Depuis les législatives de 2000, la Côte d’Ivoire n’a jamais pu tenir de députations, si fait que la représentation nationale qui était en place était quasiment un Parlement croupion : les députés du FPI y faisaient la pluie et le beau temps, les autres, notamment les élus du PDCI/RDA, ayant été chaque fois mis en minorité. Le RDR, qui avait boycotté le précédent scrutin, était absent de l’hémicycle.

Ces échéances non seulement donneront le "la" de la reprise effective du jeu démocratique, mais aussi consacreront le début du renouvellement d’une classe politique qui commence à se scléroser. En effet, le personnel politique ivoirien date majoritairement des années Houphouët, autrement dit de plus de deux générations.

Ces législatives seront l’occasion pour le RHDP de donner au chef de l’Etat une confortable majorité pour appliquer son programme. A vrai dire, le pouvoir d’ADO est actuellement infirme, car l’hyperprésident qu’il est devrait se soumettre au verdict des parlementaires avant certaines actions d’envergure nationale.

Sans doute, ces élections seront aussi un test grandeur nature pour le substrat du RHDP, à savoir le RDR, le Parti originel du président de la République, qui doit prouver sur le terrain sa suprématie.

Le FPI de l’ex-président Laurent Gbagbo pourrait aussi ne pas être ridicule si et seulement si ceux qui prétendent rassembler les débris du parti frontiste parvenaient à le retransformer en véritable opposition. Avec le recul, le jusqu’au-boutisme d’un Gbagbo est rageant, car s’il avait accepté de bonne grâce sa défaite, ces législatives auraient été l’occasion pour lui de confirmer qu’il est l’opposant n°1 à ADO. Et avec un Gbagbo opposant à ADO, la politique aurait eu du relief dans ce pays et la démocratie n’aurait fait que mieux s’en porter.

Enfin, ces législatives feront monter la galaxie Soro. En politique il y a des signes qui ne trompent pas :

 l’actuel Premier ministre a échappé à un obus qui a fait un trou béant dans l’avion qui le transportait le 29 juin 2008 ;

 il a pris la tête des ex-rebelles en 2002 et, par son bagout et sa capacité en communication, s’est imposé ;

 il a fait le coup de feu contre Gbagbo, puis a cohabité avec ce dernier en tant que son Premier ministre.

En 10 ans donc, grâce à son flair politique, coaché en cela par son maître Blaise Compaoré et à sa bonne étoile, l’enfant de Diawalla (nord de la Côte d’Ivoire) a beaucoup capitalisé en expériences, tout comme en ressources financières, ce qui fait que légitimement il ne peut penser qu’à son avenir politique ; une perspective qui ne peut que se décliner en ambition présidentielle ; "il n’est pas illégitime de vouloir être Chef de l’Etat", répond-t-il lorsqu’on aborde ce délicat sujet.

En écoutant aussi le même Soro à l’issue du conclave des Forces nouvelles tenues à Bouaké les 10 et 11 septembre 2011, on n’a plus de doute que non seulement les ex-rebelles comptent bien avoir des députés en décembre, peut-être même Soro en personne parmi eux, mais aussi et surtout que, déjà, l’animal politique scrute l’après-ADO.

Peut-être que bientôt il se confiera à notre confrère Serge Daniel dans un "Pourquoi je veux être président" après son premier ouvrage expliquant les raisons de son coup d’Etat (1), manqué, contre Gbagbo.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga