D’abord, le Burkina Faso et ses habitants sont par nature hospitaliers. On donne toujours l’asile à qui nous le demande. Quitte à régler, s’il y a à régler les problèmes qui s’en suivent. Les exemples en la matière sont nombreux et assez significatifs. Laurent Gbagbo pendant qu’il traversait le désert, traqué lui aussi par un certain Félix Houphouët-Boigny, posait ses valises ici au Faso. Il avait même bénéficié d’un passeport burkinabé pour le reste de son parcours. Même s’il ne nous l’a pas totalement reconnu par la suite, l’histoire nous a donné raison.

C’est au Burkina Faso que les islamistes, chassés de Folambray en France ont été accueillis, en pleine journée. L’événement a fait le tour du monde. Nous leur avons donné le gîte et le couvert. Certains d’entre eux sont rentrés, d’autres se sont établis ici au Faso et ont même fondé des foyers. Aujourd’hui, ils contribuent d’une manière ou d’une autre à l’économie nationale, puisqu’ils font des affaires. L’exemple le plus récent est celui du turbulent capitaine guinéen Dadis Camara qui se la coule douce dans une villa de Ouaga 2000. Alors qu’il a échappé à une tentative d’assassinat dans son pays, alors que sa présence en Guinée pouvait perturber le cours normal du processus démocratique dans son pays, nous l’avons accueilli. Son pays a retrouvé le chemin de la démocratie, de la paix, de la stabilité et du développement. Dadis ne se plaint pas du tout à Ouagadougou. Ces exemples ne sont pas exhaustifs.

Ensuite, si nous devons accueillir Kadhafi à sa demande, c’est dire qu’il nous est reconnaissant. Et pour cela, il faut le pardonner quand bien même il n’est pas du genre. On se rappelle encore comme si c’était hier, alors que la Libye était sous embargo aérien des Nations unies, c’est le président Blaise Compaoré qui, en 1998, après le sommet de l’Organisation de l’unité africaine, a pris son avion et a violé publiquement cet embargo-là. Libérant ainsi le peuple libyen en ouvrant son espace aérien. En accueillant Kadhafi, il faut comprendre que c’est dans la même philosophie de libérer le peuple libyen d’un ex-leader devenu encombrant. Car, à tout point de vue, la présence de Mouammar Kadhafi sur le sol libyen, quelle que soit la manière, pèsera sur le processus démocratique. Vaut donc mieux l’avoir loin. Que ce soit au Burkina Faso ou ailleurs.

Enfin, si jamais nous accueillons Kadhafi, nous lui auront démontré que nous sommes un peuple grand. Qui ne garde pas rancune et qui sait où il va. Kadhafi avait deux facettes. Sinon plusieurs. Le philanthrope d’un côté et le méchant. Quoi qu’on dise, il a financièrement investi au Faso. C’est du concret, comme on dit. Il est même connu dans nos campagnes où il a fait des dons à des paysans. Mais il avait aussi cet autre côté qui consistait à ne pas accepter des points de vue différents. Pour cela, il était capable d’user de tous les moyens pour se faire entendre. Blaise Compaoré en sait quelque chose. N’est-ce pas cela qui a entaché à un moment donné les relations entre les deux ? Mais si malgré toit il demande à venir ici, il faut le lui accorder. Car, on ne répond pas au coup de pied de l’âne par un autre coup de pied.

Seulement, dans ce cas, il faut respecter toutes les dispositions légales et conventions internationales signées par le Burkina Faso. Car si nous devons accueillir Kadhafi dans le respect du droit international, on doit aussi respecter la volonté du peuple libyen. Dont les dirigeants, que sont ceux du Conseil national de transition ne doivent pas oublier que ce qui arrive aujourd’hui à Kadhafi peut leur arriver demain. Ils doivent également savoir que ce n’est pas pour leurs beaux yeux qu’ils sont soutenus par des puissances occidentales. D’ailleurs ils le savent plus que quiconque.
Nous aurons, en tout cas nous, marqué un gros point si jamais nous acceptons d’accueillir Kadhafi sur notre beau sol.

Dabaoué Audrianne KANI

L’Express du Faso