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Bourgi n’est pas qu’un « porteur de valises ». C’est d’abord un acteur majeur de la « diplomatie parallèle » de l’Elysée et d’ailleurs ! (1/5)

Publié le mardi 13 septembre 2011 à 15h36min

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Il y a trois ans, dans Jeune Afrique (20-26 avril 2008), Alain Joyandet, secrétaire d’Etat à la Coopération et à la Francophonie, déclarait que Robert Bourgi est « quelqu’un qui compte dans la galaxie. Mais, ajoutait-il, il ne fera pas la politique de ce ministère ». Quelques semaines plus tard, Le Nouvel Observateur, dans son édition du 1-7 mai 2008, consacrait trois pages aux « Confessions d’un homme de l’ombre ». C’était la première fois que Bourgi s’entretenait avec un journaliste (en l’occurrence Jean-Baptiste Naudet), plus encore dans un hebdo considéré comme ayant une sensibilité de « gauche ».

Le papier de Naudet valait plus par la forme que par le fond pour ce qui était du portrait de Bourgi ; rien de vraiment neuf. Mais Naudet posait deux questions essentielles auxquelles maître Bourgi répondait crûment. Première question : « Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il tiré vers la lumière cet homme discret qui sentait le soufre ? ». Réponse de Bourgi : « le président assume ses choix […] Il a des couilles au cul ». Brutal ; mais c’était-là une info de première main. Deuxième question : pourquoi Bourgi acceptait-t-il enfin d’être ainsi « tiré vers la lumière ? ». C’est, expliquait Naudet, que Bourgi « voudrait que l’on sache qui il est vraiment, que l’on admette enfin qu’il n’a fait que son devoir et que, bien que travaillant avec l’Afrique, il n’est pas si « noir » que cela ». Pour le reste, on pouvait noter que Bourgi avait décidé de « se payer Bockel » (secrétaire d’Etat à la Coopération de Nicolas Sarkozy qui pensait avoir « signé l’acte de décès de la Françafrique ») et qu’il se vantait « d’avoir eu sa peau », que le « Discours de Dakar » était « une connerie » et qu’en matière de relations France-Afrique, il prônait « le changement dans la continuité ».

On n’avait pas alors entendu parler de Bourgi depuis que Le Figaro, dans son édition du 4 octobre 2007, avait rapporté l’information selon laquelle « Nicolas Sarkozy honore une grande figure de la Françafrique ». « Célèbre éminence grise des relations franco-africaines, écrivait Le Figaro, l’avocat Robert Bourgi a été, seul récipiendaire, décoré jeudi dernier de la Légion d’honneur par Nicolas Sarkozy. Faisant référence à Jacques Foccart, inamovible « Monsieur Afrique » de l’Elysée sous de Gaulle et Pompidou, dont Robert Bourgi fut le disciple, l’actuel président a loué « l’efficacité et la discrétion » d’un « ami de 24 ans ». « Je sais, cher Robert, pouvoir continuer à compter sur ta participation à la politique étrangère de la France », a-t-il déclaré ». Quelques jours auparavant, Le Point (27 septembre 2007) avait noté que Bourgi « comptait déjà parmi les invités de l’Elysée le jour de la passation des pouvoirs ».

Le CV de Bourgi ne dit pas grand-chose sur la personnalité de cet « homme de l’ombre ». Né le 4 avril 1945 à Dakar, au Sénégal, Jaffar Robert Bourgi est le fils d’un « industriel », Mahmoud Bourgi, et de Manar Abou-Khalil. C’est à Dakar, au lycée Van Hollenhoven, qu’il fera ses études avant de rejoindre les facultés de droit de l’Université de Nice et de l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne. Docteur d’Etat de droit public, titulaire d’un DES de sciences politiques, il va être chargé de cours aux facultés de droit de Cotonou, au Bénin, Nouakchott, en Mauritanie, et Abidjan en Côte d’Ivoire pendant une douzaine d’années (1973-1986).

Avant de s’embarquer pour l’Afrique, Bourgi avait épousé, le 7 décembre 1972, une avocate, Catherine Vittori. Ils auront trois enfants : un garçon et deux filles. C’est pendant son séjour en Afrique, en 1980, que Bourgi va rédiger son Général de Gaulle et l’Afrique noire (1940-1969). En 1986, lors de la première « cohabitation » (François Mitterrand à l’Elysée ; Jacques Chirac à Matignon), Michel Aurillac a été nommé ministre de la Coopération ; Bourgi va rejoindre son cabinet comme conseiller politique. En 1988, quand les socialistes reviennent au pouvoir, il prendra la direction des services juridiques de Medexafrique. En 1993, il prête serment d’avocat. Il s’intéresse, dit-il, au général De Gaulle, à André Malraux et à Napoléon 1er, à la cuisine française et aux vins de Bordeaux et de Bourgogne, pratique le tennis, le football et le handball, et il est membre et délégué national du Club 89.

Reprenons. Mahmoud Bourgi, père de Robert, négociant libanais implanté au Sénégal, avait la haute main sur le commerce des arachides. Selon Albert Bourgi, fils cadet de Mahmoud, son père aurait connu Foccart à Dakar à la fin des années 1940. Bourgi était alors « importateur de textiles, considéré comme le leader de la communauté libanaise d’Afrique. Il avait été le premier libanais naturalisé français en 1947 à cause de son attitude pendant la guerre » (Albert Bourgi dans L’Homme de l’ombre, de Pierre Péan).

Dans son Journal de l’Elysée (5 volumes ; plus de 3.000 pages), Foccart n’évoque pourtant Bourgi qu’à deux reprises ; ce qui est très peu compte tenu des relations entre les deux hommes : « Il connaissait le milieu africain d’une façon fantastique, grâce à ses activités de traite de l’arachide […] Il était extrêmement gentil, très loyal, bien informé et influent et profondément gaulliste. Par lui, je savais ce qui pouvait se tramer non seulement au Sénégal, mais au Soudan et en Haute-Volta […] Mais ne me faites pas dire que Bourgi était un agent de renseignements. C’était un homme passionné par son pays d’adoption, qu’il connaissait parfaitement. Il savait parler de l’AOF et communiquer son enthousiasme ». Pourquoi Foccart n’évoquait-il « son brave » Bourgi que dans le dernier volume, au temps de Georges Pompidou, comme pour lui rendre un discret hommage ? Peut-on penser que le journaliste Albert Bourgi étant le bras droit de Béchir BenYahmed, patron du groupe Jeune Afrique (co-éditeur du Journal de l’Elysée) certains passages aient été caviardés ?

Revenons au fils. Robert ne sera longtemps, pour les spécialistes, que l’auteur d’un pavé de plus de 500 pages à la gloire de la politique africaine de De Gaulle. Puis un conseiller politique de Aurillac pendant les deux années où celui-ci aura été le « patron » de la rue Monsieur. Quand les socialistes ont accédé au pouvoir en 1981, Aurillac a créé le Club 89 et en a fait un pôle de regroupement « d’africanistes » parisiens, dont certains de l’ultra-droite. Bourgi, alors à Abidjan, fondera sa section ivoirienne. Il souhaitera retrouver son job de conseiller lors de la deuxième « cohabitation » (1993-1995), quand Michel Roussin se sera installé à la « coopé ». Mais, écrira Jeune Afrique Économie : « Dans les rangs de son parti, le Rassemblement pour la République, où on le juge « peu recommandable et souvent néfaste », le clan des « africanistes » tente de marginaliser Robert Bourgi, faute de le désintégrer. Marginalisation toute relative. A défaut d’être un homme politique, il est devenu, depuis le 26 mai 1993, avocat devant la première chambre de la cour d’appel de Paris. Et Me Bourgi est, tantôt aux côtés de Michel Aurillac, tantôt de Jacques Chirac, le go-between entre les « chiraquiens » et le président Mobutu ».

Cette connexion zaïroise va être le fonds de commerce de Bourgi pendant les dernières années du maréchal-président. Mobutu était « tricard » (l’expression est de Bourgi) en France à la suite de la répression contre l’opposition. Bourgi va négocier le séjour en France de Mobutu et de membres de sa famille. A l’automne 1994, quand Mobutu viendra à Biarritz pour le dernier sommet France-Afrique de Mitterrand, Bourgi sera membre de sa délégation officielle et va multiplier les efforts auprès de Bruno Delaye et Dominique Pin, conseillers Afrique de l’Elysée, pour que Paris joue à fond la carte du soutien à Mobutu. Selon Stephen Smith et Antoine Glaser, le cabinet Bourgi aurait facturé 200.000 $ ce retour de Mobutu sur la scène internationale.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 13 septembre 2011 à 16:23, par lemoine En réponse à : Bourgi n’est pas qu’un « porteur de valises ». C’est d’abord un acteur majeur de la « diplomatie parallèle » de l’Elysée et d’ailleurs ! (1/5)

    je suis pas du tout surpris que le président du Burkina ait puisé dans nos maigres ressources que les Burkinabè ont acquis à la sueur de leur front pour les offrir à des néocolonisateurs afin de s’assurer de leur soutien.avec cela vous voulez lutter contre la corruption au Burkina.on est vraiment mal barré.ces pratiques ne peuvent pas disparaitre car étant membres des mêmes sectes les hommes de pouvoir se soutiendront toujours même s’il faut sacrifier leur peuple. c’est la règle dans ces fraternités là

    • Le 14 septembre 2011 à 01:07 En réponse à : Me Sawadogo contre Me Bougri

      Vous etes tous des jaloux,

      Me Bougri ne vaut pas Me Benoit Sawadogo qui connait les Francais et connait Blaise.
      Me Sawadogo va reduire a rien toutes les accusations de Me Bougri si cette affaire va en justice. Blaise a les meilleurs conseillers juridiques de ce pays. Les jaloux vont mourir.

  • Le 13 septembre 2011 à 19:25 En réponse à : Bourgi n’est pas qu’un « porteur de valises ». C’est d’abord un acteur majeur de la « diplomatie parallèle » de l’Elysée et d’ailleurs ! (1/5)

    Nous comprenons aisement le silence du regime sur les cas de corruption averée et les difficultés du RENLAC contre ce fleau. Mais ce cas des DJEMBE est assez revelateur de la bassesse dans laquelle le regime Compaoré nage. Malheureusement, le Faso avec.

  • Le 13 septembre 2011 à 22:18, par Mme Bouda En réponse à : Bourgi n’est pas qu’un « porteur de valises ». C’est d’abord un acteur majeur de la « diplomatie parallèle » de l’Elysée et d’ailleurs ! (1/5)

    Moi j aimerai demander aux burkinabe de taire cette affaire de valises d’argent qui soulevent plus de questions qu’elle n apporte de reponses.
    Si Bourgi se veut credible pquoi ne depose t’il pas ses preuvs de facon concommittante ? Pquoi ne s’adresse t il pas à la justice ? Pquoi attend il aujourd’hui pour faire ces revelations ? Pquoi a t il voyager avec le Sarkozi (sur invitation de celui-ci) pour participer à l’investiture de bongo junior ? Combien de valises d’argent sont ont ils recu lors de ce voyages ? etc.
    J aimerai egalement me mettre a distance de ce que Alain Edouard Traoré raconte. Lui qui etait scertainement loin des affaires ministerielles en 2002. Pqoui Alain a t il la memoire si courte pour se rappeler qu’en 2002 ( et peut etre aujourdhui) le President Blaise courait toujours derriere une legitimité tant nationale qu’internationale. Pqoui alain ne veut il pas reconnaitre que le pouvoir de Chirac a bien contribuer a asseoir celui de Blaise ? Pquoi Alain parle de ce qu’il ne maîtrise pas ? Pquoi ? pquoi ?
    Que Dieu sauve le Burkina des main des vampires !!!

    • Le 14 septembre 2011 à 01:08, par l’oeil En réponse à : Bourgi n’est pas qu’un « porteur de valises ». C’est d’abord un acteur majeur de la « diplomatie parallèle » de l’Elysée et d’ailleurs ! (1/5)

      Madame Bouda, que vous optiez pour le silence est votre droit ! De grâce, n’invitez pas les autres citoyens de faire de même : avec ses révélations, chacun fera son analyse et son opinion. Que Bourgi ait pris des commissions, qu’il soit un truand, cela ne m’intéresse guère. Soyons pédagogiques : un complice vous révèle l’identité de l’auteur de votre objet volé et vous tombés dans la réflexion suivante : C’est pas sérieux, où sont les preuves ! La preuve, c’est lui : le complice. Je sais maintenant pourquoi les autorités narguent le peuple : il est lâche et a peur de réfléchir. Pourtant, si Dieu a pris la peine de nous éléver au dessus des animaux, c’est notamment pour que nous puissions réflechir et non resonner.
      Avec mes amitiés de burkinabè du Burkina (pays pauvre) dont l’argent sert à financer les dirigeants de pays riches !

    • Le 14 septembre 2011 à 02:34 En réponse à : Bourgi n’est pas qu’un « porteur de valises ». C’est d’abord un acteur majeur de la « diplomatie parallèle » de l’Elysée et d’ailleurs ! (1/5)

      Parle bon francais d’ abord madame la boudeuse. ...de facon concommittante...???? C’est tout ton francais comme ca ? Ne me dis pas que le francais n’est pas notre language maternelle. Ou il fallait alors ecrre dans langue maternelle, vite et bien. Un gouvernement qui trafique nos devises dans des tamtams n’est pas un gouvernment serieux. Rien a attendre d’ une telle gouvernance immorale. Ca touche maintenant le fond.

  • Le 13 septembre 2011 à 22:57 En réponse à : Bourgi n’est pas qu’un « porteur de valises ». C’est d’abord un acteur majeur de la « diplomatie parallèle » de l’Elysée et d’ailleurs ! (1/5)

    Savez-vous pourquoi ce réveil brusque de la France concernant ses relations avec les pouvoirs africains ? La puissance coloniale se rend compte qu’elle est entrain de se faire prendre dans son propre piège, au point de risquer son effondrement. Elle a crée ou imposé à la tête des pays africains des pouvoirs dictatoriaux sans foi ni loi, corrompus, médiocres et incompétents, spécialisés dans la fabrique de la désolation pour leurs populations. Il s’avère de plus en plus, que ces monstres ne sont plus nuisibles que pour leurs peuples. Par leurs pratiques mafieuses et leurs longévités indécentes au pouvoir, ils sont également devenus dangereux pour la puissance coloniale, en ayant acquis, grâce aux rentes de l’exploitation de leurs peuples, la capacité de perturber le jeu politique dans la métropole et d’imposer à la tête de la puissance coloniale des dirigeants également, mafieux, corrompus et médiocres. C’est comme l’histoire de l’arroseur arrosé ou celle de ce Savant qui a fabriqué un monstre, qui se met à le dévorer lui-même. Si le règne à durée indéterminée des dictateurs perdure, ce n’est plus seulement les pays africains concernés qui vont s’écrouler ; mais ce sera avec la puissance coloniale. C’est dommage que celle-ci n’en aie pris conscience que maintenant, au moment où la Chine arrive à pas de géant.

  • Le 13 septembre 2011 à 23:19, par L’africain En réponse à : Bourgi n’est pas qu’un « porteur de valises ». C’est d’abord un acteur majeur de la « diplomatie parallèle » de l’Elysée et d’ailleurs ! (1/5)

    Rectification lemoine, ceux qui ont reçu ces fonds occultes ont pitié de leur peuples. D’ailleurs, ces peuples ne sont pas aussi moutons que nous pour se laisser gouverner par des gens qui ne sont pas prêts à défendre leurs intérêts.

  • Le 13 septembre 2011 à 23:20, par L’autre Afrique En réponse à : Bourgi n’est pas qu’un « porteur de valises ». C’est d’abord un acteur majeur de la « diplomatie parallèle » de l’Elysée et d’ailleurs ! (1/5)

    On comprend maintenant le silence du locataire de Kossyam face à la corruption, à la gabegie, à l’impunité, à la concussion, à l’injustice au Burkina. Pour livrer de telles batailles, il faut être dans sa peau et s’y plaire.
    L’autre Afrique

  • Le 14 septembre 2011 à 02:41 En réponse à : Bourgi n’est pas qu’un « porteur de valises ». C’est d’abord un acteur majeur de la « diplomatie parallèle » de l’Elysée et d’ailleurs ! (1/5)

    Je sais que ce regime est aguerri aux scandales mais cette fois- ci quand meme, c’est trop vilain. Remplir des tamtams de "encore petites coupures", ce qui veut dire qu’ au moins une fois avant ca il avait envoye des petites coupures.Pourquoi meme vous ne mettiez pas les grosses coupures ? Vous ne savez pas que les corrompus de gouverneurs francais n’aiment que les grosses coupures ? Il faut suivre, hein ! Sinon on dira que les burkinabe ne sont pas courantes. Wade et Bongoman ont du metrre de grosses coupures. Moralite : Les patrons francais n’aiment pas manger des crapauds maigres. Puisqu’ il bien manger des crapauds, ils les preferent grassouillets.

    Gnandekaye Burkinkaaniin.

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