouvoirs publics. Que ce soit au niveau des personnes morales ou physiques, des manquements sont sans cesse relevés mais ils n’inquiètent nullement leurs auteurs. Ils sont nombreux des acquéreurs de maisons qui ont dû reprendre les travaux de construction pour ne pas s’exposer à des dangers certains. Plusieurs locataires d’immeubles sont sans cesse soumis à toutes sortes de défaillance (fuite d’eau, problèmes de plomberie et d’étanchéité, grosses fissures). Et le doute persiste sur toute la chaîne de construction. De la fabrication des matériaux afférents (fer, ciment, etc.) aux procédés d’érection du bâtiment. La succession de ces écroulements pourrait sonner l’échec du boom immobilier et remettre en cause la politique nationale en matière d’habitat.

La boulimie du gain facile et l’idiotie de réaliser un édifice à moindre coût semblent l’emporter sur le respect des normes et le souci de la durabilité. Les enquêtes ayant révélé des tricheries liées aux caractéristiques d’usinage du fer et à la métrologie du ciment mis en vente sont toujours confinées dans les tiroirs sans la moindre décision. Il en est de même pour le conditionnement de certains matériaux dans des emballages inappropriés. Le plus grave serait qu’un immeuble mis en service s’effondre avec tous ses occupants. « Soubahanalaï » ! Là, ce ne serait plus deux ou trois morts mais des dizaines voire des centaines que la méchanceté des uns et le silence des autres auraient sacrifié à l’autel de l’inconscience et du mutisme. Pourtant, c’est ce qui allait arriver si cet entrepreneur inconscient parvenait à terminer son chantier et à mettre son immeuble en location. Le voisinage a tout simplement eu de la chance. La justice divine a levé ses inquiétudes dont celle des hommes ne percevait pas le bien fondé.

Tant que la force publique ne s’applique pas franchement et sévèrement aux acteurs de la construction, la pagaille immobilière va continuer de plus belle. Des investigations menées en 2009 sur le respect de la réglementation en matière de construction dans la ville de Ouagadougou par le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme dressent effroyablement ce constat sans équivoque : « Sur 1890 bâtiments contrôlés dans 16 secteurs périphériques de Ouagadougou, seulement 2,8% des propriétaires desdites constructions disposent d’un permis de construire ». Malgré ce tableau très sombre d’un pays qui se flatte de connaître un boom immobilier, l’opérationnalisation de la Direction nationale de contrôle (DNC), promise à cors et à cris, se fait toujours attendre. Le dernier sinistre a été encore une occasion pour ronronner. L’indécision est le terreau de tous les dérapages qui fragilisent le climat social. Le gouvernement actuel doit se départir de cet héritage du laxisme. Le suivi et l’évaluation sont laissés aux mains d’individus si vils, désintégrés par un environnement corrompu et mercantile.

Pour l’incident du 12 septembre dernier à Ouaga-2000, l’homme a pleinement remplacé le diable dans la commission de ses propres malheurs. A l’image des insensées-femmes et entrepreneurs-véreux qui laissent leurs sœurs mourir en couche ou sabotent les ouvrages de génie civil, le comportement du propriétaire de cet immeuble, R+4 dans ce quartier huppé de la capitale burkinabé, enseigne doublement sur la cupidité des constructeurs et le mutisme du département en charge de l’habitat. Face à ce promoteur assassin qui est un entrepreneur du bâtiment de surcroît, il est fort bien temps pour ses clients de regretter la sincérité des œuvres opérées sur contrats privés ou par les marchés publics.

Cette situation doit susciter de vives inquiétudes d’autant plus que le pays est parsemé d’immeubles, signe évident certes d’un boom mais aussi d’un danger évident. Combien d’étages respectent réellement les normes de construction en vigueur. Bien malin qui saurait répondre. Le secteur du bâtiment est clairsemé de désordre et des gangsters à col blanc. Le souvenir douloureux de 2009 ne s’est pas encore estompé que trois (3) morts, assommés par des gravats et étouffés par les décombres, viennent encore ternir le climat social.

Le risque encouru par les riverains et les travailleurs de ces étages mortels est tellement grand qu’il convient d’engager dès maintenant un audit pour s’assurer du degré de stabilité de ces immeubles dont certains sont abandonnés depuis belle lurette. Si ce n’est pas un bâtiment que le vent menace de faire tomber au secteur 20 à Tampouy, ce sont des risques d’incendie que des usagers et des locataires de nombreux autres encourent quotidiennement. Des châteaux de sable, construits avec des poudres de ciment et des fils de fer, ont dangereusement pion sur rue. La seule complicité entre le propriétaire et un tâcheron qui s’arroge les rôles d’architecte, d’ingénieur, d’entrepreneur et de maître d’œuvre suffit pour monter des étages à guise sur instruction de minimiser le nombre de sacs de ciment, l’utilisation du fer, etc.

L’on a beau décrier le phénomène, c’est comme cela que le boom immobilier burkinabé s’exprime en grande partie. Devant l’ignominie des constructeurs, il n’appartient pas à l’Etat de fléchir dans son rôle de régulateur, de mise en garde et de sanction pour moraliser et assainir un milieu qui n’a que trop enseveli.

Après que le sinistre du 1er-Septembre ait considérablement éprouvé les ouvrages burkinabè, il est de la responsabilité publique agissante de s’assurer de l’efficacité des édifices publics et privés. Cette urgence et cette nécessité paraissent ignorées de qui-de-droit. Le pays se complaît toujours de bénéficier d’une armada textuelle en matière d’habitat et d’urbanisation en lésinant sur les moyens de la pratique sur le terrain. Il est vrai que l’ouverture et le fonctionnement effectifs du Guichet unique sur le foncier (GUF) en 2008 est un véritable pas en avant. Qu’avec la création du Centre de facilitation des actes de construire (CEFAC), une quinzaine de jours permet désormais d’obtenir le permis de construire.

Mais cette embellie ne s’entoure pas de cette conscience rassurante. « Il ne sert à rien d’adopter des lois et les ranger dans les tiroirs. Il faut les appliquer et sévir contre ceux qui les enfreignent », s’est offusqué en son temps, Gilbert Koala, président de l’Ordre national des architectes du Burkina Faso. Si la si attendue avec tout le retard actuel, la fameuse Zone d’activités commerciales et administratives (ZACA) doit s’inspirer de cette dynamique d’effondrement meurtrier, il y a des raisons de craindre de pires lendemains immobiliers. Attention donc aux attentats volontaires à la brique, au béton et au fer volontairement dans ces immeubles piégés.

Dorcas Céleste KOIDIMA, (dorcas.koidima@yahoo.fr)

Pour lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 20 septembre 2011 à 15:32, par COULOU LE SAGE En réponse à : BIEN DIT

    Bel article. Vous touchez beaucoup de points de ce qui est une catasptrophe orchestée par des gens avides d’argent, ces "mètba" qui conjuguent l’avenir du pays à l’aune de leur retraite paisble !

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