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Jusqu’où la responsabilité collective ???

Publié le vendredi 16 septembre 2011 à 02h54min

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Au cours d’une rencontre tenue la semaine dernière à Ouagadougou, un député de l’Assemblée nationale du Burkina Faso a estimé que beaucoup d’actes répréhensibles dans notre société relevaient d’une responsabilité collective. Il en est par exemple de la mal gouvernance, de la corruption, de l’impunité. Selon l’honorable député, par le silence des uns, l’inactivisme des autres, l’indifférence de tous, les mauvais comportements, les basses besognes, et tout ce qu’on pourrait citer d’horrible, finissent par se transformer en vertus. Effectivement dans notre société, beaucoup de choses anormales sont devenues normales : donner 1000 F CFA à un policier pour négocier la restitution de sa moto confisquée après avoir “bruler” un feu ; donner de l’argent à un douanier pour faire passer ses marchandises ; aller voir un parent dans une mairie afin de se faire établir un document pour contourner les procédures, etc.

Cette responsabilité collective dont a parlé le député, a été aussi évoquée tout dernièrement au Tribunal de Grande Instance de Ouagaoudou quand un des avocats des accusés a estimé que nous sommes tous responsables de la mort de Justin Zongo. Il est établi aujourd’hui que ce qui est dénoncé est, d’une manière ou d’une autre, encouragé par nos usages et nos habitudes. La conséquence de tout cela, c’est bien de transformer notre société en une zone de non droit où ceux qui n’ont pas de parents, ni d’amis, ni de connaissances dans une structure doivent se saigner pour se voir servir et écouter. Une zone où une catégorie de la population jouit des privilèges.

Tous les citoyens n’ont pas la possibilité ou n’ont pas cette chance de pouvoir compter sur des connaissances qui facilitent la réponse à leurs besoins. Nous en avons fait l’amère expérience dans une clinique de santé à Ouagadougou. Certains patients n’ont pas besoin de faire la queue, ni attendre pendant un temps pour être consultés. Ils en ont les facilités parce qu’ils sont connus de quelqu’un à l’intérieur. On préfère reporter les rendez-vous de certains patients pour pouvoir accueillir d’autres avec qui on a des relations de famille, d’amitié ou autres.

On peut comprendre que quelqu’un veuille s’occuper de son frère, de sa cousine avant le fils ou la fille de l’autre ; mais quand on est dans un service public, les relations ne doivent-elles pas se gérer autrement ?

On a suivi avec désolation les derniers événements de la maternité Sylla Sanou du secteur 21 de Bobo-Dioulasso. Une femme, Mme Sita Traoré, qui s’y était rendue pour accoucher a finalement trouvé la mort parce qu’il y a eu de la négligence de la part des agents de garde qui n’ont pas apporté l’assistance requise à la patiente. Il est clair et certain que si Mme Sita Traoré était une connaissance, une amie, une parente d’un des agents de santé en garde dans la nuit du 31 août au 1er septembre à la maternité Sylla Sanou, elle aurait été traitée autrement ; avec diligence et respect. Quel que soit le degré de fatigue de ces agents ; quel que soit le degré de sommeil qui les assaille ; ils ne peuvent pas abandonner la patiente souffrir et mourir ! Malheureusement pour Sita, elle n’avait pas de « réseau ». Et c’est la mort !!! Ce qui s’est passé à Bobo donc, n’est pas étranger à nos habitudes de s’occuper de nos fils avant ceux des autres. Dans le cas de Justin Zongo, la police aurait agi autrement si le jeune élève était le parent, l’ami, le proche ou encore l’enfant d’une personne d’une certaine catégorie. Et tout cela, parce que la société tolère ; parce que chacun accepte les raccourcis ; tolère le favoritisme quand il tire avantage de la situation.

La responsabilité collective est donc engagée dans beaucoup de drames ; dans beaucoup de méfaits et de comportements répréhensibles dans notre société. Pour ce faire, chaque citoyen devrait s’interroger sur ses actes.

Cependant cette responsabilité dite collective n’enlève en rien la responsabilité singulière des uns et des autres. Tout le monde n’est pas infirmier ; tout le monde n’est pas policier ; tout le monde n’est pas journaliste, etc. Pour dire qu’il faudrait que chacun assume ses responsabilités car après tout, le pays fonctionne sur des lois. Et que ces lois sont faites pour tous pour assurer l’équité et l’égalité.

Par Bendré

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Vos commentaires

  • Le 16 septembre 2011 à 09:34, par Charles En réponse à : Jusqu’où la responsabilité collective ???

    L’Etat et ses fonctionnaires ont trouvé les bonnes astuces pour instaurer la corruption ! J’attire l’attention de tous sur les montants des taxes et autres contraventions.
    C’est fait de tel sorte que les "fautifs" soient obligés de négocier car les montants demandés sont hors de leurs porté.

    On fait à une entreprise un redressement de 30 millions ; après négociations, il payent que 5. Allez savoir comment se fait le passage de 30 à 5 et qui profite !

    Pour le non respect d’un feu, ce qui peut arriver par inadvertance (cela ne dispense en rien le fautif), il faut payer 12 000 FCFA ! Sur quel salaire ? La meilleure solution est de négocié pour filer 2000 au policier et continuer sa route.

    Les contraventions tiennent-t-ils compte du pouvoir d’achat des usagers ou ce sont juste des montants pour obliger les usagers à négocier avec les policiers ?

  • Le 16 septembre 2011 à 12:16 En réponse à : Jusqu’où la responsabilité collective ???

    Justement c’est parce que Ami ZONGO avait des liaisons douteuses dans la police qu’elle est parvenue à actionner la puissance publique et à la dompter.
    L’inégale traitement des usagers des services ne cessera tant que 80% des Burkinabé baignera dans l’ignorance. Certains pensent souvent qu’il faut forcement des dessous de table pour bénéficier d’un service public.

  • Le 16 septembre 2011 à 15:01, par Tuensé En réponse à : Jusqu’où la responsabilité collective ???

    Merci pour cet article qui éclaire un pan de la problématique.

    En effet, je retiens que c’est aussi nos responsabilités individuelles qui façonnent la société. Que voulez-vous faire face à un policier qui malgré que tous vos papiers sont au complet vous empêche de poursuivre votre route ? Vous battre avec lui ? De même, quand vous avez dénoncé quelqu’un et qu’il ne se passe rien, même pas une enquête pour savoir si vous avez dit la vérité ? La prochaine fois vous changerez de comportement.

    Il faut que nos gouvernants assurent mieux leur travail surtout au niveau des responsables. Ce n’est pas tout le monde que l’on nomme à ce niveau (du moins cela devrait être ainsi). Donc ils doivent être au dessus du lot. Tertius l’avait dit, c’est le suivi de l’action gouvernementale qui manque le plus. Et en corrolaire, la sanction (positive ou négative). S’il y a indifférence que l’on fasse bien ou mal son travail, ceux qui font bien et qui s’investissent finiront aussi par faire comme les autres. Malheureusement en la matière, on est pas tiré vers le haut, mais vers le bas.

    Voilà la contribution que je voulais apporter.

  • Le 17 septembre 2011 à 15:24, par Le professeur En réponse à : Jusqu’où la responsabilité collective ???

    Bonjour,
    Cet article dit tout le mal qui prévaut actuellement dans notre pays. Les missions de l’Administration publique sont dévoyées puisqu’en lieu et place de l’intérêt général, elles servent maintenant l’intérêt particulier.
    Cet état de fait vient du piétinément, de l’effritement de nos valeurs traditionnelles. Un proverbe Moaga le confirme bien à propos : "C’est toujours mieux de plaider pour autrui que pour soi-même." Dans cette démarche, qu’on soit fort ou faible, il se trouvera toujours quelqu’un pour vous attirer des faveurs, sous aucune condition. C’est ainsi que tout ce qui vous appartenait en propre(famille, biens etc.) vous préoocupait moins, votre attention étant toujours captée par les problèmes des autres. Tout naturellement, vos propres problèmes sont aussi pris en charge par les autres. Cette façon de faire ne permettait pas l’exclusion dont sont victimes les millions de Burkinabè pour la simple raison qu’ils n’ont pas de parents aux affaires.
    Le service public reste le service public et on devrait y prendre du plaisir à servir les usagers, qui qu’ils soient.

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