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Editorial de Sidwaya : Alphabétisation et culture démocratique

Publié le lundi 12 septembre 2011 à 03h35min

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La démocratie burkinabè est naissante, mais conquérante. Les populations à la base de la communauté nationale, aidées par quelques cavaliers émérites, apprennent à l’aimer, la dompter. Elles l’adoptent peu à peu, apprécient ses principes garantissant l’égalité des chances dans la vie ; la démocratie enrichit les thèmes des chansons populaires. Même si nos pères et mères des villages ne savent pas sortir la dernière définition de la démocratie pour la jouissance de leur esprit, ils savent la reconnaître, surtout quand elle fait défaut... Il reste que c’est une démocratie à plusieurs inconnues qui doit être approfondie, la bonne volonté ne suffisant pas toujours. N’est-ce pas pour cette raison que l’alphabétisation joue un rôle toujours croissant dans la politique de développement nationale ?

Par le biais de l’école et de ses prolongements spécialisés, l’alphabétisation n’est-elle pas capable de participer à promouvoir, à la base, une véritable culture démocratique ? Dans ce domaine comme dans tant d’autres, la tâche est conséquente, le budget limité, le timing serré.

Grâce aux efforts de l’Etat burkinabè et de ses partenaires, plusieurs langues nationales sont d’ores et déjà écrites. Cela a nécessité de gros investissements, une organisation en termes de ressources humaines, une couverture financière importante et un suivi technique et pédagogique conséquent. Les églises, les stations de radiodiffusion et les agences publicitaires restent les plus grands consommateurs des retombées de cet effort national. De temps en temps, des ONG demandent à leurs agents de maîtriser l’oral et l’écrit de telle ou telle langue. A l’Université, les langues nationales transcrites apparaissent parfois comme des suppléments presque dérisoires aux études officielles. De cette manière, même quand on aura dénombré quelques millions d’alphabétisés, nous pourrions toujours chercher, inquiets, la justification des sommes d’argent dépensées pour l’instruction de nos populations. C’est vrai que nous sommes en droit d’attendre plus et mieux d’une initiative nationale de cette envergure, condition sine qua non à l’émergence.

Comme beaucoup de pays d’Afrique, le Burkina a manqué le grand tournant de la culture et du développement vraiment endogènes, par l’usage adéquat de ses langues nationales. Il s’est embarqué à son corps défendant avec le français, à la fois comme langue de culture et langue de communication. C’était assurément trop donner ! Au moment de ce délicat dérapage, un argument facile l’a convaincu : « On ne peut pas scolariser un pays de trois millions d’habitants en trois cents langues ». L’Inde, pourtant, l’a fait avec mille huit cents langues...

Il est aujourd’hui plus sensé que les Burkinabè des nouvelles générations s’éloignent de ce qui fut leur langue maternelle pour ne s’exprimer qu’en français. Il est plus réfléchi disons-nous, d’assumer et partager les atouts communicationnels de notre « Francophonie mondiale » avec le plus grand nombre de nos contemporains tout en gardant jalousement nos langues comme terreau de culture. Dans ce sens, l’alphabétisation doit être le tremplin, aujourd’hui, d’une culture démocratique authentique.

De notre point de vue et prenant en cela l’exemple des pays anglophones comme le Ghana et le Nigeria, il nous semble urgent d’organiser la traduction et la vulgarisation, en langues nationales, de la Constitution, texte de base de notre contrat social. Le Code du travail, le Code de la Famille, le Code électoral également devraient être traduits, rendus accessibles et diffusés au profit des populations qui ne comprennent ni ne lisent le français. Le dialogue électoral entre la classe politique nationale et la base démocratique semble souvent superficiel, tronqué par l’ignorance populaire généralisée des textes fondant la pratique de la politique au Burkina Faso.

Comment organiser des élections transparentes si la connaissance de ses textes fondateurs ne circule pas correctement du sommet à la base ? Les « prédications » fermentées qui coulent à flots pendant les campagnes électorales, comme on le sait, ne sont pas faites pour instruire, mais pour déstabiliser… Pour donner aux nouvelles générations la chance de faire autrement la politique, il est utile que les populations alphabétisées soient instruites des textes fondamentaux de notre contrat social. Le proverbe moaga dit : « Si tu veux marcher en compagnie d’un ami, ne va pas « blinder » tes biceps sans l’inviter à en faire autant. ».

Par Ibrahiman SAKANDE ( sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 12 septembre 2011 à 15:18, par Alexio En réponse à : Editorial de Sidwaya : Alphabétisation et culture démocratique

    La democratie Africaine etait sous l Arbre a palabre,ou les informations etaient en vehicule.Je suis tres d accord que beaucoup de burkinabe ne connaissent leur droits de citoyennete,la democratie sans educateurs,les codes de routes de notre societe,tant familliale, economique et politique.A qui la faute ?Le systeme dirigeant depuis deux decennies.

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